(...)
"Tu veux lui donner le livre de sa propre vie,
le livre qui le situera, lui servira de guide, le fortifiera
pour les changements à venir...... (...)
Il n'y a rien à attendre de l'univers des objets,
et Clarissa craint que l'art, même le plus grand (même les trois volumes de poésie de Richard, et son unique, illisible roman), n'appartienne avec obstination au monde des objets.
Devant la vitrine de la librairie, un vieux souvenir lui vient à l'esprit,
le battement timide d'une branche d'arbre contre une fenêtre,
pendant que, de quelque part ailleurs (en bas ?) une vague musique,
la plainte sourde d'un orchestre de jazz, s'élevait d'un phonographe.
(...)
Une branche frappant doucement contre une fenêtre tandis que s'élevait le son des trompettes ;
comme si l'arbre agité par le vent, avait d'une certaine manière provoqué la musique.
Il semble que c'est à ce moment-là qu'elle a commencé à habiter le monde ;
à comprendre les promesses qu'impliquait un ordre plus vaste que le bonheur humain, bien que renfermant le bonheur humain en même temps que toutes les autres émotions.
La branche d'arbre et la musique ont plus d'importance pour elle que tous les livres à la devanture de la librairie. Elle voudrait pour Evan et pour elle un livre qui contiendrait ce qu'évoque cet étrange souvenir.
Elle reste à contempler les livres, et son reflet qui se superpose dans la vitre
(elle est toujours agréable à regarder, belle désormais plutôt que jolie - quand donc la maigreur
et les rides et les lèvres parcheminées de son visage de vieille femme commenceront-elles à apparaître ?),
puis elle s'éloigne".
(...)
Michael Cunningham
Les Heures
domaine étranger
(extraits pp 29-30-31)
***
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Par Den :
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