Le temps d'une fréquentation normale, comme à l'époque, et traditionnellement, d'un an au moins. Avant l'union, le mariage.
1942-1943.
Des fiançailles, il n'y en a pas eues, officiellement ; pas de jour de
déclaration en cette période de guerre, mais une promesse d'intention
d'union, avec une remise de bague splendide, finement ciselée en or
blanc, sertie de pierres brillantes, en signe d'amour, que maman
continue de porter avec respect et fierté.
Une intention de mariage... il n'y a eu qu'un pas, franchi avec allégresse et bonheur.
Un pas, c'est vite dit, car maman contracte accidentellement la
scarlatine ce qui retarde le mariage d'un an, et s'ensuit alors une mise
en quarantaine suffisamment longue pour ne pas s'épouser comme on l'a
souhaité en 1944.
Maman se remémore rétrospectivement la forte fièvre déclenchée par cette
maladie infectieuse causée par un streptocoque virulent, -la
pénicilline et la cortisone utilisées, ou pas-, maman ne s'en souvient
pas ; des violents maux de gorge l'empêchant d'avaler : maman de ça
elle s'en souvient, et de la crainte panique des soins antiseptiques au
bleu de méthylène au fond de la gorge, avec le coton coïncé entre les
lames acérées d'une paire de ciseaux. Puis la grande fatigue qui s'en
est suivie, seule, isolée dans la chambre, les visites interdites pour
quiconque, notamment de son promis.
C'est encore la Seconde Guerre Mondiale étalée sur six ans, du 1er septembre 1939 au 8 mai 1945.
Là dans ce milieu, et à la campagne, on ne connaît pas grand-chose de
l'Histoire de France... des tenants et des aboutissants de cette
guerre,... si ce n'est qu'elle est sûrement inutile, inhumaine, et qu'il
y a trop de morts... Regrettant peut-être, et seulement cela, de ne pas
avoir pu éprouver l'engouement ressenti par leur père lors de la Grande
Guerre de 14-18, de laquelle il a été difficile de se soustraire...
entraînant un énorme désir de solidarité et de partage, une envie
irrépressible de participation à l'Histoire Universelle avec des
individus liés dans une masse ardente... et tout cela dans un souhait
irréfrénable de fraternité rassemblée en un moment unique.
... et ainsi gommer les différentes barrières de classes, de langues, et de religions.
Cette guerre a donné du sens à la vie parfois insignifiante de chacun, incorporé à une masse devenue héroïque.
Maman quant à elle, n'oublie pas le mois de septembre 1939 où la France et le Royaume-Uni ont déclaré la guerre à l'Allemagne.
C'est le début d'un long calvaire.
Là, et maintenant, ce n'est pas le même chant que l'on entend, pas comme en 14.
On connaît la guerre, celle qu'a vécu le père de Justin, mon grand-père Léon.
On ne s'illusionne plus. On ne parle plus de romantisme, d'idéologie, mais d'une aventure barbare,
bestiale même. Virile.
On sait qu'elle sera longue cette épreuve, qu'elle durera.
On a vu tout cela dans les journaux, les films, les documentaires, des livres.
Et puis on sait qu'avec les nouvelles techniques d'aujourd'hui... elle va être ignoble, inhumaine...
On ne croit plus à grand chose, ni en sa justice, ni en une hypothétique paix durable consécutivement. On ne s'illusionne plus.
On sait, parce qu'on nous les a racontées, dit Camille, les déceptions,
la misère qui ont suivies, la famine, la désolation, la chute de la
monnaie, l'insécurité ... la méfiance de tous pour tous.. parfois
l'enrichissement de certains..
Papa a vécu l'autre guerre... la seconde guerre mondiale, trop longue,
absurde à son goût, mais il n'avait pas d'autre choix, du temps perdu,
il a été fait prisonnier en Silésie, dans une ferme. Il a souffert
évidemment d'être séparé des siens, mais il n'a pas souffert vraiment de
la faim, il travaillait la terre.. il a même failli épouser une fille
de là-bas. Il plaisante avec cela, taquinant maman. Ensuite il a été
libéré comme soutien de famille et a rejoint avec bonheur sa famille en
Provence, à la Fromentane, de nouveau.
Et il a connu Camille.
Den
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