lundi 31 mai 2021

*Elle, Camille P.

C'était elle...



S'ensuivent des visites médicales, dont une plus importante à l'Hôtel Dieu à L... là même où elle a été déposée, en abandon, seize années plus tôt, reconnue par des religieuses..

..."Camille P... Camille P.... Voyons voir votre nom me dit quelque chose". Et pour cause..

Le nouveau-né retrouvé sur ces mêmes marches de l'Hôtel Dieu, seize ans plus tôt...
C'était elle.

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S'ensuit la conclusion des médecins :
..."porter un corset pendant trois ans, sans discontinuité à cause d'une importante scoliose"...

... le corset sera assoupli par la suite en fonction des améliorations constatées.

C'est ainsi que maman, sans le savoir est revenue hanter, tel un fantôme, les escaliers de l'Hôtel Dieu là à L...

On est en 1937. Elle a seize ans, maman.

Et comme si irrémédiablement la vérité sur les conditions de sa naissance tournoyait autour de ce lieu sans jamais se poser nulle part, laissant courir inlassablement l'ignorance de sa venue au monde.

Ici, dans le plus grand hôpital-hospice de la presqu'île, construit sur de belles courtines, détruit en partie pendant la Révolution, reconstruit plus tard, désaffecté depuis la fin de l'année 2010. Il sera remplacé par un grand hôtel luxueux, riche de galeries marchandes.

Et puisqu'on parlait de courtines... de ce fleuve, long de 812 kilomètres, pour ne pas le nommer... axe majeur qui relie l'Europe du Nord à la Méditerranée... sa vie   a été immortalisée par Frédéric Mistral..

et Vincent Van Gogh en Septembre 1888 lui a consacré une "nuit étoilée"..

"je veux maintenant absolument peindre un ciel étoilé. Souvent il me semble que la nuit est encore plus richement colorée que le jour... colorée des violets, des bleus et des verts plus intenses.
Lorsque tu y feras attention tu verras que certaines étoiles sont citronnées, d'autres ont des feux roses, verts, bleus, myosotis. Et sans insister davantage il est évident que pour peindre un ciel étoilé il ne suffise point du tout de mettre des points blancs sur du noir bleu..."  

Vincent Van Gogh  '(extrait d'une lettre écrite à sa soeur Wilhelmina)

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On dit..

Ce projet d'hôtel supplantera le  bâtiment d'origine après d'importants travaux prévus sur une durée de trois ans, emportant à jamais avec lui le secret de la naissance de maman, et de sa famille inconnue de nous ses enfants.

Parallèlement, il existera dans ses murs, un dessein d'installation d'un grand musée médical qui pourrait rassembler de nombreuses collections de L... d'un immense intérêt historique : il pourrait devenir l'un des plus grands musées médicaux de France.

On peut extrapoler... on peut imaginer.. on peut dire..

Et si.. et si...

Ce que l'on ne savait pas, c'est que maman était suffisamment forte psychologiquement pour se construire elle-même, carapaçonnée, bardée d'une armure invincible. Volontaire, positive, elle l'était, et elle continue de l'être à l'orée de ses quatre-vingt onze ans, et pour cela on ne peut que lui rendre hommage !

Den





 

Le 30 mai 2021 - la fête des mamans

 

 
Bonne fête à toutes les mamans


Pour moi ce fut une visite en famille  du Palais  Idéal du Facteur Cheval dans la Drôme. Un endroit extraordinaire par un temps merveilleux, ensoleillé, juste comme il le fallait.

 Vous trouverez ci-après les photos relatives à ce site, offertes par ma fille Faby....

    Monument historique à visiter  si ce n'est pas déjà fait !

 

"Avril 1879. Ferdinand Cheval, facteur rural âgé alors de 43 ans, butte sur une pierre si bizarre lors de sa tournée qu’elle réveille un rêve. Véritable autodidacte, il va consacrer 33 ans de sa vie à bâtir seul, un palais de rêve dans son potager, inspiré par la nature, les cartes postales et les premiers magazines illustrés qu’il distribue".

 

"Parcourant chaque jour une trentaine de kilomètres pour ses tournées en pleine campagne, il va ramasser des pierres, aidé de sa fidèle brouette. En solitaire, incompris, il inscrit sur son monument “travail d’un seul homme”. Son palais de rêve est achevé en 1912".

 


“ Mon pied avait accroché une pierre qui faillit me faire tomber: j’ai voulu savoir ce que c’était. C’était une pierre d’achoppement de forme si bizarre que je l’ai mise dans ma poche pour l’admirer à mon aise.

Le Lendemain, je suis repassé au même endroit ; j’en ai encore retrouvé de plus belles. Je me suis dit: puisque la nature veut faire la sculpture, je ferai la maçonnerie et l’architecture" ”

 









“ Après avoir terminé mon Palais de rêve à l’âge de soixante dix-sept ans et trente-trois ans de travail opiniâtre je me suis trouvé encore assez courageux pour aller faire mon tombeau au cimetière de la Paroisse.

Là encore j’ai travaillé 8 années d’un dur labeur. J’ai eu le bonheur d’avoir la santé pour achever ce tombeau appelé « Le Tombeau du silence et du repos sans fin » – à l’âge de 86 ans.

Ce tombeau se trouve à un petit kilomètre du village d’Hauterives. Son genre de travail le rend très original, à peu près unique au monde, en réalité c’est l’originalité qui fait sa beauté".

 

 

 

dimanche 30 mai 2021

*Sérénité

*J'ai passé bien des heures de ma vie..

J'ai passé bien des heures de ma vie à regarder pousser l'herbe 
ou à contempler la sérénité des grosses pierres au clair de lune.
Je m'identifiais tellement au mode d'existence de ces choses tranquilles, 
prétendues inertes, que j'arrivais à participer à leur calme béatitude.

George Sand

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samedi 29 mai 2021

*Camille, gouvernante du Chambon-sur-Lignon à Aix-en-Provence

Vu les excellentes références de Camille, Madame R.... souhaite vivement employer maman, dès sa majorité, en décembre 1942.

Elle s'occupera de ses sept enfants sur Aix-en-Provence, comme gouvernante.

Les R... comme on dit, globalement, la famille R... contrairement à maman, sans famille, sont issus d'une famille aisée.
De plus, aller dans le midi, quelle chance ! maman rougit de plaisir, impatiente.

Un bel avenir lui est promis, après ces années de début de vie quelque peu difficile.

Une éclaircie semble se profiler dans son ciel. D'ailleurs ne le sait-elle pas Samille ?

Maman a toujours cru en sa bonne étoile, et elle a bien fait.... mais ce qu'elle ne sait pas, en cet instant précis, c'est qu'elle va y rencontrer bientôt celui qui deviendra mon père, son futur époux.

Madame R.. est professeur de latin-grec au lycée des Prêcheurs à Aix, son époux, ingénieur des poids et mesures. De bonnes gens.

Ils habitent la Traverse Robert, dans le centre de la ville, perpendiculairement au boulevard du Roi René ; plus tard ils logeront au clos Cangina dans une belle et grande villa des années quarante, non loin des universités aixoises, pour l'heure avoisinant l'actuel Parc Jourdan.

Aujourd'hui de nouvelles constructions en ces lieux sont venues saccager ce coin tranquille, notamment des bâtiments de résidences étudiantes pas toujours de bon aloi.

Des musiques modernes s'échappent de leurs fenêtres, des écouteurs ou des casques vissés sur la tête des jeunes, remplaçant les gammes et les arpèges dans ce quartier anciennement bourgeois ; les morceaux de musique classique se sont envolés à jamais des jardins à la française.

Chez les R.... les enfants sont nés les uns derrière les autres. Un choix de vie assurément. Ce sont de beaux enfants.

Maman très appréciée par la famille toute entière, fera d'eux de magnifiques adultes bien élevés.

Les parents possèdent une résidence secondaire familiale au Chambon-sur-Lignon, à la Celle, un quartier huppé.

C'est là qu'ils établissent leur quartier général durant les vacances d'été. En nombre, puisqu'ils se déplacent, papa, maman, et les sept enfants. A neuf donc.

Ils y ont connu Camille, non loin de chez eux, à Tence, et cela par connaissance ou lors de rassemblements religieux ; il n'aurait pas pu en être autrement, dans ce milieu fermé.

Plus tard, leur gouvernante Camille, se déplacera avec eux d'Aix au Chambon, aller-retour. A dix donc.
Toute une épopée !

Den





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vendredi 28 mai 2021

*Juju et Camille

 Aix-en-Provence

A l'aube de ses vingt-et-un ans, en septembre 1942, à la rentrée, maman rencontre pour la première fois mon père. Il a sept ans de plus qu'elle. Elle le revoit encore, heureuse de retrouver son image dans un coin de sa mémoire, dans son petit pardessus bleu marine, chacun de son côté regardant le manège tournant à fière allure, en bas du Cours Mirabeau.

Maman n'avait jamais rien vu de pareil. Les chevaux de bois, qui montent et qui descendent, les enfants qui tentent d'attraper la queue de Mickey pour gagner un tour supplémentaire, les autos-tamponneuses, la roue là-haut dans le ciel, les couleurs bariolées, les rires des enfants, les cris des adultes, les barbes à papa, les pommes d'amour, les confettis lancés par un inconnu qui vous trouve jolie, le vent dans les cheveux, et puis, et puis... Tout cela grise Camille, et elle a la tête qui tourne, par tout ce monde, ce bruit... elle n'a pas l'habitude.

De plus, ce jeune homme sympathique semble à son goût, et lui apparaît très gentil... très attentionné.

"voulez-vous faire un tour de manège ?"
"non, pas sur celui-là, il monte trop haut".
"Je m'appelle Justin. Et vous ?"
... "Camille" elle répond..

Gentil papa opte pour le plus petit des manèges, celui des enfants, entraînant sa belle dans un rire communicatif.

Belle, elle l'était Camille dans sa robe de fin d'été, pas encore automnale, il fait chaud en septembre en Provence, et Juju n'avait d'yeux que pour elle. Belle, elle l'est restée pendant plus de cinquante ans avec lui.

C'est dire que ce fut une belle et longue histoire d'amour.

Je les ai connus, jeunes, beaux, amoureux, moins jeunes, vieillissants, mais l'amour que l'on porte à ses parents est sans âge.
Il demeure éternel.

Papa a  rejoint les étoiles à la fin de l'année 2002, le 18 décembre à l'âge de presque 89 ans.

Sa présence est constante en nous. En bon papa, il continue de nous protéger.

Nous ne l'oublions pas.

Il ne parlait pas énormément Justin, mais chacun savait ce que l'autre pensait. Pour ça, nous nous entendions bien.

Les temps changent. Les époques aussi.
Un père reste un père.

Il nous montre le chemin, et même si nos voies parfois s'éloignent, pas longtemps, un peu, sans que l'on sache parfois pourquoi, les enfants doivent vivre leur vie... il demeure en nous une infinie parcelle d'amour.

Indestructible.

Une belle histoire entre Juju et Camille partie pour les étoiles elle aussi, en mars 2017 à l'âge de 95 ans..... , mais on n'est qu'au début de leur histoire.

Den

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jeudi 27 mai 2021

*La scarlatine

 

Le temps d'une fréquentation normale, comme à l'époque, et traditionnellement, d'un an au moins. Avant l'union, le mariage.

1942-1943.

Des fiançailles, il n'y en a pas eues, officiellement ; pas de jour de déclaration en cette période de guerre, mais une promesse d'intention d'union, avec une remise de bague splendide, finement ciselée en or blanc, sertie de pierres brillantes, en signe d'amour, que maman continue de porter avec respect et fierté.

Une intention de mariage... il n'y a eu qu'un pas, franchi avec allégresse et bonheur.

Un pas, c'est vite dit, car maman contracte accidentellement la scarlatine ce qui retarde le mariage d'un an, et s'ensuit alors une mise en quarantaine suffisamment longue pour ne pas s'épouser comme on l'a souhaité en 1944.

Maman se remémore rétrospectivement la forte fièvre déclenchée par cette maladie infectieuse causée par un streptocoque virulent, -la pénicilline et la cortisone utilisées, ou pas-, maman ne s'en souvient pas ; des violents maux de  gorge l'empêchant d'avaler : maman de ça elle s'en souvient, et de la crainte panique des soins antiseptiques au bleu de méthylène au fond de la gorge, avec le coton coïncé entre les lames acérées d'une paire de ciseaux. Puis la grande fatigue qui s'en est suivie, seule, isolée dans la chambre, les visites interdites pour quiconque, notamment de son promis.

C'est encore la Seconde Guerre Mondiale étalée sur six ans, du 1er septembre 1939 au 8 mai 1945.

Là dans ce milieu, et à la campagne, on ne connaît pas grand-chose de l'Histoire de France... des tenants et des aboutissants de cette guerre,... si ce n'est qu'elle est sûrement inutile, inhumaine, et qu'il y a trop de morts... Regrettant peut-être, et seulement cela, de ne pas avoir pu éprouver l'engouement ressenti par leur père lors de la Grande Guerre de 14-18, de laquelle il a été difficile de se soustraire... entraînant un énorme désir de solidarité et de partage, une envie irrépressible de participation à l'Histoire Universelle avec des individus liés dans une masse ardente... et tout cela dans un souhait irréfrénable de fraternité rassemblée en un moment unique.

... et ainsi gommer les différentes barrières de classes, de langues, et de religions.

Cette guerre a donné du sens à la vie parfois insignifiante de chacun, incorporé à une masse devenue héroïque.

Maman quant à elle,  n'oublie pas le mois de septembre 1939 où la France et le Royaume-Uni ont déclaré la guerre à l'Allemagne.

C'est le début d'un long calvaire.

Là, et  maintenant, ce n'est pas le même chant que l'on entend, pas comme en 14.
On connaît la guerre, celle qu'a vécu le père de Justin, mon grand-père Léon.

On ne s'illusionne plus. On ne parle plus de romantisme, d'idéologie, mais d'une aventure barbare,
bestiale même. Virile.

On sait qu'elle sera longue cette épreuve, qu'elle durera.

On a vu tout cela dans les journaux, les films, les documentaires, des livres.

Et puis on sait qu'avec les nouvelles techniques d'aujourd'hui... elle va être ignoble, inhumaine...

On ne croit plus à grand chose, ni en sa justice, ni en une hypothétique paix durable consécutivement. On ne s'illusionne plus.

On sait, parce qu'on nous  les a racontées, dit Camille, les déceptions, la misère qui ont suivies, la famine, la désolation, la chute de la monnaie, l'insécurité ... la méfiance de tous pour tous.. parfois l'enrichissement de certains..

Papa a vécu l'autre guerre... la seconde guerre mondiale, trop longue, absurde à son goût, mais il n'avait pas d'autre choix, du temps perdu, il a été fait prisonnier en Silésie, dans une ferme. Il a souffert évidemment d'être séparé des siens, mais il n'a pas souffert vraiment de la faim, il travaillait la terre.. il a même failli épouser une fille de là-bas. Il plaisante avec cela, taquinant maman. Ensuite il a été libéré comme soutien de famille et a rejoint avec bonheur sa famille en Provence, à la Fromentane, de nouveau.

Et il a connu Camille.

Den



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mercredi 26 mai 2021

Ce devait être...

*Le bonheur

De cette époque mes grands-parents paternels n'ont conservé aucun document.

Ces documents ont-ils été perdus, égarés ? A mon grand regret.

En réalité, c'est son frère aîné Marcel qui aurait dû être libéré à la place de Justin. Je ne sais pour quelles raisons le choix a été porté sur mon père, par bonheur pour lui, au lieu de mon oncle.

Pour l'instant on parle de bonheur retrouvé puisque la guerre se termine.

Le bonheur, le vrai, leur bonheur, il prend vie le 3 avril 1945... le 3 avril 1945..

De ce jour je retrouve une photo. Mon père et ma mère, en habits de fête, se disent oui, entourés de Paul, un des frères de papa, en pantalon foncé, chemise blanche, et cravate, les manches retroussées, et Yves, l'avant-dernier fils de la famille G.. , en chasseur alpin semble-t-il.. Le béret plaqué sur le côté de la tête, un large ceinturon sur la taille épaissie. Tous charmants, bien coiffés, de beaux visages réguliers, magnifiquement hâlés comme à la campagne, une vie en plein air.

Mes parents sourient à la vie qui les attend, heureux, même si un coin de nostalgie subsiste dans leur coeur.

La fin de la guerre est annoncée officiellement le mois d'après le 8 mai.

Papa porte un costume foncé, une chemise blanche, il est cravaté, sentant assurément l'eau de Cologne ambrée aux essences naturelles comme il aime, rasé de près ; je ne suis pas encore née, et je n'ai donc rien vu de tout cela, mais j'imagine le trac, la joie engendrés par ce jour mémorable.

Maman porte un ensemble blanc-écru, joliment serré, qui  permet la taille fine, certainement rehaussé par une lingerie féminine redevenue à la mode depuis, une culotte galbée, gainante, toute douce, ainsi qu'un soutien-gorge obus, des porte-jarretelles symbolisent le mystère, la pureté, ornés d'une fine dentelle, tous trois invisibles, sous des vêtements à la couleur virginale, laissent présager la simplicité de leur union dans un amour infaillible.

Ce devait être...


Den



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mardi 25 mai 2021

J'ai vu avant de raconter.....

 

*Chantent l'impénétrable à rejoindre ce temps perdu à jamais...



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J'ai vu avant de raconter.....

Mes yeux ont retrouvé l'innocence et la candeur mystérieuses d'où s'évapore la quête ténébreuse entre les pages sublimées, chantent l'impénétrable à rejoindre ce temps perdu à jamais des vendanges, des cueillettes de champignons, des jeux d'enfants près des marronniers à la Fromentane, des oiseaux envolés des arbres en cascade, suivis de longues minutes à contempler l'horizon, à les poursuivre de loin, traversent la journée, posée à se remémorer les joies toutes enfantines, cachée dans le verger, à l'abri des regards, perdurent dans le mistral subtil, mais agité, soufflant trois, six, ou neuf jours, jusqu'à l'ombre disparue des miens, se retrouvent à jamais dans le livre écrit pour eux.

Den




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*A l'instant la lune

 

 

 


 

 

La lune se cache

Sous les nues-âges sans âge 

Dans l'gris sombre gouache

 

Den