mercredi 12 mai 2021

*Le 22 décembre

 

 - Juliette écrit "joyeux noël"


Le Tholonet, le 22 décembre 1916, Juliette écrit : Joyeux Noël..

Mon Cher Léon bien aimé,

Hier je suis allée à Aix pour toucher mon allocation ; 
j'ai porté les olives chez B... à  Aix, près de la Mairie : il y en a 55 kg ... ; 
je change, on me donne 11 litres d'huile.

Mon très cher Léon bien aimé, je te dirai que je n'ai encore rien dit à Mme A.. ;
je crois que je ne lui donnerai rien car le papier est fait pour le blé et l'avoine... je ne lui dois plus rien.

Qu'en penses-tu ? dis-moi comment il faut faire ?
J'attends une réponse à ce sujet ;
je suis partie à 9 heures et demi, et à midi vingt j'étais de retour ;
j'ai eu beaucoup de peine, et après j'ai eu  du regret..
aujourd'hui les bras me font bien mal ;
heureusement que dans la rue Thiers j'ai rencontré Félicie : elle m'a aidée jusqu'au moulin,
car il aurait fallu les laisser en panne.. Je n'en pouvais plus ;
Félicie m'a dit que j'étais folle, que je pourrais prendre mal ;
aussi je ne lui donne rien, je garde l'huile pour nous.


A ta mère je lui en ai donné un panier, pour X je lui donnerai un demi-litre d'huile.
Hier je t'ai envoyé une lettre, (avant-hier soir je l'ai commencée), puis à Aix je n'ai pas pu la finir car les gens de dessous allaient à Aix l'après-midi,... on m'a soigné mes petits, et j'ai vite été de retour ;
demain je vais chercher l'huile ;
j'ai reçu tes trois charmantes lettres des 14,16 et 17, avec plaisir...
(Mme G... m'a prêté un charreton...)

De la petite Nini qui t'adore. 
Emilienne, Marcel, Justin et Juliette G.

Cet après-midi je te ferai une longue lettre.
Reçois de tes quatre chers petits anges, mille bonnes caresses de tous.
Je pense recevoir aujourd'hui ta lettre du 18.
Plus douces caresses.

***

J'ai recopié la carte postale telle que... même s'il peut y avoir quelques fautes, quelques incompréhensions, mais le plus important est l'ambiance de ces journées d'attente, ce train-train qui se déroule, avec toujours un lien fort qui transparaît entre Léon le bien aimé et Juliette, et les petits anges qui restent à la maison guettant le retour  leur maman !

Den


2 commentaires:

  1. Ton post aujourd'hui toujours aussi émouvant m'a fait penser à cette chanson des Tri Yann

    Paroles
    Un mois à peine, que le train t'as enlevé
    Septembre amène, les premiers blessés
    J'ai eu ta lettre de dimanche ce matin
    Elle me rassure à peine mais c'est déjà bien.
    Demain te porte, dans une boite à souliers
    Fermée d'un raphia et d'un papier ciré,
    Des rigolettes, tes gauloises et mes pensées
    Une écharpe de laine et des pailles d'or brisées
    Dans les Ardennes, quel temps fait il?
    On ne sent pas la guerre en ville
    Ta mère passe nous voire souvent
    Mélanie va percer ses dents
    Trente deux semaines que la guerre est déclarée,
    Tu dis que la relève va bientôt arriver
    Trouve ici même un bon de poste à deux cents sous
    Pardonne moi mon Pierre, je n'ai pas beaucoup
    J'ai lu dans le phare hier matin
    Que la paix n'est plus pour très loin
    Prends garde à toi, reste bien prudent,
    Mélanie marche maintenant
    Mille neuf cent seize, mardi quinze février
    Et je suis sans nouvelles depuis le vingt janvier
    Le temps me pèse et ta mère est alitée:
    Ton cousin Charles-Émile est à Nantes blessé.
    Le vent te porte dans une boite à biscuit
    Du savon dentifrice et un gâteau de riz,
    Des cigarettes et un peu de vrai café,
    Mes pensées, mes je t'aime et des pailles d'or brisées
    Le beurre nous manque de puis Jeudi:
    L'usine est au ralenti
    Le fils Le Gwen aurai déserté
    On dit qu'il l'aurai fusillé
    Mes larmes coulent dans le fond de l'encrier
    Mes lèvres s'arrachent sur le papier gommé... mes pensées
    Mes baiser. je t'aime et des pailles d'or brisées.

    https://www.youtube.com/watch?v=TdTi9Vn3_vU

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    1. Je ne connaissais pas ce chanteur, Marie, et je trouve ces paroles, ses mots extrêmement émouvants, très poétiques, superbes, dans leurs détails, dans ce qu'ils permettent, à ceux qui les envoient, à ceux qui les reçoivent, de patienter encore un peu. Ces petites choses sont extra-ordinaires. Et elles expriment si bien l'importance de cette union qui subsiste à travers cette vie coupée que l'on raconte, que l'on inonde de fragments du quotidien pour démontrer que l'on oublie pas, que l'on oublie pas ceux qui sont à la guerre, et l'on espère qu'ils reviendront, comme avant !!
      Merci Marie pour tes mots qui me touchent égal aimant...

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Par Den :
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