samedi 24 juin 2017

*En pause...



Geranium, Fleurs, Fleur, Bleu, Pourpre



En pause.... 

Je vous souhaite de belles vacances, 

ou simplement du repos,

et vous dis à bientôt.

Je vous en brasse toute fleurie...


Den


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mercredi 21 juin 2017

*Plonger une plume dans l'encre....




Stylo, L'Histoire, Encre, Antique, Rétro


"Plonger une plume dans l'encre, plonger une feuille de papier dans un bain coloré, plonger une pagaie dans la mer et aller Dieu sait où. Irons-nous encore ramer ; nous qui croyons qu'à force de ramer nous risquons pour de bon de passer par-dessus le rebord et de tomber ?"

Annie Dillard

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Peintures, Coloré, Peinture, Brosse



"Un pinceau, cette seule réalité solide dans un monde de luttes, de ruines, de chaos, il ne faut pas jouer avec cela".

Virginia        Woolf

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"Une ligne de mots. Un trait de crayon - Un rebord donné au monde, qui nous invite à le dépasser. Ainsi serait l'écriture, à la fois dans le mouvement qui l'initie et l'espace qui la fonde.
Fond, Crayon, Lettre, Écriture, Papier

En  1986 et 2003, j'ai écrit de courts essais qui cherchent à saisir les liens entre l'être, la littérature et la vie. Le regard se tourne vers le monde actuel, questionne la place laissée à l'être, à l'imaginaire et à l'inconnu, le rôle que joue et pourrait jouer la poésie, explore l'espace du féminin, croise Rilke, Galilée, Giordano Bruno, s'arrête sur des événements marquants de l'histoire humaine, touche un horizon puis retourne en arrière pour mieux voir ce qui reste flou.

Sous l'Arche du temps constitue en quelque sorte un chemin de réflexions. A partir des premiers pas résonnent les suivants. Au fil des ans et des textes, un parcours se dessine qui tient à garder trace de l'errance, des ombres portées, des vides par lesquels se précisent les pleins. L'écriture ne cesse de m'apprendre à aller vers le doute.

Crayon Déchets Aiguiseur, Spirale
Un figure surgit ici - la spirale.



Certains des pas reviennent sur eux-mêmes pour reprendre élan, poussés ailleurs les mots, mener plus loin l'interrogation et, ultimement, créer à partir d'un même noyau de nouvelles brèches.

Rien ne cherche à être figé. L'écriture tente plutôt de saisir le mouvement même de la réflexion. Ce qui tient lieu de livre ne serait alors qu'un précipité déposé au fond d'une éprouvette, et qui nous reste invisible. Et les Portraits d'écriture, ces figures que créent les livres, que crée la vie, demeurent mouvants".


Portraits d'écriture

Crayon, Ligne, Papier, Arrière Plan

"Quel que soit le bout de la lunette par lequel on regarde, ce n'est jamais que de très loin ou de très près que l'on y verra le monde, l'autre, soi-même.

Est-il besoin de souligner que ce regard posé sur son propre cheminement ne peut jamais rendre compte que d'un mouvement, tout au plus d'une quête, d'une intention sans cesse déplacée et reformulée par le sens même de l'écriture ?

Lever Du Soleil, Phu Quoc, Île De, Océan

D'abord une date : 1958, année de ma naissance.
Un lieu : Québec, petite ville située en bordure du grand fleuve Saint-Laurent. J'y ai passé les vingt-six premières années de ma vie, puis, en 1984, c'est au coeur d'une chaîne de montagnes, les Laurentides, que j'ai choisi de vivre, au bord d'un lac. L'écriture transcende les paysages et circonstances qui la font naître, mais elle emporte aussi irrémédiablement les traces. Si le rapport au temps est au centre de ma démarche, l'espace le traverse et l'enracine dans un paysage qui n'est pas qu'un dehors, mais aussi un monde intérieur dont les images transpercent la langue.

La lunette par laquelle je regarde donne sur deux mondes.

L'un s'appelle l'Amérique et s'étend à perte de vue devant moi, mais me demeure étranger car je n'y reconnais aucun des fils par lesquels je relie les mots aux choses.

Toujours dans cette même lunette, je peux voir un autre monde, la France qui creuse profondément dans la terre, à même les racines entremêlées de l'histiore.

Je ne doute pas que mon écriture passe par cette double fenêtre où se croisent une horizontale et une verticale.

Plutôt que de tenter de me définir à travers l'écriture, je préfère laisser l'écriture elle-même me définir, tracer les contours flous d'une identité toujours en mouvance, et jouer ainsi pleinement son rôle d'éclaireur sur un chemin que je ne découvre jamais qu'à mesure".

Hélène Dorion

Sous l'Arche du Temps

Essai

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Littérature

Editions de la Différence

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Ont Augmenté De, Fleur, Fleurs, Rose

Et fêter l'été au jour d'hui !

Je vous en  brasse en ribambelles fleuries

Ont Augmenté De, Nature, Fleur, Fleurs

Den

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dimanche 18 juin 2017

*Ciels d'enfance.....


Image associée

La vie n'a pas d'âge.
La vraie jeunesse ne s'use pas.
On a beau l'appeler souvenir,
On a beau dire qu'elle disparaît,
On a beau dire et vouloir dire que tout s'en va,
Tout ce qui est vrai est là.
Quand la vérité est belle, rien ne ternit son miroir.
Les gents très âgés remontent en enfance
Et leur coeur bat,
Là où il n'y a pas d'autrefois.

Jacques Prévert

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Dans ma petite ville, deux rivières se cherchent puis se rencontrent et s'unissent. La principale, celle qui va poursuivre le chemin n'est pas la plus débordante d'eau vive, mais elle est pressée et entreprenante.
Elle passe  trois frontières en quelques coulées, avant de rejoindre le fleuve au joli nom, la Meuse, cent kilomètres plus loin.


 Jadis, elle s'était alourdie de la sidérurgie locale et se plaisait à refroidir ses installations et ses produits brûlants. C'était avant qu'on assassine l'Usine, la première victime d'une longue liste, largement encadrée de noir. Comme une fidèle sentinelle, sa haute silhouette gris-métal, occupait tout notre horizon. Elle se plaisait jour et nuit à faire exploser dans le ciel, en millions d'étincelles, les couleurs rougeoyantes de l'acier en fusion.


Il y a quarante ans, certains puissants de ce monde l'ont jugée trop décentrée, trop vieille, trop usée, trop chère à entretenir et ils l'ont abattue à jamais.

La rivière s'est retrouvée orpheline. a 300 mètres de chez moi, elle coule toujours, mais elle me semble  plus calme et plus patiente, comme si elle attendait son affluent, venu en méandres paisibles de la campagne voisine.

 Pourtant à certaines saisons, cette rivière campagnarde se met en colère, révoltée contre sa prochaine soumission. Alors, elle se fait plus sauvage et elle déborde largement ses hautes eaux sur les deux rivières, comme si elle renâclait à rejoindre la ville et à se perdre dans l'autre cours d'eau.


Image associée


 C'était la rivière préférée des romans d'Hubert Juin, un ami de mon frère aîné. Il  lui avai confié, pour avis, quelques-uns de ses premiers écrits, du temps où il s'appelait encore Hubert Loescher.

A bien y réfléchir, que de scènes vécues dans les premières années d'une vie renaissent en pièces détachées au détour d'une réflexion, d'un souvenir, d'une rêverie, d'une conversation, d'une photographie.

A leur guise, elles se recomposent comme dans un puzzle, puis elles semblent se défaire et tomber dans l'oubli. A nouveau, sans se faire annoncer, elles surgissent des bas-fonds de la conscience, avec des enrichissements de scénario, des variations de mise en scène, selon de mystérieux  mouvements intimes.

Si finalement elles s'accrochent et s'enracinent en nous avec une telle force et une telle continuité, c'est qu'elles sont vraiment signifiantes pour le déchiffrement de soi auquel chacun est confronté, tôt ou tard.

Ne serait-ce pas tout simplement adhérer au conseil de Socrate, lui qui incluait dans les prémices de la Sagesse le fameux " Connais-toi toi-même". une recherche, faut-il le rappeler, jamais achevée ? se réapproprier son enfance me paraît en effet un chemin inévitable pour orienter une connaissance intime de soi-même.



Le temple d'Apollon à Delphes où l'on peut lire au fronton
"connais-toi toi-même"

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Louis Goffin
Ciels d'enfance

L'Harmattan

collection Encres de Vie


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samedi 17 juin 2017

*Il se peut....................



"Les lumières commencent à scintiller sur les rochers,


Lune, Nuit, Bleu, Ciel, Noir


Le long jour décline, la lente lune monte, les profonds

Gémissements de nombreuses voix tournoient. Venez mes amis,

Il n'est pas trop tard pour partir à la recherche d'un monde nouveau.

(...) Car je veux

Naviguer au-delà du sOleil couchant, là où nagent

Toutes les étoiles de l'occident, jusqu'à ma mort,


Étoiles, Paysage, Nuit, Espace, Étoilé


Il se peut que les golfes nous engloutissent,

Il se peut que nous atteignions les Iles Heureuses,

(...) Et bien que

Nous ne soyons plus aujourd'hui de cette force, qui autrefois,

Remuait terre et ciel, ce que nous sommes, nous le sommes :

Des coeurs héroïques, affaiblis par le temps et le destin,

Mais forts de leur volonté

De lutter, 
de chercher, 
de trouver, 
et de ne pas céder"


Alfred Tennyson

Ulysse

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(cf Sur les épaules de Darwin - France Inter)

Une émission de Jean-Claude Ameisen
du samedi 29 avril 2017

Un fleuve m'emporte (2)


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Ulysse se moquant de Polyphème
Huile sur toile de William Turner
1098 x 700
(1829)

National Gallery


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mercredi 14 juin 2017

*Dis-moi, c'est quand ?




Angel, Décoration, Ange Gardien, Noël


Dis-moi, c'est quand, c'est quand ?

Quand l'arc-ange caché dans l'arène et le coeur du ciel se réveille et mêle-l'eau-et-dit l'harangue-hein, il appelle le bel oiseau avec son archet et frotte le son qui se répand, se prolonge dans la profonde-heure des choses, et l'en-faon soupire et polit le temps qui borde  le soleil et prend l'amen-tenant les trois loges, les trois lumières accrochées aux étoiles.

Angel, La Musique, Violon, Décoration

Le merveilleux enfant qui en-chante l'âme et le fil de soie veut entendre ce que lent ne dit pas derrière les mots, les crochets ; la femme-met des très-ors dans la vie, assise par terre à regarder les cailloux sur le mur en corps ou près des nuages d'ombre et de solitude.

Je mêle au grain du vent  mon bonheur du jour mon oeil oui lippe qui s'accroche-coeur à la peau ici de tous mes voyages, emportée dans un élan qui souffle l'air, la ligne ou l'eau, je n'sais.

Vers l'ailleurs, m'en souvenant, je plume usant fort l'écorce de l'heure tardive quand art-rive le souard, en séant en tailleur en plumard, et là j'oublie tout ce tant intemporel qui passe comme passe le vent, le vin, sous le vent, j'abandonne les cendres les mégots les funestes fumées pour redevenir jeune.

Je cherche l'embellie, l'imperceptible à la porte du ciel, l'étoile, l'Avent pour ranger mes mots venant longs, prestes et agiles.

J'arc-humante et sais-d'hui avec peu d'hello-qu'anse, mais l'eau-danse au fond du puits de l'âme de toi. Coule-heures.

Je regarde loin le monde beau en coeur une foi, c'est qu'adoré !

Je t'embrasse du bord de mon imaginaire effleuré qui en aube pointée entrera aux premières lueurs matinales quand les senteurs bon la nuit, s'endormiront en hymne-âge dans une robe parfaite de cristal.


Den


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mardi 13 juin 2017

*A contre-jour..

  



A contre-jour


J'ai commencé à lui raconter mes misères. Il était assis devant une fenêtre,  dehors la lumière du soleil était intense, il était à contre-jour, je ne voyais pas l'expression de son visage.
Je lui ai parlé de mon enfance difficile, de l'alcoolisme de mon père.
J'ai évoqué la naissance de mon fils handicapé.
J'ai parlé de la naissance de mon deuxième fils handicapé.
Pour terminer j'ai raconté la mort subite de ma femme.
Dehors, un gros nuage a soudainement caché le soleil. J'ai pu voir son visage.
Il était couvert de larmes.
Je lui ai tendu mon mouchoir.

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Nouvelles de mon psy

Il va mieux, apparemment il ne m'en veut pas, il me propose même de me revoir.
Je ne veux pas le laisser tomber, je vais le voir deux fois par semaine. En même temps je me pose des questions.
Maintenant que je connais son extrême sensibilité, qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui raconter ?


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Dernières nouvelles de mon psy


Mon psy vieillit, il devient amnésique, à chaque séance je suis obligé de lui répéter ce que je lui ai dit la semaine dernière.
Comme moi-même je perds la mémoire, c'est dur.

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Développement personnel rapide


Je suis dans la salle d'attente, j'ai pris un bouquin, pour patienter, il y a une personne qui attend avant moi, ça risque d'être long je me plonge dans mon livre, Développe-toi personnellement mec. L'auteur me prend par la main et m'indique comment faire. 
J'essaye de me développer depuis soixante-dix années.
Au début, j'ai développé mes bras, mes mains pour attraper ce que je voyais. Puis j'ai développé mes jambes pour pouvoir aller voir ailleurs.
Plus tard j'ai développé mon cerveau, pour essayer de comprendre.
J'ai pas dû tout comprendre.
Dans le livre, il y a plein de conseils : sois toi-même, vis ta vie, libère la garce qui est en toi... !
Le client précédent s'attarde dans le cabinet, je regarde par la fenêtre le ciel. Il est bleu, il fait beau dehors. Je n'ai plus envie d'attendre. Je vais continuer ma lecture au soleil.
Tant pis pour le psy.



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Jean-Louis Fournier

"Bonheur à gogos !"

chez Payot


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lundi 12 juin 2017

*Mon psy...





Résultat de recherche d'images pour "jean-louis fournier bonheur à gogos"



Mon psy me rassure


Mon premier psy est toujours habillé en noir. Il est bienveillant, il parle doucement, il a toujours un bon sourire, il ne me juge pas, il ne m'accuse pas, il essaye de me comprendre.
Quand je viens chez lui, il me demande de me mettre à genoux sur un prie-Dieu.
Quand j'ai terminé, il me donne l'absolution et une petite pénitence. Cette semaine, il m'a demandé de réciter cinquante fois :
Tous les jours et à tout point de vue je vais de mieux en mieux
Tous les jours et à tout point de vue je vais de mieux en mieux

J'ai découvert qu'il avait fait des études de théologie au grand séminaire, il a été ordonné prêtre.
ça me rassure.
Un jour, il pourra me donner l'extrême-onction.


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Dernières nouvelles de mon psy


Il a l'oeil éteint, j'ai l'impression qu'il s'ennuie.
Il a le regard perdu, il regarde les mouches, j'ai l'impression qu'il ne m'écoute pas ou pire, ce que je raconte ne l'intéresse pas.
Un jour j'ai eu le courage de le manifester :
"Dites-moi franchement si je vous ennuie avec mes histoires ?"
Il a rien dit, alors je vais continuer quelques années.


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Analyse grammaticale


Il a un langage châtié, ses mots sont recherchés, ses phrases bien balancées, il est exigeant.
Quand il m'arrive, en livrant mes souvenirs d'enfance en vrac, de laisser échapper une liaison mal à propos, un mot imprécis, une phrase mal construite, un barbarisme ou un solécisme, il m'interrompt et me demande de répéter correctement.
Lui ayant avoué qu'enfants mon frère et moi avions convenu d'assassiner notre père, il m'a repris avec un air sévère : pas avions, étions convenus."
Avant de faire psy, il avait fait des études de lettres et été professeur de français.
Les séances devenaient de véritables leçons de grammaire, ce n'était pas ce que j'attendais, je n'avais plus l'âge d'aller à l'école, j'avais soixante ans.


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Textes de Jean-Louis Fournier

Bonheur à gogos !


chez Payot


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Bonne semaine à toutes et tous.
Je vous embrasse.

Den



dimanche 11 juin 2017

*Bonheur !



Sbires, Parler, Sourire, Conversation


J'ai toujours été inquiet


A l'adolescence, les inquiétudes ponctuelles sont devenues une angoisse permanente, je n'osais plus sortir de chez moi, tout le monde me conseillait d'aller voir quelqu'un.
Je ne voulais pas, j'ai toujours eu la hantise qu'on regarde en moi.
Petit, je détestais passer des radios. Je ne voulais pas qu'on sache ce que j'avais à l'intérieur, dans ma tête, dans mon coeur, dans mon ventre....
Je sentais confusément que j'avais besoin d'aide, je n'arrivais pas à me décider, je n'osais pas, j'avais peur du diagnostic. N'allait-on pas m'apprendre que j'allais devenir fou  ?
Un moment, j'ai eu l'idée de devenir psy moi-même. Comme ça, plus besoin d'aller chercher ailleurs, plus besoin de sortir de chez moi.
Surtout, je ne voulais pas que quelqu'un voie clair dans mon JE.
Je n'aime pas qu'un étranger mette son nez dans mes affaires.


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Cours particulier de bonheur


Avant, on prenait des cours de piano, des cours de tennis, des cours de maintien, des cours de danses, des cours de chant...
Maintenant on ne s'éparpille plus, on prend des cours de  bonheur.
Ma professeure de bonheur est belle, comme une fée, elle connaît tout sur le bonheur, tous les secrets.
Tous les rituels de la science du bonheur.
La pemière phrase qu'elle m'ait dite, lors de la première leçon, je m'en souviens encore, c'était :
"Rentrez en vous-même." Je suis rentré en moi-même. Il faisait noir, j'ai eu peur, je suis vite ressorti.


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Comment choisir son psy


Prenez-le dans les tons gris, les couleurs vives ça fatigue, on s'en lasse vite, le gris ça va avec tout.
Prenez le plutôt beau à regarder, parce que vous allez le voir souvent.
Ses yeux doivent être brillants et vifs, s'ils sont ternes et vitreux, abstenez-vous, il n'est pas frais.
Ne le prenez pas trop vieux, il ne s'agit pas qu'il meure avant vous.


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textes de Jean-Louis Fournier
Bonheur à gogos !

chez Payot


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Bonne fin de soirée à  toutes et tous !
Je vous embrasse.

Den

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samedi 10 juin 2017

*L'accent....


                                                                            La Montagne de la Sainte Victoire                                                                                Photo Den                                                    




"L'accent est l'âme du discours, il lui donne le sentiment et la vérité"

Jean-Jacques Rousseau

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CÉZANNE ET MOI Bande Annonce (Guillaume Gallienne / Guillaume Canet - 2016)

lundi 5 juin 2017

*Je sens.....





"Je sens que toutes les étoiles palpitent en moi.
Le monde jaillit dans ma vie comme une eau courante.
Les fleurs s'épanouissent dans mon être.
Tout le printemps des paysages et des rivières monte comme un encens dans mon coeur,
et le souffle de toutes choses chante en mes pensées comme une flûte".

L'offrande lyrique de Rabindranath Tagore

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jeudi 1 juin 2017

*nattée.....

La tresse par Colombani



"....Simone, il y a un grand mystère dans la forêt de tes cheveux".

Rémy de Gourmont



"Une femme libre est exactement  le contraire d'une femme légère".

Simone de Beauvoir


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SMITA


Village de Badlapur,
Uttar Pradesh, Inde

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Smita s'éveille avec un sentiment étrange, une urgence douce, un papillon inédit dans le ventre.
Aujourd'hui est une journée dont elle se souviendra toute sa vie. Aujourd'hui, sa fille va entrer à l'école.

A l'école, Smita n'y a jamais mis les pieds. Ici à Badlapur, les gens comme elle n'y vont pas.

Smita est une Dalit. Intouchable.

De ceux que Gandhi appelait les enfants de Dieu.

Hors caste, hors système, hors tout. Une espèce à part, jugée trop impure pour se mêler aux autres, un rebut indigne qu'on prend soin d'écarter, comme on sépare le bon grain de l'ivraie. Comme Smita, ils sont des millions à vivre en dehors des villages de la société, à la périphérie de l'humanité.

Tous les matins, c'est le même rituel. A la manière d'un disque rayé rejouant à l'infini une symphonie infernale. Smita s'éveille dans la cahute qui lui sert de maison, près des champs cultivés par les Jatts. Elle lave son visage et ses pieds à l'eau rapportée la veille du puits, celui qui leur est réservé. Pas question de toucher à l'autre, celui des castes supérieures, pourtant proche et plus accessible. Certains sont morts pour moins que ça. Elle se prépare, coiffe Lalita, embrasse Nagarajan. Puis elle prend son panier de jonc tressé, ce panier à l'odeur  tenace, âcre et indélébile,  qu'elle porte toute la journée comme on porte une croix, un fardeau honteux. Ce panier, c'est son calvaire. Une malédiction.    Une punition. Quelque chose qu'elle a dû faire dans une vie antérieure, il faut payer, expier, après toute cette vie n'a pas plus d'importance que les précédentes, ni les suivantes. C'est juste une vie parmi les autres, disait sa mère.

C'est ainsi, c'est la sienne.

C'est son darma, son devoir, sa place dans le monde. Un métier qui se transmet de mère en fille, depuis des générations.

Scavenger, en anglais le terme signifie "extracteur". Un mot pudique pour désigner une réalité qui ne l'est pas. Ce que fait Smita, il n'y a pas de mot pour le décrire. Elle ramasse la m..... des autres à mains nues, toute la journée. Elle avait six ans, l'âge de Lalita aujourd'hui, quand sa mère l'a emmenée pour la première fois - Regarde, après tu feras. Smita se souvient de l'odeur qui l'avait assaillie, aussi violemment qu'un essaim de guêpes, une odeur insoutenable, inhumaine. Elle avait vomi au bord de la route.
Tu t'habitueras, avait dit sa mère. Elle avait menti. On ne s'habitue pas. Smita a appris  à retenir son souffle, à vivre en apnée, il faut respirer, a dit le docteur du village, voyez comme vous toussez. Il faut manger.
L'appétit, ça fait longtemps que Smita l'a perdu. Elle ne se souvient plus comment c'est, avoir faim. Elle mange peu, le strict minimum, une poignée de riz délayé dans de l'eau qu'elle impose chaque jour à son corps dépendant. (...)

Mais ce matin n'est pas un jour comme les autres.

Smita a pris la décision, qui s'est imposée à elle comme une évidence : sa fille ira à l'école. Elle a eu du mal à convaincre Nagarajan. A quoi bon ? disait-il. Elle saura peut-être lire et écrire, mais personne ici ne lui donnera du travail. On naît videur de toilettes, et on le reste jusqu'à sa mort. C'est un héritage, un cercle dont personne ne peut sortir. Un karma.

Smita n'a pas cédé. Elle en a reparlé le lendemain, le jour d'après, et les suivants. Elle refuse d'emmener Lalita en tournée avec elle : elle ne lui montrera pas les gestes des videurs de toilettes, elle ne verra pas sa fille vomir dans le fossé comme sa mère avant elle, non, Smita s'y refuse. Lalita doit aller à l'école.
Devant sa détermination, Nagarajan a fini par céder. Il connaît sa femme ; sa volonté est puissante. Cette petite Dalit à la peau brune qu'il a épousée il y a 10 ans est plus forte que lui, il le sait. Alors il finit par céder, soit. Il ira à l'école du village, il parlera au Brahmane. Smita a souri secrètement sa victoire. Elle aurait  tant voulu que sa mère se batte pour elle, tant aimé passer la porte de l'école, s'asseoir parmi les autres enfants. Apprendre à lire et à compter. Mais cela n'avait pas été possible, le père de Smila n'était pas un homme bon comme Nagarajan, il était irascible et violent.
Il battait son épouse, comme tous le font ici. Il le répétait souvent : une femme n'est pas l'égale de son mari, elle lui appartient. Elle est sa propriété, son esclave. Elle doit se plier à sa volonté. Assurément, son père aurait préféré sauver sa vache, plutôt que sa femme.
Smita, elle, a de la chance : Nagarajan ne l'a jamais battue, jamais insultée. Lorsque Lalita est née, il a même été d'accord pour la garder. Pas loin d'ici, on tue les filles à la naissance. Dans les villages du Rajasthan, on les enterre vivantes, dans une boîte, sous le sable, juste après leur naissance. Les petites filles mettent une nuit à mourir.

Mais pas ici. Smita contemple Lalita, accroupie sur le sol en terre battue de la cahute, en train de coiffer son  unique poupée. Elle est belle, sa fille.
Elle a les traits fins, les cheveux longs jusqu'à la taille, que Smila démêle et tresse tous les matins.

Ma fille saura lire et écrire, se dit-elle, et cette pensée la réjouit.

Oui aujourd'hui est un jour dont elle se souviendra toute sa vie.


La tresse
Laétitia Colombani

Editions Grasset - Paris -


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