dimanche 18 juin 2017

*Ciels d'enfance.....


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La vie n'a pas d'âge.
La vraie jeunesse ne s'use pas.
On a beau l'appeler souvenir,
On a beau dire qu'elle disparaît,
On a beau dire et vouloir dire que tout s'en va,
Tout ce qui est vrai est là.
Quand la vérité est belle, rien ne ternit son miroir.
Les gents très âgés remontent en enfance
Et leur coeur bat,
Là où il n'y a pas d'autrefois.

Jacques Prévert

*****

Dans ma petite ville, deux rivières se cherchent puis se rencontrent et s'unissent. La principale, celle qui va poursuivre le chemin n'est pas la plus débordante d'eau vive, mais elle est pressée et entreprenante.
Elle passe  trois frontières en quelques coulées, avant de rejoindre le fleuve au joli nom, la Meuse, cent kilomètres plus loin.


 Jadis, elle s'était alourdie de la sidérurgie locale et se plaisait à refroidir ses installations et ses produits brûlants. C'était avant qu'on assassine l'Usine, la première victime d'une longue liste, largement encadrée de noir. Comme une fidèle sentinelle, sa haute silhouette gris-métal, occupait tout notre horizon. Elle se plaisait jour et nuit à faire exploser dans le ciel, en millions d'étincelles, les couleurs rougeoyantes de l'acier en fusion.


Il y a quarante ans, certains puissants de ce monde l'ont jugée trop décentrée, trop vieille, trop usée, trop chère à entretenir et ils l'ont abattue à jamais.

La rivière s'est retrouvée orpheline. a 300 mètres de chez moi, elle coule toujours, mais elle me semble  plus calme et plus patiente, comme si elle attendait son affluent, venu en méandres paisibles de la campagne voisine.

 Pourtant à certaines saisons, cette rivière campagnarde se met en colère, révoltée contre sa prochaine soumission. Alors, elle se fait plus sauvage et elle déborde largement ses hautes eaux sur les deux rivières, comme si elle renâclait à rejoindre la ville et à se perdre dans l'autre cours d'eau.


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 C'était la rivière préférée des romans d'Hubert Juin, un ami de mon frère aîné. Il  lui avai confié, pour avis, quelques-uns de ses premiers écrits, du temps où il s'appelait encore Hubert Loescher.

A bien y réfléchir, que de scènes vécues dans les premières années d'une vie renaissent en pièces détachées au détour d'une réflexion, d'un souvenir, d'une rêverie, d'une conversation, d'une photographie.

A leur guise, elles se recomposent comme dans un puzzle, puis elles semblent se défaire et tomber dans l'oubli. A nouveau, sans se faire annoncer, elles surgissent des bas-fonds de la conscience, avec des enrichissements de scénario, des variations de mise en scène, selon de mystérieux  mouvements intimes.

Si finalement elles s'accrochent et s'enracinent en nous avec une telle force et une telle continuité, c'est qu'elles sont vraiment signifiantes pour le déchiffrement de soi auquel chacun est confronté, tôt ou tard.

Ne serait-ce pas tout simplement adhérer au conseil de Socrate, lui qui incluait dans les prémices de la Sagesse le fameux " Connais-toi toi-même". une recherche, faut-il le rappeler, jamais achevée ? se réapproprier son enfance me paraît en effet un chemin inévitable pour orienter une connaissance intime de soi-même.



Le temple d'Apollon à Delphes où l'on peut lire au fronton
"connais-toi toi-même"

***

Louis Goffin
Ciels d'enfance

L'Harmattan

collection Encres de Vie


****


16 commentaires:

  1. Un texte, certes plein de nostalgie mais qui ravive l'espoir, car il est dit que rien ne ternit la vérité quand elle coule de source.On est les éternels enfants du monde, et on garde nos souvenirs bien au fond de nos cœurs qui ne s'usent jamais tant qu'ils battent encore. Bises matinales Den

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    1. A l'encre de nos vie qui s'écrit des deux mains, nous qui sommes au monde près de la source de notre histoire. Merci à toi bizak qui parsème nos allées de ta poésie que l'on aime tant, trop rare en ce tant pressé rajoute du coeur aux mots de Prévert.
      Bises en retour.
      Den

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  2. Tentons de garder notre part d'enfance, le temps y était découvert et savouré goutte à goutte, il semble à présent parfois s'accélérer, merci pour ce beau texte Den

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    1. Oui Marine, "dis-moi pourquoi parler à hauteur d'enfant" le joli livre de Claude Halmos nous procure certaines clés, certains outils, certaines réponses...
      Je te souhaite une douce soirée - bien avancée - mais il est vrai qu'il fait si bon à cette heure redevenue tiède.
      Bisou amical.
      Den

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  3. Quel beau texte, et oui, l'enfance est tellement important dans notre nous-même... Bise bon lundi tout en douceur!

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    1. "dans notre nous-même"... très jolie expression chère Maria-Lina, que je retrouve toujours avec la même joie aux détours de nos chemins.
      Bise rendue.
      Den

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  4. Merci chère Den de ce merveilleux texte. Beau et sensible à la fois. Tant que nos coeurs battent encore, nos souvenirs enfuis refont souvent surface, grâce à un mot entendu, une musique ou un paysage. Cette présence est magnifique et nous permet d'avancer.
    Douce soirée avec mes bisous.

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    1. Il suffit de presque rien, une odeur, une parole, une note de musique, un objet... se reconnecte ... à notre mémoire, laquelle avait presque tout oublié, et tout à coup comme par miracle se souvient.
      Merci ma chère Denise pour tes mots cueillis, offerts toujours avec le même plaisir.
      Heureuse soirée à toi aussi, dans la douce heure de l'instant.
      Bisou amical.
      Den

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  5. J'aime bien relire Prévert de temps en temps. Lu très très jeune, il est très présent dans ma vie, finalement.
    Passez une bonne journée.

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    1. Jacques Prévert, l'inclassable, le poète, l'écrivain des livres pour enfants, d'Art et de collages, l'homme de cinéma, a surpris à l'époque par sa façon simple de dire et écrire la vie...

      comme "la chanson de l'eau"


      ****


      Furtive comme un petit rat
      Un petit rat d’ Aubervilliers
      Comme la misère qui court les rues
      Les petites rues d’ Aubervilliers
      L'eau courante court sur le pavé
      Sur le pavé d’ Aubervilliers
      Elle se dépêche
      Elle est pressée
      On dirait qu'elle veut échapper
      Echapper à Aubervilliers
      Pour s'en aller dans la campagne
      Dans les prés et les forêts
      Et raconter à ses compagnes
      Les rivières les bois et les prés
      Les simples rêves des ouvriers
      Des ouvriers d'Aubervilliers.

      Jacques Prévert

      ....


      offert Bonheur du Jour pour te remémorer le temps de tes jeunes lectures, en appliquant quotidiennement sa simplicité à la tienne.

      Merci à toi.

      Bonne journée, pas trop caniculaire j'espère.

      Den

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  6. Il y a l'âge, et puis l'état d'esprit. Parfois l'amour passe et ravive l'état d'esprit. On espère, on veut espérer.
    Tu me disais grand bien de mon article, et le tien est beau tout autant. Je t'embrasse: merci!

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    1. Merci chère Anne... tu as bien raison.. encor' que de temps en temps le corps nous rappelle notre avancée...ou soit ravivé par l'amour... heureus'aimant, ravivé, ranimé, en donnant à nouveau de l'éclat à l'esprit...

      Oui j'ai beaucoup aimé ton merveilleux avant-dernier billet...

      Je te fais de gros bisous, derrière les volets croisés,... il fait encore bien chaud, faut se protéger.

      Bon courage pour la suite à venir.

      bisou.
      Den

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  7. Oui, je le pense moi aussi, Den.
    Un très beau billet que tu partages avec nous. Merci.
    Bonne soirée, et une douce nuit.

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    1. "La vie n'a pas d'âge
      La vraie jeunesse ne s'use pas"... J'aime aussi beaucoup ces mots de Prévert... un beau message qui revient sur la mémoire qui n'oublie pas..."deux rivières qui se cherchent se rencontrent et s'unissent... deux rivières comme deux êtres humains.... merci aussi à M. Goffin pour ce retour vers son enfance, ses "Ciels" et qui ravivent par là-même les nôtres.

      Merci Françoise...

      Je te souhaite un doux après-midi ...
      Un bel été si tu pars un peu.

      Je t'embrasse.

      Den

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  8. L'enfance. Le temps béni de l'insouciance mais temps où l'identité se forge et où les premières expériences restent gravées dans les coeurs.
    Il y a pourtant tellement d'enfants sur cette terre qui souffrent. Et comment deviennent-ils quand ils marchent vers l'âge adulte?

    Cette réflexion sur l'enfance me fait penser à deux hommes, l'un palestinien et l'autre israélien, qui sillonnent la terre de Palestine pour parler de paix aux enfants. Espérons que ces petites graines d'espoir semées sur une terre qui souffre tant pourra donner un jour, des arbres de paix.
    Je t'embrasse et merci pour ce beau texte. Bises alpines rafraîchissantes.

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    1. L'en-faon-ce se construit des deux-mains dans la vie et le silence, se glisse aussi dans la peau des autres, dans les yeux du sOleil, dans les fleurs et les jardins, dans les cahiers et les livres, dans les couleurs du lointain, dans les ruelles de son for intérieur, dans les pleins et les déliés, les vides et les pleins, dans les pleurs et les rires, dans le bas et l'haut, dans le fini et l'infini.

      Je comprends toutes tes peurs Dédé, toutes tes interrogations, ta réflexion sur cette enfance qui devrait tant être protégée, accompagnée, car elle est essentielle, elle en est l'ossature... pas toujours respectée, loin s'en faut !! espérons pourtant que ces enfants déchirés dans ces pays en guerre connaîtront un jour la paix et l'amour...
      grâce à ces deux semeurs de graines d'espérance, ou de petits cailloux, qui consacrent leur vie aux autres.

      Merci à toi Dédé d'avoir rajouté ton sens au sens.

      Je t'embrasse aussi de ma Provence qui plane et erre par les collines, si lourde, qu'elle en écume de chaleur.

      Den

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Par Den :
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