L'enfant au toton
Jean-Baptiste Siméon Chardin
1738
Huile sur toile
67 cm x 76 cm
Musée du Louvre
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L'ENFANT est au centre de toutes les préoccupations.
Il est perçu jusqu'alors comme un adulte miniature, un petit animal.
On est au début du XVIIIème siècle.
Ce siècle dit des lumières lui accorde enfin,
une identité pleine et entière.
Pédagogues, philanthropes, médecins et savants, artistes et philosophes l'auscultent sous toutes les faces.
Et le peintre Chardin devient le meilleur promoteur du sentiment familial qui grandit parallèlement.
Place, donc, à un nouveau genre : le portrait d'enfant sensible et humain. Exquis.
Non plus du seul petit Jésus ou du rejeton d'une lignée familiale...
Connu jusque là pour la peinture d'animaux et de fruits, Chardin va être propulsé avec ses nouveaux portraits, haut et loin, et il lui assureront ainsi la prospérité.
"L'enfant au toton", c'est Auguste-Gabriel, le fils d'un joaillier et banquier Charles Godefroy.
Il a 10 ans, un magnifique visage qui est devenu au fil du temps le porte-étendard de "l'Enfant des Lumières"
Issue de la haute bourgeoisie, sa famille avait un goût prononcé pour les Arts.
Qu'est ce toton ?
Que regarde l'enfant ?
C'est une petite toupie qu'il vient de lancer et qui virevolte sur le bureau.
Tel un dé il est jeté sur le plateau et chaque face est marquée d'une lettre :
A : "reçois"
D : "donne"
P : "pose"
et T : "tout" 'prends toutes les prises.
A l'origine, Chardin a utilisé ce jouet afin que son petit modèle conserve la pose des heures durant, mais finalement le toton est devenu la pièce essentielle de sa toile, transformant son portrait en véritable scène de jeux.
Un enfant dans son univers quotidien...
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Le décor est simple, presque austère.
Coiffure et habit sont tirés droit.
Il s'agit bien là d'une famille aristocratique scrutée par l'artiste comme il aime, jour après jour....
Pourquoi la plume et l'encrier ?
Un tiroir entrouvert d'une travailleuse laisse deviner un porte-mine.
L'enfant joue et a délaissé en cet instant livres, plume, encrier, papier...
Nature devenue morte...
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Pourquoi ce léger sourire au bord des lèvres ?
L'enfant est dans son jeu, plongé dans son univers intérieur, celui des rêveries, et de l'imaginaire.
Avec ce tableau intemporel Chardin évoque joliment le monde de l'enfance représenté ici, figé à jamais, comme les peintres flamands, comme Vermeer, Rembrandt
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L'ombre et la lumière...
Le fond de la toile est brun, monochrome, neutre..
La pièce est plongée dans la pénombre.
La lumière est en haut à gauche du tableau..
Un savant clair-obscur ... la marque du peintre.
L'harmonie de bruns et de blancs enveloppe la scène d'une lumière chaude qui caresse le visage de l'enfant.
Chardin, le maître des couleurs, nullement mélangées mais appliquées en couches épaisses aux contours flous...
Le peintre écrit : "on se sert des couleurs mais on peint avec le sentiment"..
Son credo.
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Pourquoi ce tableau semble-t-il figé ?
.....Il n'est pas figé dans une pose traditionnelle
C'est le caractère épuré du décor qui produit cet effet.
Le seul élément dynamique du tableau est le mouvement de la toupie, du toton, ce qui le rend bien vivant.
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