J'ai cherché un endroit comme celui-là. Je l'ai trouvé, je crois, mais j'y partais souvent seule, avec un cahier :
Je regarde cet homme en costume noir, un Parisien sans doute, il marche sur la plage avec ses chaussures de ville. Je regarde sa silhouette s'éloigner et disparaître. Il fait un temps magnifique. J'ai mangé des huîtres, des crêpes, j'ai découvert un livre qui me parle à l'oreille et me donne envie d'écrire à mon tour une longue histoire. C'est par paresse si je ne le fais pas, j'écrirai quand j'aurai lu tout Untel, on ne peut pas prétendre écrire quoi que ce soit si on ne l'a pas lu entièrement, lui et tant d'autres.... Quelqu'un se baigne ! En décembre ! Ils sont deux. Des amoureux ! Ils ont l'air très jeunes, je ne les vois pas bien à cause du soleil. C'est drôle j'ai vu des amants mais ils pourraient aussi bien être frère et soeur ? Ou même de simples amis.. Le syndrome de la fenêtre avec la lumière allumée, là où la vie doit être plus douce, les gens plus unis, et le feu brûler très haut dans la cheminée.. Alors qu'il s'agit probablement d'une fenêtre donnant sur une pièce vide qu'on a oublié d'éteindre.
J'aime cette grande plage, bien qu'elle n'ait rien de sauvage.
Même la mer a l'air d'avoir été domptée, les vagues s'aplatissent dès qu'elles s'approchent du sable, prenant immédiatement sa couleur, certaines tiennent plus longtemps, s'agenouillent un moment avant de glisser comme les autres en montrant leur dos blanc. Un voilier, le seul à naviguer dans les parages, ressemble au minuscule bateau qu'on fait monter et descendre à l'intérieur de ces stylos en plastique bicolore. Les nuages ont des ailes, celui-là a pris la forme d'une oie au long cou. Il gagne de la vitesse, alors qu'un autre homme en noir passe dessous, les mains dans les poches, plus strict encore que le précédent. On approche de l'heure bleue, au cinéma on l'appelle l'heure magique, mon voilier est descendu en bas du stylo et l'oie a disparu. Une femme marche, seule elle aussi, elle est blonde et je lui prête mes sentiments, elles s'arrête un instant pour regarder la mer. Elle a aimé le film de Rohmer qui vient de sortir, et chercher "le rayon vert" à l'horizon pour lui porter chance. Elle avait toujours pensé, même enfant, à l'heure où les princes se rencontrent partout dans les livres, qu'elle était faite, non pas pour un grand amour, mais une relation durable. Elle ne se voyait pas vivre une passion, poursuivre ce genre de chimères, mais croyait malgré tout qu'un lien puissant, peut-être même indestructible, pouvait naître et rapprocher deux êtres. La plupart de ceux qui ont rêvé dans leur jeunesse n'ont fait que remettre à plus tard leurs souhaits, et leur exigence est tombée par paliers successifs jusqu'à sembler dépassée, utopique. On transige.
Pas elle, ne vivant que dans l'imminence de son arrivée, et pourtant en retrait, aimant plus que tout la discrétion, elle marche sur la pointe des pieds, pour ne pas réveiller qui. Quel ogre ne devait-elle surtout pas déranger... à moins que ce ne soit une ombre, l'ombre d'un père aimé et tyrannique ? Elle rêvait seulement qu'on la trouve, et qu'on la sorte de sa cachette.
Isabelle Carré
Les Rêveurs
Grasset
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Tellement beau, superbe et j'adore ta photo, quelle merveille! Merci pour ce merveilleux partage! Bise, bonne journée tout en douceur!
RépondreSupprimerDécidément, j'aime beaucoup l'écriture d'Isabelle Carré.... sa plume se déroule comme un roman et glisse doucement et devient autobiographique... elle raconte les années 70, revient sur son enfance, son adolescence, chacun de ses parents "rêveurs"...
Supprimerun très agréable moment de lecture.
Bisou Maria-Lina.
Den
c'est très beau, en plus d'être charmante, elle a beaucoup de talents, merci pour le partage
RépondreSupprimerUne actrice talentueuse que l'on rencontre comme une écrivaine toute autant douée.
SupprimerMerci Emma.
Belle journée.
Den
Merci chère Den pour ce très beau texte. Tout comme Maria-Lina, je trouve ta photo de fleurs de toute beauté :-) Cela réchauffe le coeur.
RépondreSupprimerBisous et douce soirée ♥
Merci à toi Denise pour tes mots.
SupprimerBisou.
Den
Elle écrit en rêvant ou elle rêve en écrivant, son texte est parsemé de gestes, de pas, de regards, des choses simples de la vie avec comme point nodal,l'amour. Elle dit: "C'est drôle j'ai vu des amants mais ils pourraient aussi bien être frère et soeur ?" En fait, tout est amour quand des êtres se rencontrent.
RépondreSupprimerBisous Den, merci pour ce beau texte.
Merci cher Bizak pour ton décryptage. J'aime beaucoup?.
SupprimerBisous aussi.
Den
Oh ! J'ai juste commencé ce livre aujourd'hui. Il m'a été offert dernièrement par ma belle-soeur, je pense que je vais l'aimer. :-)
RépondreSupprimerBon week-end à toi, Den. Bisous.
J'ai adoré ce premier roman d'Isabelle Carré. Tu vas l'aimer aussi, j'en suis sûre... deux autres billets lui ont été consacrée.... nous la connaissions comme comédienne, et là on peut découvrir une belle écriture fluide et pourtant profonde qui raconte, se raconte.
SupprimerMerci à toi.
Bisou Françoise.
Den
Je croyais te lire......... mais tu ne fais que transmettre.
RépondreSupprimerEn fait, je lis peu en ce moment et je ne connais pas Isabelle Carré. voilà une fluide écriture qui me plait beaucoup. je vais me pencher sur ses oeuvres
Bon dimanche
...Oui, j'aime aussi transmettre, Passion, quand j'aime, et ce premier roman d'Isabelle Carré, que l'on connaît le plus souvent comme artiste de cinéma et de théâtre, pleine de retenue, douce et discrète, vient de nous offrir là, avec ce roman autobiographique une plume très intéressante qui raconte un passé douloureux : "les Rêveurs"... avec des parents mal assortis, dans les années 70. Un couple enchaîné pour X raisons, se détruit petit à petit, et avec eux leurs enfants.. Une belle résonance pour chaque lecteur, lectrice .... elle dit, écrit puisse elle navigue entre sa vie personnelle qu'elle nous accorde avec parcimonie, et son imaginaire: » les souvenirs qu’on s’invente sont les plus beaux ».
Supprimer« Le reste, poursuit-elle, est plein de blancs, comme un grand tissu aux trous brodés avec mon imagination. »
La référence :
Isabelle Carré
Les Rêveurs
Grasset
Alors, bonne lecture, Passion. Tu aimeras, je crois.
Bon dimanche aussi.
Den
..Puisque elle navigue.... pardon
SupprimerDen
Une photo adorable, un livre dont on dit beaucoup de bien ! A lire !
RépondreSupprimerSi on attendait d'avoir tout lu pour écrire on n'écrirait jamais ! Etre modeste c'est risquer de se tromper, je crois....
J'aime tant la mer et ses vagues...
Bisous Den
Merci pour la photo....
SupprimerCe 1er roman, "les Rêveurs", je te conseille de le lire, tu l'aimeras....
... Tout lire avant d'écrire, ... effectivement, le peut-on jamais ?.
La photo montre la mer en Bretagne, l'an dernier...
Bisous rendus.
Den