mardi 17 avril 2018

*La chambre des merveilles

La Chambre des merveilles : lisez des extraits du best-seller du printemps








Extraits
"Dernier coup d’oeil à mon écran de smartphone, il est 10 h 32. Je me dis qu’il faut que je raccroche avec JP d’ici trois minutes maximum car nous sommes proches de la station de métro.
J’entends un bruit sourd, qui me fait penser à la sirène d’un paquebot en détresse. C’est un camion. Je redresse la tête et le temps se fige. Je ne suis qu’à une centaine de mètres mais la rumeur des passants est tellement forte que j’ai l’impression d’être déjà sur place.
Mon téléphone se brise sur le sol. Je hurle. Ma jambe se tord, je tombe, me relève, ôte mes stilettos et cours comme je n’ai jamais couru. Le camion s’est arrêté, maintenant. Je ne suis pas la seule à hurler. Une dizaine de personnes, qui étaient attablées au soleil – une belle matinée d’hiver –, se sont dressées. Un père cache les yeux de son fils. Quel âge a-t-il ? Quatre, cinq ans probablement. Ce genre de scène n’est pas pour lui. Même dans les films, ce genre de scène n’est jamais montré. À quiconque. On peut tout au plus la suggérer. Un peu de pudeur dans ce monde de brutes s’il vous plaît. Je m’approche, je hurle de nouveau, je me jette à terre, je sens que je m’écorche les genoux, mais je ne sens pas la douleur. Pas celle-ci en tout cas. Louis. Louis. Louis. Louis. Mon amour. Ma vie. Comment décrire l’indescriptible ? Un témoin de la scène a plus tard employé le terme de « louve ». Des cris de louve que l’on éventre. Je me bats, je griffe le sol, mon corps tremble, je tiens la tête de Louis dans mes mains. Je sais qu’il ne faut pas le toucher, qu’il ne faut rien déplacer, mais je ne peux pas. Toujours ce même écart entre la théorie et la réalité. Je ne peux me résoudre à le laisser sur le sol sans rien faire. Pourtant je tiens sa tête et je ne fais rien d’autre qu’attendre en pleurant, vérifiant sans cesse son souffle. Respire-t-il ? Il respire.
Il ne respire plus. Il respire de nouveau. Les secours arrivent dans un temps record. Un pompier me prend en charge, ou plutôt tente de m’arracher au corps de Louis. Je le gifle. Je m’excuse. Il me sourit. Je me souviens de tout. De ses gestes fermes et doux à la fois, de  son nez disgracieux, de sa voix rassurante, de ses mots tellement convenus, de l’ambulance qui s’éloigne. Je capte quelques bribes. Urgences pédiatriques. Hôpital Robert Debré. Soins intensifs. Ça va aller, madame. Non, ça ne va pas aller. Je vais vous accompagner.
Je m’effondre. Il me retient. Mes muscles, tendus à l’extrême depuis l’accident, viennent de lâcher. On m’installe sur une chaise du café ensoleillé. Mon corps ne répond plus. Mes boyaux se tordent, je vomis mon petit déjeuner sur la table de ce bar hipster qui s’est vidé en quelques instants. Je m’essuie la bouche, bois un verre d’eau et relève la tête.
Rien n’a changé autour de moi, le ciel est toujours aussi bleu, aussi pur. Je regarde ma montre. Brisée, elle aussi. Cadran fissuré, aiguilles figées. Témoin immobile.
Il est toujours 10 h 32."
(...)"
"LE POIDS DE L’HABITUDE. LE BONHEUR DES HABITUDES. L’IMMUABLE DÉLICE DES RITUELS FAMILIAUX. CES PETITS RIENS DU QUOTIDIEN QUI NOUS CONSTRUISENT ET QUI CHANGENT TOUT."
"UN MATIN
Je m’appelle Louis, je vis à Paris, j’ai douze ans et demi, bientôt treize. J’adore le foot, les dessins animés japonais, Maître Gims, les chaînes YouTube consacrées aux Pokémon, la pâte à tartiner qui contient plus d’huile de palme que l’huile de palme (j’adore cette blague), les films de cinéma des années 90 et 2000 (non, ça n’est pas ringard comme passion), l’odeur des pots d’échappement, les skateboards flashy, les seins de Mme Ernest ma prof de maths, les maths sans les seins de Mme Ernest, ma super grand-mère Odette, ma mère (la plupart des jours).
À part ça, je crois que je suis mort.
D’habitude, je n’aime pas trop raconter ma vie, mais vu les circonstances et vu que vous êtes là, autant vous expliquer un peu à qui vous avez affaire, et ce qu’il
s’est passé.
Je vis seul avec ma mère. Elle s’appelle Thelma. C’est avec elle que j’ai vécu ma dernière matinée. J’aimerais vous dire que c’était une matinée exceptionnelle, qu’on a partagé des instants merveilleux, qu’on s’est enlacés tendrement et dit des mots doux. En vrai, c’était une matinée d’une banalité tout à fait affligeante, et après tout c’est bien normal. On ne vit pas chaque heure de chaque jour comme si c’était la dernière, ce serait épuisant. On vit, c’est tout. Et ma vie avec ma mère, ça ressemblait exactement à ça.
Donc quand j’y repense, en elle-même cette matinée était parfaite. Je sais bien que maman doit avoir un tout autre avis sur la question, je sais bien qu’elle doit repasser en boucle dans sa tête chaque image de ces quelques minutes en se demandant ce qu’elle aurait dû faire, ce qu’elle aurait pu changer. Moi, j’ai la réponse, et on n’est sûrement pas d’accord avec ma daronne : rien.
C’est étrange comme réponse quand on sait que cette matinée ensemble s’est résumée à maman qui tente de m’extirper de mon lit, moi qui râle, traîne des pieds et râle encore. Ça, c’est ce qu’on pouvait voir de l’extérieur. C’était aussi ce que j’en voyais. Maintenant que j’ai un peu (beaucoup) de recul, je me rends compte de mes sensations. De ce ressenti diffus, de ces picotements cérébraux qui ne deviennent accessibles que quand il n’y a plus rien d’autre. Le poids de l’habitude. Le bonheur des habitudes. L’immuable délice des rituels familiaux.
Ces petits riens du quotidien qui nous construisent et qui changent tout."
(...)
"J’AI TOURNÉ LA PREMIÈRE PAGE ET DÉCOUVERT CE QUI M’ATTENDAIT. J’ALLAIS SORTIR DE MA ZONE DE CONFORT, JE LE SAVAIS. J’ÉTAIS PRÊTE. POUR LOUIS. ET SÛREMENT UN PEU POUR MOI."
"Au beau milieu de la nuit, je me suis réveillée en sursaut. J’avais fait un rêve étrange. J’étais assise à côté de Louis, dans sa chambre à la maison. Louis bâillait, s’endormait, mais je ne le laissais pas dormir, je lui lisais un livre et le rappelais à l’ordre à chaque fois qu’il allait sombrer. Puis la pièce se transformait en chambre d’hôpital, Louis dormait cette fois-ci. Je lui lisais le même livre, mais il ne bougeait plus, il ne réa- gissait plus. Je fermais le livre et mimais les scènes, cela n’avait aucun effet sur lui. Je continuais de mimer et je vieillissais. Lorsque j’ai eu soixante ans, Louis a ouvert les yeux et poussé un cri. J’ai lâché le livre et me suis aperçue que ce n’était pas un roman, ni un recueil de contes. C’était le carnet. Je me suis réveillée, en sueur.
Une petite graine avait été plantée, une idée in- sensée était en train de germer dans ma tête, et une phrase repassait en boucle, telle une obsession : « Louis n’est pas mort, Louis est dans le coma mais Louis est vivant, Thelma, tout est encore possible, il lui reste presque un mois pour se réveiller, il va se réveiller. »
Le personnel médical continuait de répéter qu’il était sans doute totalement inconscient. En étaient-ils sûrs ?
Non, ils ne pouvaient l’affirmer avec certitude. Alors c’est qu’il y avait une possibilité qu’il m’entende, qu’il ressente. J’allais m’y accrocher. Je devais donner envie à mon fils de revenir, le faire saliver en lui montrant tout ce qu’il était en train de manquer en restant dans le coma. Lui donner envie de vivre. C’était un projet fou, mais réalisable. J’en
étais convaincue.
Les protagonistes ? Un sportif : Louis. Un coach : moi.
La discipline olympique ? La sortie du coma en nage libre.
La carotte, la motivation ? Tout ce qui était noté dans le carnet. Ce carnet était un concentré de futur. Ce carnet était rempli d’expériences que Louis rê- vait de vivre, de promesses de joie, de « trucs cool » comme il l’écrivait lui-même. Ce carnet était une
promesse de vie.
Le mode opératoire ? J’allais partir à la rencontre des rêves de mon fils, les vivre pour lui, les enregistrer, en audio et en vidéo, et les lui faire partager. J’allais en prendre l’engagement solennel. Je ne pourrais ni revenir en arrière ni le décevoir. Je ne savais pas s’il y avait un ordre défini, et je ne voulais pas que tout ait l’air préfabriqué. Il faudrait donc que je découvre le programme au fur et à mesure. Le résultat escompté ? Que mon fils se dise merde c’est quand même pas possible que ce soit ma darne qui fasse tout ça à ma place. Et qu’il ouvre les yeux.
J’ai frissonné. Je me suis levée et j’ai regardé le ciel. Étais-je en train de devenir folle ? L’espace de quelques instants, j’avais occulté la noirceur des nuages qui pesaient sur mon fils. Mais la nuit était lourde, l’issue insaisissable. Louis ne reviendrait peut-être jamais, je le savais. Je me suis mise à pleurer, silencieuse, immobile. Mon obstination était sans doute absurde, mais je ne pouvais me résoudre à laisser partir mon fils sans lui avoir permis de réaliser tous ses rêves d’enfant. Combien de temps me restait-il ? Moins d’un mois maintenant. J’avais déjà perdu de précieuses journées. Il était plus que temps d’entamer cette course contre la montre et pour la vie.
J’ai tourné la première page et découvert ce qui m’attendait. J’allais sortir de ma zone de confort, je le savais.
J’étais prête.
Pour Louis. Et sûrement un peu pour moi."

La chambre des merveilles
Julien Sandrel
Calmann levy










3 commentaires:

  1. Merci pour ce beau partage!!! Bise, bon mercredi tout doux!

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  2. Un texte émouvant, poignant pas de mots pour décrire les ressentis.

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    1. Maria-Lina et Marie : "Inattendu, bouleversant et drôle, le pari un peu fou d'une mère qui tente de sortir son fils du coma en réalisant chacun de ses rêves. Louis a 12 ans. Ce matin, alors qu'il veut confier à sa mère, Thelma, qu'il est amoureux pour la première fois, il voit bien qu'elle pense à autre chose, à son travail sûrement. Alors il part, fâché et déçu, avec son skate, et traverse la rue à fond. Un camion le percute de plein fouet. Le pronostic est sombre. Dans quatre semaines, s'il n'y a pas d'amélioration, il faudra débrancher le respirateur de Louis. En rentrant de l'hôpital, désespérée, Thelma trouve un carnet sous le matelas de son fils. A l'intérieur, il a dressé la liste de toutes ses "merveilles" , c'est-à-dire les expériences qu'il aimerait vivre au cours de sa vie. Thelma prend une décision : page après page, ces merveilles, elle va les accomplir à sa place. Si Louis entend ses aventures, il verra combien la vie est belle. Peut-être que ça l'aidera à revenir. Et si dans quatre semaines Louis doit mourir, à travers elle il aura vécu la vie dont il rêvait. Mais il n'est pas si facile de vivre les rêves d'un ado, quand on a presque quarante ans... "LE LIVRE QUI VOUS FERA PLEURER DE BONHEUR". Bernard LEHUT, RTL Coup de foudre partagé par le monde de l'édition à l'international, ce premier roman de Julien Sandrel, 37 ans, a déjà conquis plus de 20 pays avant même sa parution en France".

      Ce qui donne envie d'aller plus loin dans la lecture !
      Bonne soirée à vous deux.
      Je vous en brasse fleurie.

      Den

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Par Den :
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