de la fenêtre à la porte, de la vitre à la route....: *Terre de brume

lundi 3 mai 2021

*Terre de brume - l'Aube

Terre De Brume L'Aube - Photo gratuite sur Pixabay

L'Aube

J'ai embrassé l'aube d'été.

Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombres ne quittaient pas la route des bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.

La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.

Nerium, Laurier Rose, Fleur, Bush, Flore

Je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.

Petit Sapin De L'épinette En Croissance Dans La Forêt De Conifères. Nature Russe Banque D'Images Et Photos Libres De Droits. Image 65298195.

Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. A la grand-ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais.

Woman, Artwork, Bohemian, Boho, Lady

En haut de la route, près d'un bois de lauriers

, Forêt De Lauriers, Arbre De Laurier

je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois.

Au réveil il était midi.

Arthur Rimbaud

les Illuminations (1874)

p. 306

cf Oeuvres complètes

Rimbaud

édition établie par André Guyaux

avec la collaboration d'Aurélia Cervoni

Bibliothèque de la Pléiade

*****

13 commentaires:

Bonheur du Jour4 mai 2021 à 06:56
Quelle force dans cette poésie ! Comme j'aime Rimbaud !
RépondreSupprimer
Réponses
Den4 mai 2021 à 11:14
Oui, Marie. Arthur Rimbaud dans ce poème des Illuminations, a voulu éterniser l'instant insaisissable, celui de la fuite de l'aube avant le lever du sOleil, le petit matin... ce poème est l'allégorie de la création poétique jusqu'au réveil à une heure où la lumière n'est plus celle de l'aube.... l'horloge sonne, et le rêve ne devient plus qu'instant présent !

Sylvain Tesson vient de sortir un livre sur cet auteur "aux semelles de vent", une coédition France Inter et Equateurs Parallèles. ...très intéressant.. je les parcours tous deux et Tesson me permet de connaître davantage Rimbaud comme homme rebelle et comme poète. Il écrit à son propos :

"La poésie de Rimbaud décoche des bouquets de feu. On n’en tirera pas d’enseignements sur la vie, la mort, l’amour ni l’art. Il peint des images, balance ses visions, qui sont des secrets d’initié. C’est violent, nouveau, indépassable. Le Verbe est une énigme. Tout juste peut-on tenter d’en décrypter les mystères. Les vers déchirent les brouillards et révèlent des spectacles nouveaux. Ils sont sublimes. Pas d’explications, pas d’informations. Rimbaud n’atteint jamais son but parce qu’il le dépasse toujours."

Quel merveilleux poète que ce Rimbaud. J'ai eu le bonheur de recevoir pour mon dernier anniversaire ses oeuvres complètes. Enorme livre avec des notes et des variantes qui complètent son oeuvre, des lettres personnelles, et moults détails expliqués.... un trésor en littérature !

Je te souhaite de les lire tous les deux dans leur entier...

Merci de te promener dans mes allées de mots et d'images.
Douce journée.

RépondreSupprimer
Réponses
Marie4 mai 2021 à 17:35
Saisissante poésie qui peint magistralement la naissance et la mort de l'aube
RépondreSupprimer
Réponses
letienne5 mai 2021 à 22:07
Rimbaud... fantastique poète!
Quel beau texte, j'en tremble à le lire.
Merci pour ce cadeau.
RépondreSupprimer
Réponses
Robert Marleau8 mai 2021 à 13:27
Un très beau texte j’aime beaucoup la photo de ta bannière
RépondreSupprimer
Réponses
Robert Marleau8 mai 2021 à 13:41
Un très beau texte joliment illustré
RépondreSupprimer
Réponses

Ajouter un commentaire

Par Den :
Ecrire un commentaire :
Liens vers ce message :
Créer un lien :

La Rue

"A la terrasse d'un café, un homme regarde l'évolution d'un monde qu'il ne reconnaît plus ; un monde avec ses gestes nobles et indigents, ses mouvements et ses incohérences. S'il avait été peintre, il l'aurait dessiné mais ce monde-là aurait condamné à l'imaginaire et au sordide la fixité de l'image : cet univers de poussière, cette reproduction immuable des mêmes symptômes de la vie, ce cafouillage d'instants éternels, c'était la rue. Perdu dans la foule, isolé dans ses songes, cet homme qui n'a pas de nom,, observe ce long cheminement anonyme de destins qui se mêlent et s'entrecroisent sur le pavé. Avec l'oubli de soi-même qu'impose parfois le vide ou le trop plein de l'esprit, il regarde et s'enivre de solitude. En réalité, on lui avait "appris" à être seul ; c'était comme une manière de "ne pas être" chez lui.

Tout à coup, la nuit tombe comme un long manteau d'hiver, les étoiles montent aux arbres et le ciel ferme boutique. Il n'y a plus personne dans la rue sauf toujours cet homme, à la terrasse d'un café dont les portes sont closes. Plus rien que le silence et l'indifférence d'hier et d'aujourd'hui dans un rêve de folie lucide et presque élucidée. Et, sur ce boulevard abandonné aux déserteurs, elle apparaît avec son visage d'enfant des rues et son allure de femme amoureuse. Elle est belle, douloureusement belle pour l'homme dont le regard boit son ombre. Cette femme sans nom qui ne fait que passer et qui n'est pas tout à fait ni dans son monde, ni dans celui des autres, est balayée par le froid intense qui se dégage des murs.

Si elle était une fleur, elle serait sublime ; si elle était un parfum, elle serait envoûtante ; si elle était un paysage entier, elle serait généreuse et bienfaisante ; si elle était une oeuvre d'art, elle serait parfaite et donc ne serait pas. Mais, elle n'était qu'une femme et elle était fragile, comme une fleur, un parfum, un paysage entier ou même une oeuvre d'art".....(....)

L'autre moitié du songe m'appartient

Alicia Gallienne

Gallimard