Certains soirs étaient transparents
(Tout comme l’aube parfois)
Il y avait un vide
Au milieu de la flamme
Han Kang
Novembre 2013
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I.
Chansons entendues à l’aube
Un soir tard, je…
Un soir
Tard, je
Regardais la fumée monter
De mon bol de riz blanc.
Je compris
Que quelque chose s’en allait à jamais.
Aujourd’hui encore
Des choses s’en vont à jamais.
J’ai besoin de manger.
De manger mon riz blanc.
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Chanson entendue à l’aube
Dans l’interstice entre la lumière
Du printemps et
L’obscurité tentaculaire
Une âme à moitié morte
Apparaît vaguement
Je tiens mes lèvres closes
Le printemps est printemps
La respiration est respiration
L’âme est âme
Je tiens mes lèvres closes
Jusqu’où l’âme s’étend-elle ?
Jusqu’où s’infiltre-t-elle ?
Je vais attendre
Quand l’interstice sera obturé, j’ouvrirai ma bouche
Quand ma langue aura fondu
J’ouvrirai mes lèvres
À nouveau
À nouveau, à présent
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Ce qu’est un cœur
Je regarde un mot en partie effacé
Les traces des traits
Les courbures
De la première consonne ㄱ
Ou de la deuxième ㄴ
Les espaces avant l’effacement
Dans ces espaces
J’aimerais me glisser
En ployant mes épaules
En courbant mes reins
En pliant mes genoux et serrant mes chevilles
Mon cœur qui se met à disparaître
N’arrive pas à faire pâlir le reste
Un couteau mal effacé
A fait une incision entre mes lèvres
Ma langue s’enroule, se rétracte
À la recherche d’une plus profonde obscurité
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Mark Rothko et moi
– La mort en février
Je n’ai pas eu le moindre contact avec Mark Rothko
Faut-il vraiment le dire ?
Né le 25 septembre 1903
Il est mort le 25 février 1970.
Née le 27 novembre 1970
Je suis toujours en vie.
Je ne peux taire
Qu’il m’arrive de penser
À l’intervalle de neuf mois
Qui sépare sa mort de ma naissance.
À l’aube, il s’est ouvert les veines aux deux poignets
Dans sa cuisine attenante à son atelier.
Au même moment, à quelques jours près,
Mes parents faisaient l’amour.
Peu après
Une petite vie
Prenait forme
Dans le confort d’un utérus.
En cet hiver tardif
Au cimetière de New York
Han Kang
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"Récompensée par le Prix Nobel de Littérature 2024, Han Kang dévoile
toute la beauté de sa plume dans ce premier recueil de poèmes traduit en
français. Elle y évoque la couleur des fins de journée, le froid,
l’absence. Le corps aussi, tantôt affaibli, tantôt vigilant face au
miroir. La lune est étrange, la mémoire des morts s’empare des maisons.
Jusqu’à ce que la lumière revienne, que les femmes et les hommes
quittent l’obscurité.
Après l’immense enthousiasme suscité par ses
romans, l’œuvre poétique de Han Kang nous invite à découvrir un nouvel
aspect de l’imaginaire de la grande écrivaine coréenne – en écho avec
son travail narratif. Par ses thématiques et l’infinie délicatesse de
ses vers, Ces soirs rangés dans mon tiroir est une lecture indispensable pour s’imprégner de l’univers si singulier de l’autrice d’Impossibles adieux.
Traduit du coréen par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet"
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1er jour du Printemps
et journée de la francophonie
Doux 20 mars 2025
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Tant que la poésie sera reconnue, le monde ne sera pas tout à fait perdu...
RépondreSupprimer•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
En peu de mots, on attend l'essentiel. C'est très beau. Bises alpines et bon printemps!
RépondreSupprimerJe l'ai découverte par hasard.... le prix Nobel de littérature en 2024 « pour la profondeur de sa prose poétique qui s'oppose aux traumatismes de l'histoire et révèle la fragilité de la vie humaine »
SupprimerSuspendus à ses mots... des phrases courtes. Son écrit est sobre ...
poétesse engagée pour ce qui était tu auparavant.. et de ses douleurs personnelles.
Une écriture feutrée, presque ouatinée, légère, délicate.
Elle a l'art de l'infime suggestion.
merci Dédé de l'autre côté des Alpes.
Aujourd'hui c'est le printemps, mais il fait froid en Provence !
Bise ..
une poètesse découverte avec son Nobel j'aime beaucoup la plupart de ses poèmes
RépondreSupprimerJe la découvre... A lire encore et encore
SupprimerMerci Dominique ..
douce soirée à toi.
Parfaitement Céleste...D'ici ou d'ailleurs, la poésie nous porte, nous emporte vers un passé, un présent, un futur..dans l'harmonie des mots et des images.
RépondreSupprimermerci à toi.
Bisou
Tu es bien rentrée de ton merveilleux voyage au Kenya ?
Merci pour cette découverte, je note le titre pour ne pas oublier!
RépondreSupprimerAutrice intéressante, avec une poésie particulière que je ne connaisais pas.
SupprimerA découvrir égal'aimant.
merci à toi. Doux week-end à venir Marie.