vendredi 21 mars 2025

*Nous traverserons des orages

 


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"Dès l'instant que j'essayai de donner forme 

à la tragédie de mon temps,

je n'en souffris plus aussi cruellement"

Stefan Zweig, Le Monde d'hier

 

"Il n'y a pas d'époque paisible"

Laurent Gaudé, Nous, l'Europe, 

banquet des peuples

****

 

 Pour mon père,

que je n'ai jamais vu pleurer.

 

****

 

Prologue

 

Voici l'histoire que je dois te raconter, Saule.

C'est l'histoire d'une famille, d'une maison et d'un pays.

 

Elle commence à la veille d'une guerre planétaire, dans une

ferme de hameau qu'on appelle les Chaumes. Elle s'achèvera un

siècle plus tard, au même endroit, à l'heure où une autre guerre menace

de s'étendre et où j'hésite à accrocher un panneau A VENDRE sur le mur de la grange.

 

Entre ces deux époques, tu verras vivre ici quatre générations d'une famille tourmentée par des secrets et hantée par des morts sans sépulture.

 

Entre  ces deux époques, nous traverserons des orages. Tu verras se répéter des conflits, des accidents, des abandons et des coups de couteau. Tu verras changer les saisons, les habitudes, les lots et les  gouvernements. Tu assisteras plusieurs fois à la fin du monde et au début d'un autre.

 Tu verras des hommes tomber amoureux, rêver de grandes choses, partir à la guerre, et en revenir sans mot et sans gloire. Car il n'y a pas de super-héros dans  notre histoire. Seulement des hommes blessés par la violence du monde et qui, incapables d'exprimer ce qu'ils ont au fond d'eux-mêmes, se taisent et exercent la violence à leur tour, comme enfermés dans une malédiction.

Jusqu'à moi. Jusqu'à toi.

 

Pourtant, nous ne sommes jamais condamnés à perpétuité, Saule. Ni à la prison, ni au silence, ni à la violence. Et même après cent ans de malheurs, même si j'ai commis l'irréparable moi aussi, je ne désespère pas que nous apprenions enfin à  prendre la parole plutôt que les armes.

 

Je pense souvent à ce que mon  père m'a dit, un  matin, dans une cuisine qui sentait le café fort et les médicaments : la  littérature est une consolation.

Je ne sais pas s'il avait raison, mais j'aimerais bien.

J'aimerais croire que toutes les histoires, même les plus tragiques, peuvent nous consoler, à condition qu'elles disent la vérité. C'est en tout cas ce que j'ai essayé de faire ici : te dire la vérité sur les hommes de la famille Balaguère. Sur leurs faiblesses et sur les miennes. J'espère que tu en tireras de la force.

Alors quand tu auras lu ces pages et que tu sauras d'où je viens et qui je suis, si tu le souhaites encore, appelle-moi.

Je serai ici, aux Chaumes. Je t'attendrai.

Pour l'instant, j'ai remisé le panneau A VENDRE dans un coin, et j'ai sorti la boîte à outils. Il y a une fuite dans le toit. Ce ne sera qu'une petite réparation, bien sûr, alors qu'il y en a de plus grandes à entreprendre. Mais puisqu'il faut bien faire quelque chose, je vais commencer par là.

 

****

 

Première partie

 

Un grand secret

 

 

 

 


 

 

 

 

Année 1914

 

Chapitre 1

___________________

 

Marty

 

Seul dans la chaleur de Juillet, Marty traverse la cour de la ferme.

L'après-midi tire à sa fin, et pas un souffle d'air sur les Chaumes.

On entend bourdonner les mouches, tinter les cloches des vaches dans le champ d'à côté, le grincement d'une poulie quelque part, et le coeur de Marty qui tape dans sa poitrine.

Il passe sous le tilleul à grands pas. Le chien est allongé en  travers de son chemin, il lui flanque un coup de pied, allez ouste, barre-toi de là.

Le corniaud se carapate. Marty file vers l'escalier  en pierre qui colimaçonne sur le  flanc de la maison.

"Interdiction de grimper au grenier, Marty !"

Interdiction de ceci, interdiction de cela. Pff ! Depuis qu'il a mis le feu l'autre jour au fenil, s'est simple, il n'a plus le droit de rien faire. Alors quoi ? Faudrait-il qu'il  reste dans les jupes de sa mère, à écosser les haricots ou à plumer les oies, comme une fille ? ça, pas question. Marty a seize ans. Il  mérite d'être traité en homme, comme Anzème !

Non, personne l'a vu, il referme la porte  derrière lui et le voilà tranquille, à l'abri sous la vieille charpente au milieu des sacs de seigle et de pommes de terre.

Le feu, c'était pas exprès. Enfin, si. Mais il ne pensait pas que ça flamberait si vite, si haut. Il voulait juste griller ces foutus charançons. Combien de fois il a entendu sa mère pleurer à cause de ces sales bestioles qui s'attaquent aux récoltes ?  Alors Marty a eu l'idée du feu. Est-ce sa faute si son cerveau est une machine erratique et vagabonde ? "Cui-ci il nous invente une ânerie par minute", dit souvent son père en lui collant une taloche sur le crâne.

Là, faut reconnaître que c'en était une grosse.

Par chance, ceux des fermes alentour ont rappliqué. Les Jouillat, les Bouillot, les Challard, tout le monde avec des seaux, en train de crier. L'eau qu'on tire du puits, les mains qui se passent les seaux, et finalement l'orage qui éclate, un vrai déluge. "Le coup de pouce du bon Dieu", a commenté  Anzème un peu plus tard, le visage noir de suie.

Au petit jour, on a constaté les dégâts en soupirant : la moitié du bâtiment partie en fumée et dans un recoin, la chatte et ses petits. Piégés, asphyxiés. Après ça, Marty s'est tenu à carreau. Valait mieux. Il a rasé les murs pendant plusieurs jours, mais l'air de rien, il réfléchissait.

 

Anne-Laure Bondoux

 

..........

 

résumé

 

En de courts chapitres qui remontent le temps, et quelques ellipses, ce roman donne voix et âme à ces hommes touchants et poignants que la vie (qui n'est qu'un éternel recommencement ) aura malmenés.

Une saga familiale vertigineuse, captivante, d'une étonnante fluidité et parfaitement orchestrée. Un livre époustouflant  de 1914 à 2020 ! sur quatre générations, plusieurs époques. Un siècle d'histoire.

Une incroyable fresque historique et familiale.

 

A lire et aller  à la rencontre de cette famille Balaguère, un clan aux Chaumes, dans la ruralité du  Morvan, à la découverte de ses racines, ses espoirs, ses attentes, ses non-dits.

Un beau roman sur la transmission, la quête de la vérité à l'écriture sobre, rythmée, colorée.

Emouvant

Un bijou.

Une fresque aux destins brisés, à la veille de la première guerre mondiale jusqu'à nos jours. 

Bouleversant.

 

Den

 

****

 

 

 

 

6 commentaires:

  1. Une saga familiale où chacun d'entre nous trouve un peu de sa propre vie. Les temps ont changé , les guerres aussi mais elles font cependant autant de ravages dans la vie et le coeur des hommes.

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    1. Quand j'ai commencé le roman Chinou, qui débute en juillet 1914, mon papa Justin né en mai de cette même année, avait deux mois, et la 1ere guerre mondiale à laquelle son père Goselin- Léon allait participer, commençait en Août. J'avais lu pas mal de documents sur cette période, et notamment en Provence, par un temps splendide, chaud comme nous le connaissons encore aujourd'hui,.... juste avant le départ de cette guerre.
      J'avais l'impression que ces premières pages concernaient ma famille, à la campagne... quelle émotion ! j'ai toujours en ma possession les différentes correspondances échangées entre Juliette et Léon mes grands-parents paternels et autres membres de ma famille, que je conserve précieusement.
      Je réponds à ton commentaire.... oui "chacun d'entre nous trouve un peu de sa propre vie"...dans cette épatante saga familiale... Très riche et profonde où chaque mot choisi résonne fortement en nous.
      Et pour moi c'est vraiment le cas dans ces années 1914... et je pensais que Marty allait partir à la guerre, comme Goselin-Léon..

      merci pour ta fidélité Chinou.
      Bon week-end à toi.

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  2. Tu me donnes envie de lire ce livre en souvenir de mon grand-père...https://marie-aupaysdesimagesetdesmots.blogspot.com/2016/02/poemetu-avais-juste-20-ans.html

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    1. Ce livre découvert tout à fait par hasard est un joyau qui me rappelle mon grand-père Goselin-Léon le papa de mon papa... nous en avions parlé lors de divers billets parlant de cette 1ère guerre mondiale ensemble. Et les similitudes nous réunissant.
      En débutant ce roman j'ai eu l'impression de lire la vie de mon grand-père parti faire la guerre. Mon papa Justin avait 2 mois en juillet 1914, et 3 mois à sa déclaration en août....par un temps superbe en Provence, ....incroyable. Très vive émotion.
      4 générations de 1914 à 2020 chez les Balaguère.
      Je ne connaissais pas cette autrice, sensationnelle, à l'écriture très fine... qui raconte si bien l'Histoire et cette saga familiale.

      Vraiment à lire, tu ne seras pas déçue.

      Merci Marie pour ta fidélité, ton authenticité, ta poésie qui m'émeut à chaque fois.
      Merci beaucoup.
      Amicalement à toi.
      Doux week-end pas un brin printanier.

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  3. Bonsoir Den
    Moi aussi, j'ai envie de lire ce livre. Ma mère est née en 1914, mon père en 1909, et je regrette de ne pas avoir discuté avec eux des deux guerres mondiales qu'ils ont traversées.
    Merci pour les extraits, et pour le partage.
    Bonne soirée à toi. Je t'embrasse.

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    1. J'ai eu la chance de pouvoir parler avec mon papa de ces guerres, pour ce qu'il en savait, de ce qu'avait vécu mon grand-père en 1914-1918, et surtout je conserve des documents, des correspondances échangées entre les membres de ma famille pendant cette première guerre mondiale. Un trésor pour moi.
      Quant à papa, il m'a beaucoup parlé de la 2e guerre qu'il a traversée en Silésie, avec moult détails.

      Merci Françoise de venir jusqu'ici. Tu aimeras ce livre, j'en suis sûre..
      Douce semaine à toi.
      Je t'embrasse.

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Par Den :
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