samedi 12 octobre 2013

*"les gardiennes des arbres"...




"Un jour,  devenu adulte, alors que j'étais à Panama, j'ai fait un pas de côté, et contemplé, s'écoulant à mes pieds comme une rivière crépitante, l'équivalent dans le Nouveau Monde des armées qui m'avaient terrifié, enfant, en Afrique. Et je peux témoigner de l'impression d'étrangeté et d'émerveillement qui m'a saisi.  Heure après heure, la légion avançait devant moi, chaque soldat marchait tout autant l'un sur l'autre que sur le sol, pendant que j'attendais la reine. A la fin elle vint. Et sa présence était impressionnante. Il était impossible de distinguer son corps. Elle apparut uniquement sous la forme d'une vague frémissante - une nuée d'ouvrières mouvante - une boule bouillonnante de fourmis liées les unes aux autres. La reine était quelque part, au milieu de cette boule frémissante  d'ouvrières, et tout autour des rangs massifs de soldats faisaient face à l'extérieur, les mâchoires ouvertes, prêts à tuer et mourir pour la reine. Je n'ai jamais aperçu la reine. Mais quelque part, au milieu de cette sphère bouillonnante, elle était là. Les soldats étaient prêts de mourir pour leur reine, parce qu'ils avaient hérité leurs cerveaux et leurs mâchoires d'une longue lignée de reines ancestrales dont les vies avaient été sauvées par des soldats aussi courageux qu'eux. Les soldats étaient en train de garder la sagesse de leurs ancêtres. (...) Je me souviens, durant mon enfance, avoir été plus effrayé par les fourmis    guerrières    que par les lions ou les crocodiles. Mais écoutons Edward Wilson, le plus grand spécialiste des fourmis : "non, écrit Wilson, les fourmis guerrières ne sont pas aussi terrifiantes que ce que suggèrent les histoires qu'on raconte sur elles. Après tout, le fleuve des fourmis guerrières ne peut avancer que d'environ un mètre toutes les trois minutes. On peut faire un pas de côté, et contempler cette extraordinaire activité frénétique, moins qu'une source de menace, que comme une source d'étrangeté et d'émerveillement".  Ici, à Panama, je ressentais une impression d'étrangeté et d'émerveillement, mêlée d'un resurgissement de ces peurs à moitié oubliées, mais transfigurées par mes connaissances d'adulte. La nuit était tombée, et je suis reparti rentrer chez moi - un enfant, impressionné, une fois encore, mais empli de joie, dans ce nouveau monde   de compréhension qui s'était surimposé aux terreurs de l'enfance".

Richard Dawkins        
L'horloger aveugle

(Réf. Sur les épaules de Darwin - France Inter - par Jean-Claude Ameisen)
émission du 5 Octobre 2013

"Les gardiennes des arbres".



***                      

7 commentaires:

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  2. J'ai toujours été fascinée par cette activité fourmillère comme je suis fascinée par la ruche bourdonnante. Merci d'avoir reproduit ce texte que je n'ai pas encore écouté en podcast. En le lisant, j'entendais (dans ma tête) la voix vibrante et chaude de Jean-Claude Ameisen et cela donnait à ce texte une résonance inimitable. Bisous, Den. J'espère que tu passes un bon dimanche.

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  3. ... Le monde des fourmis et des abeilles procure une fascination étonnante...la fourmilière vivante en nid créée par des milliers d'ouvrières, protège sa reine et le couvain... les fourmis guerrières avancent en rang serré en boule bouillonnante ... les soldats sont prêts à mourir pour leur reine.. leur vie microcosmique, savamment organisée n'en finit pas de nous surprendre... qu'elle soit de fourmi ou d'abeille, leur communauté est infiniment active .. elle construit, creuse, excave, déblaye, stocke, aménage, entretient et protège le nid, lieu de tous les délices..
    comme toi j'aime la lecture à voix haute, quelle qu'elle soit, elle permet d'entendre le son des mots.. ici avec la voix chaleureuse de M. Ameisen reconnaissable entre mille..
    Merci Malou.. Mon dimanche a été serein, comme j'aime.
    J'espère qu'il en a été de même pour toi.
    Je t'embrasse.
    Den

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  4. J'avais cette fascination pour ce monde infiniment petit quand j'étais enfant. Je l'ai encore mais j'ai beaucoup moins de temps pour admirer leur travail. Un projet me tient à cœur, celui de suivre une formation pour devenir apicultrice. Je travaille depuis plusieurs années à transformer mon jardin en un lieu accueillant pour les abeilles.
    Belle journée Den !

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  5. ...enfant... moi c'était le monde des fourmis que j'aimais regarder vivre... fascinée j'étais.. comme toi.. mais le temps manque à présent d'observer leur tâche, te manque... je suis heureuse pour toi du projet que tu souhaites mener à bien... celui de devenir apicultrice... tous mes voeux te suivront.
    Une bonne soirée...
    Den

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  6. Bonjour Den, depuis petite, j'étais curieuse de la vie des fourmis et un jour, mon père m'a offert un livre, le merveilleux monde des fourmis que j'avais trouvé fascinant et j'avais souvent le nez dedans.
    Merci ma chère Den pour le merveilleux texte.
    Je t'embrasse

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  7. ..Merci Denise pour ton commentaire...Que de souvenirs évoqués ici sur la page !! moi j'ai envie de relire le livre de Bernard Werber sur les fourmis.. retrouver leur univers.. leurs modes de fonctionnement., d'organisation en plongée dans leur quotidien.. un parallèle évidemment fascinant entre le monde des humains et celui des fourmilières...
    Merci pour ta fidélité..
    Une bonne soirée je te souhaite.
    Den

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Par Den :
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