mercredi 5 avril 2017

*La Tristesse des Eléphants


Éléphant D'Asie, Jeune Animal, Veau

Alice.

A neuf ans, avant de grandir et de devenir chercheuse, je croyais tout savoir, du moins je voulais tout savoir, et je pensais que c'était la même chose. J'étais alors obsédée par les animaux. Je savais qu'un groupe de tigres formait une horde.

Tigre De Bengale Blanc, Tigre, S'Asseoir

 Je savais que les dauphins étaient carnivores.

Dauphin, Des Animaux, Mer, L'Eau, Océan

Je savais que les girafes avaient quatre estomacs


Girafe, Afrique, Des Animaux, Sauvage

et que les muscles d'une sauterelle étaient mille fois plus puissants, à poids égal, que ceux d'un humain.

Sauterelle, Nature, Macro, Détail


 Je savais que les ours blancs du cercle polaire avaient la peau noire sous leur fourrure,

Polar Bear, Jeune Ours Polaire, Blanc


et que les méduses n'avaient pas de cerveau.

Méduse, Eau, Bleu


Tous ces faits m'étaient connus grâce aux cartes documentaires sur les animaux du supplément mensuel de Time-Life auquel m'avait abonnée, pour mon anniversaire mon pseudo beau-père qui était parti depuis un an pour San-Francisco où il vivait désormais avec Frank, son meilleur ami, que ma mère appelait "l'autre femme" quand elle pensait que je n'écoutais pas.
Je recevais chaque mois un nouvelle carte par la poste, et un jour d'octobre 1977, la plus belle de toutes arriva : celle sur les éléphants.

Éléphant, Savane, Arrangement

 Je ne saurais vous dire pourquoi c'étaient mes animaux préférés.. Peut-être à cause de ma chambre, de la brousse de son tapis vert de haute laine et de la frise du papier peint sur laquelle dansaient des éléphants de bande dessinée.

Rêve, Surréaliste, La Composition

 Peut-être parce que le premier lm que j'ai lu, dans ma petite enfance, était Dumbo. Peut-être parce que la doublure en soie du manteau de fourrure de ma mère, celui qu'elle avait  hérité de sa propre mère, était faite d'un sari indien avec des motifs d'éléphants.
J'ai donc appris, grâce à cette carte Time-Life, l'essentiel de ce qu'il fallait savoir sur les éléphants....(...)
avec le recul, je suis certaine que ma mère était lasse de m'entendre parler d'éléphants.
C'est peut-être pour cela qu'un samedi matin, elle m'a réveillée avant l'aube en me disant que nous partions pour une aventure. Il n'y avait pas de zoo près de chez nous dans le Connecticut, mais celui de Forest Park à Springfield  dans le Massachussetts, possédait une éléphante vivante, une vraie, et nous allions la voir....

(...)

D'abord, elle était enchaînée au centre de son enclos à un énorme bloc de béton, si bien qu'elle ne pouvait s'en éloigner. Puis elle avait des plaies sur les pattes arrières à cause de ces entraves. Il lui manquait un oeil, elle ne m'a pas regardée avec l'autre. Je n'étais qu'une personne parmi d'autres, venue là pour la voir dans sa prison.

Ma mère était choquée, elle aussi, de la trouver dans un tel état. Elle interpella un gardien.
J'éclatai en sanglots.

Pleurer, Triste, Enfant, Tristesse

Ma mère me ramena en toute hâte à la voiture. Nous avions quatre heures de route pour rentrer chez nous, après dix minutes passées au zoo.

"On ne peut pas faire quelque chose pour elle" ? demandai-je.

C'est ainsi qu'à l'âge de neuf ans je devins défenseuse des éléphants.

Si j'avais su ce que je sais aujourd'hui, j'aurais dit au maire que le fait de mettre des éléphants ensemble ne signifie pas qu'ils noueront des rapports amicaux. Les éléphants ont leur propre personnalité, tout comme les êtres humains, et de même que rien ne permet de penser que deux humains que je rencontre par hasard deviendront amis, deux éléphants ne vont pas se lier pour la seule raison qu'ils appartiennent à la même espèce.

La morale de cette histoire, c'est qu'on a beau, parfois, tout faire pour changer le cours des choses, c'est comme si l'on voulait arrêter la marée avec une passoire.

La morale de cette histoire, c'est que, quels que soient nos rapports, et aussi violemment qu'on le désire.. 
certaines histoires ne finissent jamais bien.

La Tristesse des Eléphants

Jodi Picoult

Actes Sud 2017 (01/17)

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Jodi Picoult est née en 1966 à Long Island, dans l'Etat de New-York. Après avoir étudié la littérature à Princeton et les sciences de l'éducation à Harvard, elle se consacre à l'écriture dès 1990.
Ses livres aujourd'hui sont traduits en 37 langues et sont vendus à plus de vingt-deux millions d'exemplaires dans le monde.
Ce livre est son premier roman.

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4ème de couverture :

Jenna avait trois ans quand a inexplicablement disparu sa mère Alice, scientifique et grande voyageuse, spécialiste des éléphants et de leurs rituels de deuil. Dix années ont passé, la jeune fille refuse de croire qu'elle ait pu être tout simplement abandonnée. Alors elle rouvre le dossier, déchiffre le journal de bord que tenait sa mère, et recrute deux acolytes pour l'aider dans sa quête : Serenity, voyante extralucide qui se prétend en contact avec l'au-delà,  et Virgil, l'inspecteur passablement alcoolique qui avait suivi et enterré l'affaire à l'époque.
Habilement construit et très documenté, la Tristesse des Eléphants est 1 page-turner subtil sur l'amour filial, l'amitié et la perte.


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7 commentaires:

  1. Jusqu'au bout, j'ai cru que tu racontais ta propre histoire, Den.
    C'est un très beau texte, qui arrache des larmes.
    Merci
    ¸¸.•*¨*• ☆

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    1. Merci les Âmies, Célestine, Denise, Dédé, Mathilde... un texte qui touche... forcément...non ce n'est pas mon histoire, mais j'ai ressenti les mêmes émotions que vous.
      Je vous embrasse et vous souhaite un dimanche fait de douceur, comme vous aimerez.
      Den

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  2. Quel beau texte chère Den, triste et émouvant. Moi aussi, je croyais que tu racontais ton histoire.
    Je t'embrasse

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  3. Je rejoins le commentaire des copines qui sont arrivées avant moi. Tu m'as tiré les larmes ce soir, je pensais que c'était toi qui aimais les éléphants. Mais je suis sûre que toi aussi, qui a un coeur gros comme cela, tu peux y mettre plein d'éléphants tout tristes et tout blessés, des girafes avec plein d'estomacs et des hordes de tigres. Nos amis les animaux méritent notre respect, comme nos congénères les humains. Merci pour ce beau billet et bises alpines.

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  4. C' est normal que ce texte t' ai touché au coeur .. :-)
    Moi , comme toi , mots d' Alice me bouleversent ...
    Quand les hommes comprendront-ils que le règne animal est lié à notre pauvre vie humaine ...Ils sont souvent des leçons pour nous ...Notre survie dépend de la leur ..Ils sont tellement ..;tout
    Bisous ma Den ...je suis sure que tes petits bouts , comme Alice adorent les éléphants

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  5. Quel magnifique texte ! Je comprends que cette petite fille soit si vbouleversée par le martyre de cet éléphant, c'est pourquoi je n'aime pas beaucoup les parcs zoologiques même si ils plaisent en général aux enfants !
    Leur univers et leurs territoires se rétrécissent comme peau de chagrin, l'homme est inconscient et avide, c'est tellement triste !
    Merci Den

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  6. Les enfants préfèrent les animaux en liberté, je crois.
    Des hommes non respectueux choisissent pour eux une organisation sociale encagée. C'est triste et désolant de les voir souffrir d'étroitesse d'esprit ... ils ne méritent pas d'être le plus souvent malheureux, enchaînés, maltraités.
    Quand l'inconscience des hommes s'arrêtera-elle ?
    Merci Marine d'avoir déposés tes mots bouleversés en ce dimanche des Rameaux.
    Je t'embrasse.
    Den

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Par Den :
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