mardi 17 mai 2016

*Chaque année en Septembre....



Chaque année en Septembre j'ai peur de mourir, alors j'achète un cahier. J'ai peur de mourir depuis l'âge de cinq ans, tous les jours, à chaque heure du jour et encore plus au milieu de la nuit, quand je vais aux toilettes sans allumer. Si j'allumais  j'aurais encore plus peur. En Septembre c'est beaucoup plus cruel . C'est si beau Septembre, si limpide si bleu. Chez nous, ici, c'est le plus beau mois de l'année. Ce n'est pas un mois, c'est un fruit.


Blackberry, Baies, Mûres, AlimentaireL'après-midi je vais au bord des rivières, cueillir des mûres sauvages.



A travers les infranchissables ronciers j'entends les derniers cris d'enfants qui glissent dans le courant sur de noires chambres à air de tracteur. Ils sont libres comme l'eau verte qui file entre les roseaux, aussi sombres que le caoutchouc où ils s'agrippent de tous leurs ongles, encore immortels.

Graminées, Roseau, Fleurs, Nature

Les ronces déchirent mes bras, mes mains.



Résultat de recherche d'images pour "photos de cahier"Je suis vivant. Je suis vivant parce qu'un cahier m'attend, vierge, encore blanc.

Il est posé sur la table de ma cuisine et il m'oblige à être vivant.  Il m'attend comme un enfant. Je ne lui apporte que les mots d'une mère à son enfant. Il a besoin de moi pour se mettre à vivre.

Un jour je ne serai  plus là pour sentir sur ma peau toute la beauté de septembre,  son immense douceur, tous les mots que je trouve en marchant sur les galets brûlants des rivières ou dans la poussière des champs.

Après le 15 août, les amandes s'ouvrent et tombent au bord des chemins. Deux ou trois frelons tournent autour des plus hauts rameaux puis se glissent dans le tronc creux de ces arbres que personne n'a plantés et qui se demandent depuis cent ans comment ils sont arrivés là.

Septembre est le mois des amandes, des noisettes, des noix.

  Amandes, Main, Poignée, Noix

On n'a qu'à s'asseoir sur les talus  et les casser entre deux pierres, ou remplir ses poches, et les ramener chez soi, comme un écureuil. Le figuier est moins intrigant, il se choisit une ruine et s'installe dedans.


Figue, Fruit, Sud, Provence
Automne, Fig, Figuier, Fruits, Feuilles
France, Provence, Village, Nature



Je connais toutes les ruines des collines, les bergeries abandonnées, le tas de pierres d'un ancien pigeonnier,



chacune a son figuier. Je suis le voyageur de septembre, je saute d'une ruine à l'autre, et dans la chaleur de ces longs après-midi de fin d'été, j'ouvre avec mes deux pouces ces fruits bouillants, mille graines d'or scintillent dans un sucre pourpre.


C'est comme ça que j'écris maintenant. Maintenant que je vis seul, maintenant que je vieillis. J'écris dans des ruines, à trois heures de l'après-midi, dans l'immense silence bleu des collines.    


René Frégni
Je me souviens de tous vos rêves

*****


  

10 commentaires:

  1. Ce n'est pas un mois, c'est un fruit...
    Tu nous régales encore de cet auteur magistral qui mériterait la même place que les grands, et qui est beaucoup trop méconnu.
    Par quel mystère des écrits de cette densité restent-ils coincés entre les pages d'un livre oublié ?
    Heureusement tu es là.
    Et ce que tu nous offres est somptueux.
    L'écriture comme remède à la peur de mourir, je connais bien... il m'arrive de ressentir des choses très semblables.
    Merci, Den
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  2. Que c'est beau, superbe!!! Bise et bonne journée dans la joie et la tendresse!

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  3. C'est empli de nostalgie, mais c'est vivant et beau. Fort, même!!
    Bisous, Den si attachante!

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  4. Bonjour chère Den, je me suis régalée à la lecture de ce magnifique extrait de René Frégni. Un grand merci de ce beau partage.
    Je te souhaite un doux après-midi avec mes amitiés.
    Bisous ♥

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  5. Il confirme qu'il est le Pagnol réincarné. J'ai lu récemment le roman autobiographique de Marcel Pagnol: "La gloire de mon père" qu'il débute ainsi: "Je suis né dans la ville d'Aubagne, sous le Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers chevriers ". C'est extraordinaire, la similitude,de ces deux écrivains, comme le chant de leur écriture pastoral, la description des lieux, du terroir. Très beaux. Merci Den
    Ravi encore pour cet extrait qui me donne grande envie, de me mettre à la lecture de ses eouvres

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    1. De grands maîtres de ma Provence natale... encore que Marcel Pagnol, comme vous le dites si bien, c'est du côté d'Aubagne, et Jean Giono et René Frégni du côté de Manosque dans les Alpes de la Haute (Provence), mais ils sont tous trois de très bons écrivains (provençaux) du terroire, comme je les aime, comme j'aime leur écriture si puissante si forte, si brillante .... Pagnol je l'aime beaucoup, et à son propos je lui ai consacré deux billets (ici) les 19 avril et 20 avril derniers, intitulés "qui t'a dit que c'est l'automne" et "les secrets", de larges extraits du "château de ma mère" qui vient après "la gloire de mon père".... suivis "du temps des secrets" si vous avez le courage... c'est une écriture merveilleuse qui parle de notre enfance, de la nature, comme elle était avant... avant... des choses simples de la vie...des choses que j'ai connues petite fille, dans cette campagne-là
      ...et sur mon 2e blog "le crayon et la plume", le 18 avril, "Lili".... (de Marcel Pagnol)...

      Merci bizak pour vos mots .. bien sûr que je vous conseille la lecture de ce merveilleux auteur qui n'a pas pris une ride ! lui...

      Bonne fin d'après-midi, sous le sOleil, en coeur encor'.
      Den

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    2. pardon bizak... le terroir, sans e... tu auras corrigé !
      bon après-midi.
      Den

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  6. A Célestine,Maria-Lina, Anne et Denise,
    *****
    Jean Giono, le voyageur immobile et René Frégni ont en commun Manosque et la Haute-Provence. Ils partagent aussi l'amour de cette terre provençale, si parfumée, si colorée, qu'ils font naître par leurs écrits, ... où leurs mots rédigés de la belle manière éclatent en une maîtrise exceptionnelle, en de merveilleux paysages.
    René Frégni nous regarde et pose ses phrases avec justesse sur la page.. il se regarde aussi, et son miroir devient le nôtre. Il plonge dans sa vie adoucie par le temps, apaisée, dans la Provence qui résonne comme il l'aime, gourmand,... et la croque comme un fruit juteux. Il flâne finement le long des mots et glisse avec une sensualité évidente. Son regard brillant nous charme par son authenticité, comme son écriture en si belle harmonie nous captive quand il décrit les instants les plus simples, les jours dits ordinaires, deviennent alors forts et riches. Comme une confidence.
    Il préfère le trop peu au trop, aux excès, aux outrances, à la démesure. Il sait fort bien faire rejaillir sa sensibilité, sa délicatesse, la nôtre aussi, la poésie, l'enthousiasme, son enfance enfouie puis découverte, tous les jours de la vie, la mémoire nostalgique, la luminosité, les petits bonheurs, ....les plus importants.
    Le monde tourne ainsi là, aux détours des sentes ou des grands chemins...

    Merci à chacune d'entre vous pour votre commentaire.
    Je vous embrasse très fort en vous souhaitant une très agréable fin d'après-midi.
    Den

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  7. Un vrai moment de plaisir que cette lecture d' un auteur que je ne connais pas ...agrémenté de si belles images qui parlent au coeur ...Dommage que ces lieux enchanteurs soient si loin de chez moi ...je sens que j' aimerais parcourir ces chemins sauvages ...je reconnais les mêmes parfums que ceux de ma Lozère sauf celui des amandes ..!!
    Bisous Den

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    1. Les voyages immobiles dans la lecture permettent le dépaysement...
      Merci Mathilde pour tes mots en partage... je te conseille ce auteur de mon terroir qui parle au coeur...
      Bel après-midi.
      Je t'embrasse.
      Den

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Par Den :
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