lundi 26 août 2013

.. J'ai écrit... seulement écrit....



Je guette, j'épie, j'attends, j'attends.
J'ai attendu.

Puis je crois que je me suis mise à écrire deux journées entières, deux nuits pleines de l'astre de la mère du ciel, d'un trait, d'un souffle, en oubliant les autres, en m'oubliant, en oubliant de manger et de dormir, ou si peu.

Enroulée en volute vers l'intérieur, pleine d'écriture à ras bord, ma chaleur intime m'a enveloppée.

J'ai renoncé à moi, et aux autres, forcément aux autres, surtout... pour n'écouter que mes pulsations, en ne me mélangeant à personne, pas à toi, Amour, indifférente, loin du monde, loin de toi.

...

Etrangère.
Une autre.
...

J'ai écrit. Seulement écrit. Transcrit avec mes mots, mes brouillons, ma folie vagabonde.

... merveilleux.

Je n'ai été qu'un objet de luxe, qu'une fleur dans son vase, qu'un ornement.
Un lys blanc.

J'ai effacé, j'ai recommencé.

...

et comme un jour sans fin, comme un lys sans fin, tu ne m'as rien demandé, tu ne m'as pas regardée telle la vierge ombrageuse et vindicative, indomptée, sauvage déesse de la nature courant à travers monts et forêts avec ses compagnes et sa meute prompte à tirer à l'arc.

...

J'ai écrit. J'ai écrit.

On recommence nous deux, Amour... ?
Conscience chavirée, j'avais pensé recommencer.. j'ai bien essayé, mais je n'ai pas pu..
J'ai bien essayé de rafistoler les choses... drame racinien... tant pis de n'y être pas arrivée.

N'empêche que l'automne est merveilleux. J'aime cette saison intermédiaire. Tiède comme j'aime.
Roux et mordoré. Comme en Octobre. Suis-je sotte, nous sommes en Octobre.




Le châtaignier prévoyant donnera-t-il son fruit pour l'hiver ?
Le raisin grâce à l'action de la lumière portera-t-il l'espérance d'une lente transformation intérieure ?

La fille du chaos arrive à petits pas, sans se presser.

Le commencement de la journée, un peu lourd, est gris lilas. Tiède.

Mon corps a oublié la chaleur d'août, la canicule.

Derrière le rideau, une faible pulsation, un tremblement très peu visible, mais à l'y regarder de plus près, ce n'est rien.. faut pas s'inquiéter, c'est le chat qui dort, qui respire un peu... beaucoup. Il rêve peut-être à l'ondée fécondante. La flamme jaillit de ses yeux amande ; imprudent, il se rendort, malin et pondéré, il guette chacun de mes mouvements.


***


Lové le chat philosophe rêve de la vie passée près d'Eleuis
félin indépendant  dépendant carnivore
chat commun vigoureux et musclé aux yeux chauds
je plonge dans ton regard profond et m'y baigne
intensément tapie au creux de ton épaule.
Je sculpte ton corps pelage-caramel allongé sur l'épaisse couette
abandonné confiant  aux tumultes extérieurs à la vitre
écran protecteur éclairé
par le zénith brûlant
tu tournes ta tête ronde
tes oreilles pointues écoutent le bruit sourd de la goutte qui suinte
le long du robinet fuyant les nouvelles
le monde catastrophe
s'évapore distant.
Tu fredonnes des airs mode dans la chambre à côté.
............"pourquoi  chantes-tu encore ce refrain d'hier... " ?
appuyant sur la touche "retourn"
je caresse ton pelage velours doux ignorant le rêve bleu dans lequel tu chemines
balancé gauche  balancé droite
tu tournes sur le lit en boule en long en rond ;
abandonnée dans la fureur des autres,
je repars dans le monde le long du stylo fin
acheté par tes soins
sur des feuilles jaunies recyclées naturelles
écologiquement bienfaisantes ;
le platane brûlé par l'été finissant
brille de tous ses feux
rejetant sur la vitre flamboyante des reflets platinés
patinés par le temps qui avance et lui confère sa nature profonde.
Je garde au fond de moi
le temps incomparable éternel et nouveau
déraisonnable enfin.

Le chat roulé en boule imagine et oublie en recevant la caresse que je prodigue encore
sans efforts attendant
moins le possible que le meilleur.

Je redoute bientôt que tu ne changes de place
refoulant l'orage gardé trop longtemps en moi
je finis par poursuivre ma course effrénée
dans ma quête immortelle vaguement morbide
je dissèque la pensée floue restée une fois encore
sur la feuille vierge immaculée d'espoir
je recherche la pensée égarée dans l'ailleurs
des autres, rêvée frivole, qui incite au plaisir
quand la raison se perd je fuis je pars vers d'autres monts
perdue incompréhensible
je pleure doucement pour ne pas déranger le supposé estival du chat dormant heureux ;

la vision futile s'éloigne hors du champ.

Den

Août 1998


***

9 commentaires:

  1. Ce Bobin en préface; cette écriture qui semble si simple et lumineuse, pourtant rien de plus compliqué que cette suite de métaphores filées...Et la tienne, croisées, une halte dans la visite des blogs amis pour savourer le poids du moment, le laisser fondre en bouche comme un bonbon...

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  2. ...Les mots de Christian Bobin se promènent comme une respiration, en douceur, voyagent sur les pages de ses livres en réel contemplé, .. et nos espaces virtuels en pur chant..
    "des mots qui s'offrent sans les artifices de la narration"..
    Bobin "capte la lumière qui émane de partout autour de nous"..
    Le lire, c'est surtout le relire en surlignant certains passages, en en recopiant d'autres, le lire à haute voix.. entre apercevoir ce que l'on n'a pas entrevu à la première lecture, comme un enfant s'émerveille de tout ou rien, comme l'eau qu'il balaie de ses deux mains par temps de canicule, le désaltère..
    l'enfance quittée, retrouvée.. j'ai reconnu la parole.
    "l'écriture n'a rien d'autre à nous dire que son propre effacement : ce que vous aimez n'est plus là, dans les bandelettes de l'encre, mais partout ailleurs dans le monde"...
    Nu et dépouillé, on se retrouve à lire intensément profondément ses livres-lumières.

    Merci ma chère Anne...
    bisous.
    Den

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  3. "l'enfance quittée, retrouvée.. j'ai reconnu la parole." C'est probablement cela l'art du poète en chacun de nous :-) Se laisser aller à dire à écrire le trop plein d'images et de rêves comme tu sais si bien le faire.

    Les commentaires ne sont accessibles sur ton autre blog, je pense que c'est voulu ?

    Bisous Den ! A plus tard !

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  4. ... Merci Fifi pour ton commentaire ...... que rajouter de plus ?
    toute cette lumière qui arrive jusque chez moi.... !
    Quant au(x) message(s) que tu souhaites rédiger sur mon deuxième blog "le crayon et la plume" j'en reçois... peu, mes j'en reçois... j'ai profité de vérifier mes paramètres... et mis un peu d'ordre dans les couleurs et les dispositions....
    Tu ne devrais pas avoir de problème.. Tiens-moi au courant..
    Merci pour ta fidélité - tu es mon 1er membre.
    Je t'embrasse.
    Den

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  5. Il se fait tard...mais avant d' aller dormir sous les étoiles , je viens déposer quelques bisous en te disant que tes lignes lues ce soir
    m' ont fait pleurer ...
    Tu écris merveilleusement bien dans le silence de tes nuits...
    Il est vrai que c' est un moment privilégié pour l' écriture , pour l' introspection aussi..Tu as besoin de nicher sur le papier tout ce qui est toi...Merveilleuse idée que celle du petit chat blanc qui lui , comprend tout en sachant lire avec les yeux de son coeur...J' ai connu ces regards là..ils vous transpercent...:-))
    Tu sais que je reviendrais bien sur pour le plaisir du partage..
    Merci pour Bobin , qui toujours nous emmène si loin....
    Plein de Bises rien que pour toi

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    1. ...Merci Mathilde... je ne voulais pas te faire pleurer... mais c'est vrai que parfois la lecture réveille en nous des silences si profonds qui mouillent les cieux .. là où sur la page noctambule, mon nid, mon abri, ma cachette, les mots bourlinguent, roulent bord sur bord comme par gros temps... je vais, je viens, je tangue et me rattrape au vol dans la nuit éclairée qui nous enroule de ses bras... ....sous les yeux de mon Caramel qui sait, savait tant, et si bien se nicher dans mes pensées, traverser mon regard égaré, dans celui de Bobin..
      Je t'embrasse, et te souhaite ma chère Mathilde, un dimanche tout doux...
      Den

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  6. Chère Den,

    C'est avec Melody Gardot qui chante dans l'art mots sphère si particulière de sa voix que j'ai eu envie de te lire encore ...( tiens je t'offre http://www.deezer.com/fr/artist/74289 ) tes mots se déroulent comme un tapis de paysages vécus ou rêvés, tellement présents dans la saison d'or que tu embrasses, que nous nous y roulons, avec ce plaisir renouvelé d'avoir la chance de partager tes carnets, dans ton antre doux, si riche et discret ...Merci pour tout ce que tu nous donnes, merci aussi pour la fraîcheur bretonne qui vient jusqu'à moi et m'ennostalgie si profonde aimant ...
    Je t'embrasse.

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    1. ..Merci ma chère Veronica pour ce beau cadeau chanté, offert... Melody Gardot... superbe ! merci.. dans "l'Art... mot... sphère"... son chant si caractéristique, modulé, avec ses inflexions variées typées, ..."elle n'est pas une simple voix de velours, mais un voix de femme qui coule gravement dans le temps et dans la nuit", jazzy....."une voix qui effleure les mots et les émotions"....déroulée sur le tapis de mes mots.. elle s'achemine dans le coeur demeuré si longtemps solitaire.. et ce soir je la réécoute suspendue à ses frissons là dans mon nid accueillant, en partage... merci ... et pour toi, j'ai choisi de t'envoyer par-delà l'étoile un coin de Bretagne que tu aimes tant et "profonde aimant" tu dis..
      bisous, bisous.
      Den

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Par Den :
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