lundi 2 septembre 2013

...* La fuite du temps....


..."Enfant, je m'interrompais brusquement dans mes jeux à la vue des nuages qui filaient.
Ils symbolisaient pour moi la fuite du temps. 
Je savais qu'ils ne reviendraient pas, du moins ceux que je regardais à cet instant.



Aussi, comme pour les arbres, les maisons, je faisais le serment de me souvenir.







Oui, je me souviendrais de l'enchantement et de la terreur que me procurait
ce que je prenais pour des voiles,


des grands pans de manteaux, cachant lé visage de créatures affligées,
j'en étais certaine.
Etait-ce cela le temps ? et le temps vous poussait sûrement vers un gouffre. 



Le ciel était trop immense. 
Comment choisir une étoile ?
Je pressentais que toutes ces interrogations domineraient ma vie.
Il me semblait que les réponses gisaient en moi.
Sous des tonnes de sable. Je ne comprenais rien à ce temps endormi.
Je sentais que quelqu'un  voulait me parler pour me transmettre, me transfuser, me transfigurer.
Quelle était cette présence enveloppante qui ne m'a jamais quittée,
mais dont je ne pouvais rien dire à personne ?
Un jour, à neuf ans, par une fenêtre ouverte, j'entendis une musique inconnue.
C'était le Requiem de Mozart.


Le passage du Lacrymosa. Je le sais aujourd'hui.
Mes larmes coulèrent.
J'eus la certitude que j'étais, moi aussi, une de ces créatures marchant dans ses voiles,
comme au ralenti, vers les limbes.



Je sentis la présence qui grandissait en moi et me tenait la tête hors du Temps".

Françoise Lefèvre
Le petit prince cannibale

***

9 commentaires:

  1. Enfant, j'adorais scruter le ciel et ses nuages, je les regardais se déplacer, former de jolis dessins, tantôt des formes d'animaux, de personnages...
    J'avais une imagination débordante :)
    Bonne journée Den !

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  2. ... j'adorais, et je continue d'aimer regarder et approfondir le ciel s'ennuageant majestueusement de petites brume blanches, bleutées, qui roulent et s'enroulent jusque dans le très-haut..
    quand le regard finit par abandonner, à regret, sa voilure de beauté parcellée..
    Merci pour votre passage.. un ange est passé ... sur la page matinale..
    Une bonne journée !!
    Den

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  3. bonjour Den; on retrouve F.Lefèvre.............mais le temps n'est pas endormi, il file comme les nuages; nous filons avec, il nous entraîne, nous ne sommes que des moments enfilés les uns aux autres et ces perles d'instants sont le collier de notre vie..Le collier finit par nos étrangler...................alors il faut regarder le collier comme quelque chose de beau, l'enfiler perle après perle, jour après jour, en sachant que le dernier tue................

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    1. ..Françoise Lefèvre, je l'ai découverte en 1975, avec la Première Habitude, Grand
      Prix des Lectrices de Elle, .. cette même année.. j'avais aimé sa plume épurée de tout artifice entre douceur et douleur.. "la nuit, le vent, les arbres, je les laisse me parler. Ce que j'écris, c'est ce qu'ils me disent". (Préface de "La Première Habitude") éditions Rombaldi - 1977)
      "Les mots sont aussi des demeures" (Préface de la "Première Habitude") éditions Rombaldi - 1977)... j'ai l'ai retrouvée en 2011, lors d'une foire à la brocante.. son livre disposé à mon intention.. je n'avais qu'à tendre les bras.. "le petit prince cannibale" que j'avais déjà lu... traite du douloureux problème de l'autisme.. j'ouvrais la première page :

      - "qu'est-ce que signifie apprivoiser ?
      - ça signifie créer des liens.
      Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé".

      Antoine de Saint-Exupéry
      Le Petit Prince

      ***

      et d'autres.... notamment "l'or des chambres".. magique !!
      Je t'embrasse Anne..
      Den



      **

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  4. ...Bonjour Anne, et merci pour ton commentaire.. effectivement tu as raison, le temps n'est pas endormi... il file trop vite, comme les nuages .. et nous avec eux... il nous emmène, nous emporte, bon gré, mal gré,...
    .... c'est très beau ce que tu écris... "nous ne sommes que des moments enfilés les uns aux autres et ces perles d'instants sont le collier de notre vie"... ...
    ....nous étrangler ? non je ne le crois pas.. si nous le voulons seulement..
    la parure est belle, fort belle !! perle après perle, jour après jour.. le dernier dis-tu tue.. ça nous le savons... c'est une réalité à laquelle il ne nous est pas vraiment possible d'échapper...inéluctable... nous préférons le plus souvent éviter de parler de ces interrogations métaphysiques, ces questionnements... éluder cette dureté difficilement acceptable.. alors plutôt l'accepter, et l'intégrer dans notre vie.. puis... c'est à chacun de voir ... croire ou ne pas croire à l'après... donner un sens à sa vie ou pas... !
    bon après-midi Anne.
    Je t'embrasse.
    Den

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  5. Que de jolis symboles échangés ici...:-)
    Comme toi j' aime beaucoup Françoise Lefèvre même si souvent elle me rend triste , car je retrouve avec elle des sentiments qui me font peine et que je garde un peu enfouis , sinon...aïe..:-((
    Bonne nuit Den

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  6. ..ils sont les marques particulières qui dessinent quelque chose d'autre, par association, ressemblance.. cherchant le sens, la signification, ... la référence de l'objet désigné.. les symboles ils sont...
    Françoise Lefèvre.. comment ne pas aimer son écriture si pure.. ses mots si poétiques .. elle parle avec justesse des sentiments,... rondeur des sensations..
    ... (...) "Un point. Un autre point.
    Un mot. Un autre mot.
    Froissement de papier. Deux larmes affleurent.
    Je vois tout en cristal. Vie, tu es là"....(...).. elle ne me rend pas triste à sa lecture, .. elle entre dans mon silence avec sa plume épurée de tout artifice.., elle exprime l'inexprimable.. "un écrivain de race, sans un ligne inutile ni égarée, dont la voix porte et s'ouvre à l'infini" écrit Pierre Perrin..
    des mots qui surgissent du plus profond d'elle-même, de l'absence, et s'emportent sur la page en caresses vibrantes..
    Sur les chemins de la nuit qui frappe à ma fenêtre, je t'embrasse.
    Den

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  7. Dès les premiers mots lus, j'ai cru qu'ils étaient de ta plume.
    Ce texte semble être cousu pour toi, ourlé juste ce qu'il faut pour retenir l'essentiel de ton songe du jour.
    "Les mots sont aussi des demeures"...
    Ce titre invite le lecteur a de suite franchir le seuil du livre.
    Mais tu as, toi, des fenêtres plein les murs que l'on aime, avec toi, ouvrir...
    Je te les souhaite toutes ouvertes sur une belle journée.
    A tes envols du jour,
    Lydaine.


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    1. Merci ma chère Lydaine.. "cousu par toi, ourlé juste ce qu'il faut".. quel beau compliment. J'aurais bien aimé écrire de cette manière.. C'est Françoise Lefèvre qui en est l'auteur.. et quelle écriture !!
      .. aujourd'hui mes fenêtres ne seront qu'entre ouvertes, car le mistral souffle en rafales violentes.. Demain, sûrement... le vent se sera assoupi.. j'espère la fuite du vent..
      De gros bisous.
      Den

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Par Den :
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