lundi 26 janvier 2015

....*Ecrire.........................




"Quel bonheur que d'écrire, quel bonheur que de pouvoir, la nuit, souvent la nuit, s'introduire en soi et dépeindre ce qu'on y voit, ce qu'on y sent, ce qu'on entend que murmurent les souvenirs, la nostalgie ou le besoin de retrouver intacte sa propre grâce évanouie, évanouie dans la réalité  mais bien vivante au fond de soi, vivante au fond de soi et éclairée au loin comme une maison dans la nuit, une maison vers laquelle on laisse guider ses pas, seul, conduit par la confiance, l'inspiration, ses intuitions renaissantes, par le désir de rejoindre cet endroit qu'on voit briller au loin dans les ténèbres, attirant, illuminé, en sachant que c'est chez soi, que c'est là que se trouve enfermé, au fond de soi, ce qu'on a de plus précieux, son être le plus secret....(...) Les mots sont si gentils, étonnamment dociles et bienveillants, ils se laissent si facilement entrevoir et cueillir, je les ordonne sur le papier à la faveur de phrases que je trouve belles, qui se révèlent spontanément au fur et à mesure que j'avance, révélant à moi-même mon propre corps empli de sensations et de forces. Elles se révèlent à moi, ces phrases, comme un paysage le long d'un chemin, il me suffit d'ouvrir les yeux, les phrases sont là dans mes pensées et je les note, je les laisse s'inscrire d'elles-mêmes sur la page, il me suffit d'être en alerte, disponible, tout entière tournée vers ce qui se passe en moi quand je marche et écris, quand je marche en moi-même et laisse tomber les mots de cette cueillette sur le papier comme si j'étais de nouveau la jeune fille que j'ai été jadis, pleinement dans mon corps, pleinement dans la langue, pleinement dans les mots, pleinement dans mon être : car je ne suis jamais autant moi-même et dans mon être, et dans ma vérité, qu'à travers les mots, les phrases, les livres, les grands auteurs et leur génie de la verbale et tranchante fulgurance. Il faudra sans doute un peu élaguer dans ce que je viens d'écrire, je me répète à plusieurs endroits mais ce n'est pas grave, l'important c'est de se sentir mordue de l'intérieur par l'envie d'écrire, mordue et attrapée et entraînée par l'écriture comme par un animal qui me tiendrait prisonnière de ses crocs, quitte à en faire un peu trop et à aller et à aller trop loin, à crier de douleur sous l'emprise de cette mâchoire impérieuse, ce n'est pas grave. Après toutes ces années de sécheresse intérieure, je ne vais pas me plaindre que mes écrits soient trop baroques"...... (..)

Eric Reinhardt
L'Amour et les Forêts


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