"Mon père s'occupait de l'arrosage du jardin. Je l'accompagnais et nous trouvions que c'était une occupation très apaisante. Si nous avions de la chance, le courlis venait chanter après le coucher du soleil. C'était un drôle d'oiseau, haut sur pattes, avec un plumage beige tacheté de gris foncé. Il avait de gros yeux jaunes et une expression mélancolique. David me l'avait montré dans son guide, c'était très difficile de le voir de près. Il chantait de préférence les nuits de pleine lune et de gelée blanche.
Nous nous asseyions sur le perron à attendre et David nous rejoignait. Sous la couverture de l'obscurité, le courlis commençait son récital. Son chant ressemblait aux notes d'une flûte, elles montaient en ton et en volume dans un bel arpège mineur. Puis il chantait deux notes montantes suivies par une dernière qui disparaissait dans un glissando descendant.
Quelques temps auparavant, ma mère avait écrit un poème sur le chant de cet oiseau. C'était pendant la dernière visite de Ray, il l'avait aidée à trouver les mots qu'elle cherchait et ils avaient travaillé ensemble avec une complicité remarquable. Ensuite elle avait envoyé son poème à la revue "The Bulletin" et c'était pendant la période de son absence qu'il parut enfin. Nous étions tous heureux de le voir, pensant au plaisir qu'éprouverait notre mère en rentrant" :
"Courlis dans la Nuit"
"Pieux oiseaux en noir et blanc
Et cacatoès blanc comme la neige
Ecoutez le cri strident
Du pauvre courlis fou
Qui suit un chant torturé
Pa la peine, le désespoir
Dans un sauvage crescendo qui
Gagne la lune puis revient à terre
Gentils oiseaux, chantez en choeur,
Aux heures tranquilles de midi,
Evitez le mécréant tacheté
Et la lune source de malheur"
"C'était le chant d'oiseau préféré de mes parents. Je le trouvais très beau, mais si triste ; il me donnait la chair de poule.
Moi, j'aimais mieux celui des pies. Il fallait faire attention durant la saison de la nidification, car elles défendaient leur territoire et leur progéniture avec zèle. Maintes fois nous avons été attaqués en passant innocemment sous les arbres où elles avaient leurs nids. Les pies arrivaient avec un grand claquement d'aile noir, visant directement nos visages avec leurs becs et leurs griffes. Pendant cette époque il valait mieux porter de grands chapeaux en se promenant.
Malgré la terreur qu'elles m'inspiraient, j'adorais entendre leur chant. Il résonnait parmi les eucalyptus comme des notes émanant d'un carillon éolien. Alors on pouvait tout pardonner, leur apparence ordinaire et même leur agressivité".
Juliet Schlunk
Rosenthal, une enfance australienne
Collection main de femme
Editions Parole
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Par Den :
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