lundi 30 novembre 2020
Gary Jules - Mad World (live)
samedi 28 novembre 2020
*Et pourquoi moi je dois parler comme toi
Elle est comédienne et vient de faire paraitre "Et pourquoi moi je dois parler comme toi", une constellation de textes écrits par des hommes et des femmes relégués dans les marges des institutions psychiatriques. Anouk Grinberg est l'invitée d'Augustin Trapenard.
La comédienne Anouk Grinberg au Musée Granet à Aix-en-Provence en juin 2019 © Maxppp / Serge Mercier
Elle vient de faire paraitre Et pourquoi moi je dois parler comme toi, une constellation de textes écrits par des hommes et des femmes relégués dans les marges des institutions psychiatriques. Anouk Grinberg est dans Boomerang. (Augustin Trapenard) (émission du 27 novembre 2020) France Inter
(à la folie)
"La vie fait de l’effet. Il faut l’encaisser, et parfois, on n’y arrive pas. Elle déglingue les gens. Il y a un droit très restreint à la singularité, et on finit par dire des gens différents qu’ils sont fous."
"Je suis née d’une femme qui avait un rapport difficile à la vie. On l’a mise dans des endroits pour fous. Je ne l’ai pas aimée, je n’ai pas réussi. Maintenant qu’elle est morte, j’ai fini par arrêter d’avoir honte d’elle, et de moi venant d’elle."
"C’est comme s’il y avait constamment en moi une bagarre, qui peut parfois être une danse, entre les forces qui veulent se replier et celles qui veulent se déployer."
"Tous les textes que je réunis sont de l’art brut. Ce sont des gens qui ont été décrétés fous. Mais certains, au lieu d’être abattus, ont fait de leur esprit une fête, se sont libérés par un langage qui est poésie à l’état pur."
"Moi, comme pour les gens dont je parle, personne n’a le droit de dire qu’on me connaît. En moi, oh la vache, c’est un bordel ! Mais laissez-moi être un oiseau, sinon je meurs. Il me faut de l’art sur la terre !"
"C’est comme si tous les humains se disaient : pour survivre dans ce monde, il faut que je sois masqué. Parce que si on voit mon vrai visage, on risque de me juger, de m’abîmer..."
Prologue :
..."Ma vie était comme ça. Une petite femme fine, intelligente, mal adaptée à la vie bourgeoise. Elle aurait voulu peindre, et elle a été mère, épouse. Comme beaucoup de ces auteurs, elle avait reçu en héritage, trop de sensibilité, et parce qu'elle n'a pas trouvé le courage d'être elle-même, ses forces se sont retournées contre elle, et c'est devenu le désespoir. Elle n'a pas su dire non à la famille qui faisait une croix sur ses désirs, elle n'a pas su dire oui à la petite voix qui devait lui parler tout bas, et elle est descendue marche après marche dans le malheur, comme dans un refuge où on n'irait plus la chercher. On la mise dans des endroits pour fous, le désespoir a prospéré avec sa litanie de délires, alors qu'elle était une lumière sur cette terre. Jusqu'à sa mort j'ai vu les gens ricaner sur son passage, la singer derrière son dos, ou l'aimer avec pitié, ou ne pas l'aimer parce qu'on n'aime pas ce qui ressemble à la folie, même quand ce n'en ai pas.
Je ne l'ai pas aimée. Je n'ai pas réussi. J'étais de la famille humaine qui se détourne.
Maintenant qu'elle est morte, sa souffrance a enfin cessé, et a cessé de me transpercer. J'ai fini d'avoir honte d'elle, et de moi venant d'elle.
On ne sait jamais bien pourquoi certaines oeuvres nous rattrapent, quelles parts de nous elles réveillent. Par un grand détour, ce sont ces hommes et ces femmes qui m'ont conduite vers cette mère, cette femme, et si j'ai négligé de son vivant toutes ses lettres affamées, je suis heureuse d'être aujourd'hui passeuse de ces textes jamais lus.
Ces êtres à fleur de peau parlent de nous tous - car qui donc est normal ?, et parlent dans des langues qui méritent une vraie place dans la littérature, pas seulement celle des fous.
Leurs textes ont exprimé les surréalistes et bien d'autres auteurs reconnus, qui se sont fouillés les méninges pour atteindre leur liberté.
Les voilà réunis dans ce livre, dédié à tous ces lumineux que le monde ne doit pas oublier.
Anouk Grinberg
jeudi 26 novembre 2020
*L'or céleste orangé
..* L'or céleste orangé...
Soleil rentré. Soleil couché.
Sans envie, sans désir.....
Suis dans l'attente de jours heureux.
Le mur en face de la fenêtre est gribouillé de graffitis d'enfants, ou jeunes adolescents en quête d'amour eux aussi.
Septembre, le 26.
Ses pampres et ses cornes d'abondance sont débordantes de fruits mûrs.
...
Je rentre de voyage. Merveilleux.
J'ai ramené dans mes bagages des figues, des oranges (mais ce n'est pas une demande en mariage !), du jasmin-roi et du sable doré pour me souvenir, et une pierre d'amour.
Toute la beauté du monde.
J'ai signé.
...
7ème jour de la perfection d'octobre.
...
Mon Amour.
Dimanche. Je désire établir pacte avec vous, et l'être subsistant. Je voudrais oublier le passé.
On nous l'a chapardé. Ce n'est pas juste.
Peut-être pourrions-nous danser ce mois-ci à la pleine lune devant la porte de notre maison où tu auras suspendu des figurines d'armoise.
C'est signé, moi.
... et nous nous sommes retrouvés sous l'arcane majeur, le temps vivant, et nos corps se sont enlacés comme avant.
Ils se sont reconnus. On n'oublie pas l'odeur de l'autre. Mais il y a toujours une petite parcelle qui ne veut pas fonctionner.
Et l'engrenage se rouille, et la machine a des ratés, et ça marche et/ou ça fatigue.
L'amour se déroule à un rythme de tortue. L'esprit a le temps de penser.
J'avais oublié.
... ça ne marche pas à tous les coups l'amour ! il faut réapprendre certains gestes, certains filtres magiques ou breuvages herbés jusqu'aux pépins de fruits.. je te flaire, mais je ne sens pas. Je te regarde sans te voir vraiment, comme à travers un sas.
Tu fais la tête, légèrement crispé.
Dénuement complet. L'amour s'est essoufflé.. il a besoin de changer d'air, d'en reprendre une bouffée.
...
... et de nouveau, je m'enfuis, loin de toi.. de nouveau je me tire, de nouveau je fais la malle dans ma tête.
D'accord pour la cavale, mais sans toi, mon Amour. Je m'escapade, seule sur mon manuscrit, à l'abri de toi, seule, là le cercle se referme sur les soucis, à l'abri d'eux.
J'ai monté un rempart entre toi et moi.
Me voilà sauvée.
Âpre joie.
...
le 10 octobre.
Le Dieu des vendanges se fatigue lui aussi après avoir transformé en une subtile alchimie les raisins mûrs en un breuvage sacré, véritable nourriture spirituelle initiatrice de la connaissance et de l'immortalité.
...
Les mots ne passeront pas la frontière.
Ils sont dans le livre, abrités.
Sauvés les mots.
Sauvée.
Den
Année 1998-1999
...
samedi 21 novembre 2020
*Plume
Douce affinée
Céleste poétesse
Du visible azuré
Murmuré
Au-delà du perceptible du connu de l'inconnu
Tu voles dans l'immensité qui touche l'âme
Dans l'illimité de l'abord de l'intime
En avant du temps
De l'infini du champ
A la pesée du coeur
Tu danses.
Tu sais l'après-vie, tu couches le soleil sa lumière son ombre
Ange du précieux du profond
De l'imaginaire
De la belle plume
Du bel écrit la messagère.
Den
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jeudi 19 novembre 2020
*Rougeoiement
Le rougeoiement des branches
Comme des braises de feu
Illumine la page et s'épanche
Embrasé
Sur le jour scintillant.
Le rouge à la sève des choses sucrées
Divin sacré
Aimant.
L'émeraudine emmitouflée
Le corindon et son saphir
Son rubis rare étincelle
Eclatant.
Chantant
Comme sa flamme crépite
Et grille le fusain de l'âtre
Entre brindilles et sarments.
Brûlant
L' amour accroché
dans le miroir du ciel aux yeux pâles
où le rêve est haut.
Dans le souffle esquissé de l'alizé
qui se perd réanimé.
Den
*Dans un grain de sable, un pétale de fleur
Auguries of innocence
(Présages d'innocence)
....Ecrire si beaux les mots de l'instant et de l'heure qui se reposent ... nous emmener avec eux sur les chemins de traverse occupés à regarder, , et partir haut dans des envolées lyriques quand le peu occupe l'espace, emportant ainsi la vie divertissante dans ses plus belles couleurs...le p'tit le sait d'instinct, comme le sage.. n'est-ce pas ? quand la page appelle et convie à découvrir l'infini dans les plus petites choses..
Den
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lundi 16 novembre 2020
dimanche 15 novembre 2020
samedi 14 novembre 2020
*Colette
"Peut-être que tu dis, pendant que je tremble sur le seuil retrouvé" : "Ce n'est qu'une vieille maison..". " Entre. Je vais t'expliquer".
Colette
Citation extraite de "Dimanche".
Le Voyage égoïste" - 1928
La maison de Colette : une mémoire à sauver
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Lors de son ouverture en avril-mai 2016


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mercredi 11 novembre 2020
*Pas même le bruit d'un fleuve (2)
"Simone aime ces instants où elle sent son corps s'engourdir. Puisque l'eau ne connaît pas le temps, il cesse alors de s'écouler. Elle ferme les yeux et synchronise machinalement le mouvement de ses bras à celui de sa tête qui se tourne tantôt vers la droite tantôt vers la gauche, elle respire au moment où son bras passe juste au-dessus des eaux et revient claquer contre les vagues.
Elle nage, et tant qu'on nage, se dit-elle, on ne peut pas se noyer. Elle aime sentir que chaque séquence éloigne un peu plus les pensées, car on ne pense pas lorsqu'on nage, il y a trop de mondes - celui du tumulte et de la beauté, celui du vide qui happe et du plein qui soutient - , trop de mondes pour que celui de la pensée puisse s'immiscer.
Combien de temps dure la nuit ?
La marée est haute, les vagues fortes. Mais Simone ne les voit pas, elle nage, ses jambes marquent une cadence régulière, et lorsqu'une vague survient au moment où elle ouvre la bouche pour respirer, elle recrache sans effort l'eau salée qui goûte les larmes, goût ce vide qu'aucune mer ne pourrait noyer. Elle nage - il n'y a pas de rive à atteindre, se dit-elle, c'est bon d'être un moment libérée, de ne plus lutter contre les courants qui font basculer, d'agiter les bras et les jambes sans réfléchir, et de s'en remettre à l'aiguille du temps qui tourne, quoi qu'il arrive. A moins que ce soit cela, vivre, entrer dans le courant sans contourner les récifs et les hauts-fonds, sans éviter les pierres que la marée aura tôt fait de projeter sur la grève ? Le ciel est parfois une consolation, lorsque aucun oiseau noir n'en raye la surface, ce bleu devient un refuge auquel la terre se raconte et
parfois elle paraît attendrie
qu'on l'écoute si bien,
alors qu'elle montre sa vie
et ne dit plus rien.
Simone lève la tête. A travers le brouillard léger qui frissonne au-dessus des eaux, elle croit apercevoir quelque chose, une barque ou peut-être un rocher, un de ces rochers difficiles à percevoir et qui écorchent les coques des bateaux téméraires.
Vers quelle île suis-je en train de dériver ? se demande-t-elle. Une île où l'on n'existe plus vraiment, où l'on cherche un point de clarté au milieu de la nuit, une source vers laquelle on est ramené, un rivage qui pourrait être un début du monde ou de notre propre existence, le rien qui cogne sur le rien et engendre des millénaires, quelques atomes au creux du néant, et cela suffit pour que la vie commence".
Hélène DORION
Pas même le bruit d'un fleuve
Alto
mardi 10 novembre 2020
*Îles
Îes Eparses vous ouvrez mes yeux
Glorieuses idylliques sur les chemins merveilleux
Vos plages sur les bancs de sable fin, rieuses
Chaudes immaculées
Miettes de corails, ilots de coraux,
Des mers et leurs joyaux,
Leurs coquillages, trésors ou épaves
En votre coeur plein de mystères....
Petit morceau de France, infimes confettis
Pastilles préservées
Aux eaux turquoises remplies d'énigmes calmes
Fantasques
Requins gardiens des mers, tortues de l'océan indien
Lointain
Poétique,
Mythique,
Refuge onirique,
Symboles du Vide et du Néant
Je pars avec toi, vous, l'équipée marine
Je me sépare de mon côté coumarine
De mon quotidien,
Je vous contemple, mer et ciel, lagon,
Le bleu l'horizon,
Le port est bon
Là où les oiseaux vagabondent
Quand l'onde pousse l'onde
Veilleurs des chemins de ronde.
L'aube relève son cap, s'allonge
Une perle au soleil couchant,
Au soir tombant.
L'écriture est fragile
Le bateau dort, avance dans la nuit du bout du monde
Il ressent les heures cosmiques
Attendant le soleil après l'astre de miel
Dans l'immanence du temps présent
"Où tout est intérieur à tout"
Qui n'oublie pas l'ancre de l'utile du vivant
La course frénétique
De l'élan du vent.
Den
lundi 9 novembre 2020
*Pas même le bruit d'un fleuve (1)
"Combien de jours vivrons-nous ?
La question est aussi brutale qu'incongrue ? Si on l'esquive, les années peuvent s'égrener sans qu'on les voie. A la fin, il ne resterait que des heures qui ont glissé comme l'eau d'une rivière rejoint le fleuve, rejoint la mer, et ne laisse aucune trace de ce passage.
Je ne crois pas que ma mère se soit jamais posé cette question. Chaque jour semblait pour elle un exercice de survie. Entre les moments où je la voyais accomplir les tâches de la maison, ceux où elle paraissait joyeuse avec ses amies, ou les autres où, avec mon père, c'était la guerre, il lui arrivait de s'arrêter, de fixer le vide comme un ailleurs qui l'aspirait. Si j'essayais alors de lui parler, je butais contre son absence. Le visage de Simone me devenait étranger, ce n'était plus ma mère qui était là, mais une inconnue. Encore aujourd'hui, je ne peux dire que je connais toute l'histoire.
Mais sait-on jamais la vérité entière de nos parents ?
KAMOURASKA, 1949
VIVRE, C'EST SUIVRE LES TRACES DE L'ENFANT QU'ON A ETE
A cette hauteur du fleuve, l'horizon est sans rivage. On peut dire la mer. Ici, les tempêtes nous dérobent le ciel, et parfois même nos rêves.
Comme les arbres, dont les branches sont d'inextricables enchevêtrements, poussent en emprisonnant d'autres arbres, chaque histoire se fraie un chemin entre la vie et la mort. On n'en devine jamais toutes les racines et les points de vacillement qui font qu'elle casse. Ou bien elle ne casse pas et se rapproche des étoiles qui l'éclairent légèrement. Nous ne sommes pas très différents de ces forêts clairsemés d'arbres hauts semblables à des amas d'ossements qui défient le ciel, mais peuvent d'un moment à l'autre se disloquer.
Nos racines courent sous le sol, invisibles, impossibles à déterrer toutes. On peut essayer d'en arracher une, espérer qu'elle nous mènera vers une autre qu'on pourra dégager, elle aussi, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on perçoive un sens à cette histoire, qu'on appelle notre vie .
Simone s'avance sans hésiter dans l'eau glacée. Elle sait qu'il n'y a pas de seuil, on n'y pénètre que brutalement, ses pieds s' enfoncent dans le sable froid, elle affronte les premières vagues, et avance encore, jusqu'à ce que l'eau atteigne ses hanches. Alors elle plonge. Ce n'est qu'après un long moment qu'elle émerge à la surface pour respirer.
Combien de temps dure une nuit ? se demande-t-elle avant de se laisser glisser dans l'eau sombre. Rien ne fait peur à ceux qui ont tout perdu. La mer devient une cage d'obscurité. Mais Simone ne craint ni le froid ni le noir qui durera peut-être. Bientôt ses mains toucheront les algues et la boue, elle descend encore et croit retrouver le tableau accroché dans le salon de la maison familiale qu'elle regarde si souvent, persuadée que cette oeuvre, le rêve des profondeurs, lui apprend à mieux voir, à mieux saisir les mouvements de la vie contre lesquels elle se débat, les formes qui se dissolvent et en recréent aussitôt de nouvelles - c'est donc ainsi que l'on peint, ainsi que l'on doit vivre, se dit-elle, en fixant le vaste désespoir qui se déplace en elle, et avale lentement tout le bleu".
(....)
Hélène DORION
"Pas même le bruit d'un fleuve"
(alto)
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samedi 7 novembre 2020
vendredi 6 novembre 2020
*L'automne
L’Automne
Sois le bienvenu , rouge Automne,
Accours dans ton riche appareil,
Embrase le coteau vermeil
Que la vigne pare et festonne.
Père, tu rempliras la tonne
Qui nous verse le doux sommeil ;
Sois le bienvenu, rouge Automne,
Accours dans ton riche appareil.
Déjà la Nymphe qui s’étonne,
Blanche de la nuque à l’orteil,
Rit aux chants ivres de soleil
Que le gai vendangeur entonne.
Sois le bienvenu, rouge Automne.
Théodore de Banville (1823-1891)
Les cariatides