Léon, comme tant d'autres jeunes hommes, est mobilisé bien que père de famille.
Il part ; il est fait prisonnier.
A l'arrière d'une colonne, avec d'autres soldats, ils observent l'ennemi.
Léon est retranché dans un fossé.
Un obus est passé. Un sifflement, puis deux... puis une détonation, puis deux...
Ce n'est pas loin.
On dévale le talus jusqu'au fond du fossé, apeuré par tant de misère, de cris et de douleurs.
L'ennemi jette une grenade qui explose non loin de là.
Les silhouettes des poilus sont frêles, voûtées, tourmentées par l'éloignement et la solitude.
On vit la guerre, on a peur pour soi, pour sa famille, on brûle des cartouches ; on ne rechigne pas à la tâche, comme des millions d'autres soldats ; on prend des ordres, on obéit.
Des cadavres s'amoncellent chaque jour un peu plus, recouverts de terre. Ensevelis ou pas.
Il fait chaud, on a soif. La chaleur, la peur inondent leurs fronts.
Deux nuages noirs dominent leurs têtes, au-dessus des tranchées.
Demain matin, il y aura du café, un vin trop glacé à même le bidon, et du pain trop dur.
On se traîne.. on avance de trou en trou.
On ne montera pas le talus.
A Douaumont, les bombardements sont nombreux.
Les obus tombent drus. Léon reste allongé ou en position du foetus, au fond du trou.
Les obus le suivent, criblent la terre, obstruent les oreilles.
Une torpille à fusée retardée s'enfonce loin en terre où elle éclatera en un cratère énorme détruisant par chance pour Léon, d'autres abris, d'autres tranchées.
Une grêle de balles s'abat dans les branchages. Plus de branchages.
Une main tendue qui demeure fébrile cherche les baisers de sa femme et de ses petits enfants. Léon réconforté par cette attente, serre les dents.
La tranchée est hérissée de fils de fer barbelés auxquels restent accrochés longtemps des lambeaux d'étoffe de couleur claire, bleue, rouge ou grise.
C'est la guerre.
Aujourd'hui, il a plu, et la boue est partout. Dans les godillots, les poches, les sacoches. Gluante, marron clair est la boue.
Les pieds des soldats les font horriblement souffrir, couverts de salissures et d'ampoules.
Le ventre est vide et crie famine.
Verdun.
Sa bataille s'étend du 21 février au 19 décembre 1916.
***
Le gris du temps se répand sur la page de l'autrefois abreuvé de discours, et recouvre toutes les choses de la vie, même les plus moches, et les effiloche.
Je glisse, et je longe l'allée dans une lumière bleutée-rosée-mauve-pastel, et j'accroche à nouveau mon regard sur une couleur soudainement redevenue vive.
Une photo se fige sur un papier glacé brillant de mille feux.
Je marche vers le bonheur.
Profondeur du coeur.
Den
-=-=-=-
***
En tes lignes qui relatent les horreurs de la guerre , je retrouve la même atmosphère qu' à la lecture des " Croix de bois " de Dorgelès...
RépondreSupprimerQu' est-ce que j' ai pu pleurer...:-((
Il ne faut pas oublier...mais comme l' a fait ta Camille ...il faut toujours avancer vers un monde peut-être meilleur..
c' est à chacun de le construire..?
Bisous Den
N'est-ce pas ? ... et quand ils ont eu la chance de rentrer, vivants, à la maison.. la vie n'a pas de prix... et toujours avancer vers le meilleur qui puisse...
RépondreSupprimersans jamais oublier !
Bisous du soir Mathilde