Un si grand désir de silence - Anne Le Maître

 

 

Peut-être devons-nous parler encore un peu plus bas,

De sorte que nos voix soient un abri pour le silence ;

Ne rien dire de plus que l'herbe en sa croissance

Et la ruche du sable sous le vent.

Jacques Réda

"La voix dans l'intervalle",

Amen,  Paris, Gallimard,

1968

 

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Introduction

 

Le silence,

un mot difficile à entendre

 

"C'est un pays qui compte  plusieurs portes.

A chacune son chemin d'accès, sa serrure et sa clé. Peut-être- qui sait - y a-t-il autant de chemins

qu'il y a de promeneurs pour les arpenter.

J'écris ces lignes à l'ombre d'un chêne et de deux eucalyptus,  au bord d'une rivière qui se prend déjà pour la mer dont elle épouse les marées,  et la mer en retour épouse chaque méandre, chaque virevolte du cours d'eau.

Rivière ou mer, eau douce ou eau salée, terre ou ciel, au reste on ne sait pas ; vase grise où court le reflet des nuages, ciel d'azur où glisse un voilier  silencieux, pré-salé piqué de coquillages. Un entre-deux. Un lieu frontière, un lieu de confrontations, de rencontres et d'épousailles, pétri de vent et de silence.

En cette marge, une abbaye. Voici  plus de mille deux cents ans (avec quelques éclipses), qu'on y sonne les cloches, qu'on y chante les heures, et ces bruits-là sont encore une belle manière de faire silence. "Ecoute, ô mon fils, les préceptes du Maître et prête l'oreille de ton coeur..." : le pays dont je vous parle, ce pays où je me tiens aujourd'hui, ce pays où je reviens sans cesse, sans le vouloir parfois et parfois mue par un profond désir, ce pays-là, c'est le silence.

L'absence de brouhaha, de tumulte, de vacarme, d'agitation. Le pays du coeur calmé, du pas alenti, du bavardage éteint. La chute d'un feuille, le vol d'une aigrette, le clapot du ressac sur la vase tandis que l'eau se retire attirée par la lune muette : tout y fait évènement.

Tout peut surgir de ce silence-là,

Tout peut advenir". (...)

Anne Le Maître

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