lundi 22 février 2016

*"A Tu et à Toi"....................





à Tu et à Toi.........

Toi qui n'es rien ni personne
toi
je t'appelle sans te nommer
car tu n'es pas le dieu
ni le masque scellé sur les choses,
mais les choses elles-mêmes 
et davantage encore : leur cendre, leur fumée.
Toi 
qui es tout, 
qui n'es plus, qui n'es pas :
peut-être seulement
l'ombre de l'homme 
qui grandit sur la paroi de la montagne 
le soir.
Toi qui te dérobes et fuis
d'arbre en arbre
sous le portique interminable
d'une aurore condamnée
d'avance.
Toi
que j'appelle en vain
au combat de la parole 
à travers d'innombrables murmures
je tends l'oreille
et ne distingue rien.
Toi qui gardes le silence 
toujours
et moi qui parle encore 
avant de devenir sourd et aveugle 
immobile muet
(ce qui est dit : la mort),
Je vais  hors de moi-même en tâtonnant
cherchant ce qui peut me répondre,
"toi",
peut-être simplement
le souffle de ma bouche 
formant ce mot.
Toi
je te connais je te redoute 
tu es la pierre et l'asphalte 
les arbres menacés
les bêtes condamnées
les hommes torturés.
Tu
es le jour et la nuit
le grondement d'avions invisibles 
pluie et brume
les cités satellites
perspectives démentes 
les gazomètres les tas d'ordures
les ruines les cimetières
les solitudes glacées je ne sais où.
Tu
grognes dans les rumeurs épaisses des autos des camions des gares dans le hurlement
des sirènes l'alerte du travail les bombes pour les familles.
Tu 
es un amas de couleurs 
où le rouge se perd devient grisaille
tu es le monceau des instants 
accumulés dans l'innommable,
la boue et la poussière,
Tu ne ressembles à personne 
mais tout compose ta figure.
Tout :
Le piétinement des armées 
la masse immense de la douleur
tout ce qui pour naître et renaître 
s'accouple à l'agonie,
même les prés délicieux 
les forêts frissonnantes 
la folie du soleil  l'éphémère clarté 
le roulement du tonnerre les torrents,
tout.
cela ne fait qu'un seul être 
qui m'engloutit ; je vais du même pas
que les fourmis sur le sable.
Toi 
je te vois je t'entends 
je souffre de ton poids sur mes épaules
tu es tout : le visible,
l'invisible.
connaissance inconnue
et sans nom.
Faut-il parler aux murs ?
Aux vivants qui n'écoutent pas ?
A qui m'adresserai-je
sinon à un sourd
comme moi ?
Tu
es ce que je sais,
que j'ai su et oublié,
que je connais pourtant mieux que moi-même,
de ce côté où je cherche la voie
le vide où tout commence.

Jean Tardieu

****









12 commentaires:

  1. Bonjour Den, merci pour tes textes intéressants, tes photos qui le sont tout autant.Bonne nouvelle semaine!

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  2. Superbe, à méditer! Merci pour ce beau partage! Bise et bon lundi tout en douceur!

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  3. Merci chère Den de ce magnifique texte très touchant. Il prend le coeur!
    De belles photos aussi. Merci.
    Reçois toute mon amitié et de gros bisous ♥

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  4. Encore un texte qui prend dans les viscères ........

    Même partie de tes pages, elles continueront encore à me hanter ....

    Tout ce que je viens de lire aujourd'hui chez toi est SI fort !!!! MERCI.

    Châle-heureuse-aimant : sabine

    Peut-être me retrouveras-tu encore tout à l'heure, assise derrière l'arbre ....(celui de ta bannière ...)
    Je n'ai toujours pas acheté le livre dont tu parlais (enfance australienne...). Je suis dans un "tourbillon de livres", ils vont me rendre folle !

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    1. ...Habitée, généreuse... elle tend et parvient à graviter vers l'essence-ciel ... Hélène Dorion ... "je crois que pour moi la poésie répond à une sorte de désir d'intensité, de présence pure qui permet d'être totalement à l'intérieur des choses à l'intérieur des êtres"...
      Merci Sabine.... bonne lecture à venir avec Hélène...qui est Québécoise ou avec Juliet, qui est Australienne...
      Un doux week-end à venir...
      J'ai du retard avec mes commentaires... excuse-moi !
      bisous.
      Den

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  5. Folle, ai-je dit ?

    "La folie n'est-elle pas le soleil des sages" ? N'en cherche pas l'auteur, c'est moi !

    Bisou

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  6. De Jean Tardieu, je connais mal la poésie. Je connais plutôt ses pièces de théâtre.

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  7. Nous cherchons, nous cherchons sans cesse
    un signe, un écho,
    le murmure du vent qui acquiesse
    dans les feuilles de bouleaux
    le grondement du gave en Ossau
    le bruit de nos pas sur les feuilles mordorées
    la voix invisible de l'arbre nu
    le flop-flop de la boue
    sous le pas des chevaux
    l'immense bavardage de la mer
    au bord des plages vides
    Nous cherchons une parole
    une réponse
    nous Le cherchons
    est-il possible
    que du ha!ut de sa grande sagesse
    de son pouvoir infini
    il ne nous fasse pas signe
    sommes nous plus petits qu'un grain de sable
    sommes nous si aveugles, si sourds
    si insignifiants ?
    Qui répondra à nos pourquoi ?

    Marine D

    Merci Den pour ce texte magnifique qui, avec talent, vient en un parallèle à mes questions, à mes doutes, à ces interrogations que chacun sans doute se pose ?

    Pensées du jour

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    1. oui....toujours dans le questionnement métaphysique, les interrogations... nous cherchons, nous cherchons encore et toujours.... trouverons-nous un jour "une parole, une réponse, à nos pourquoi" ?
      merci Marine pour ton poème... je l'aime beaucoup...
      Bonne soirée.
      Je t'embrasse.
      Den

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  8. Uma foto muito bela. Os contrastes são interessantes; o azul, o branco e o escuro.

    Felicidades
    MANUEL

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    1. Merci pour votre commentaire.... bienvenu dans les allées de mes mots et mes images de-propositio... Cordialement à vous.
      Den

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  9. Merci Anne, Maria-Lina, Denise, Sabine, Bonheur du Jour, Marine pour vos commentaires... je vous embrasse... une bonne soirée, comme vous aimerez..
    Den

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Par Den :
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