dimanche 9 août 2020

où trouver Dieu ?



Quelques adresses où trouver Dieu.

Si Dieu est partout, est-il quand même quelque part ? A la longue, j'ai fini par connaître ses adresses, la plus fascinante étant de beaucoup le cosmos, certaines nuits d'été, quand il nous offre son grand ventre sombre et vivant.

Il y a aussi les reliques, même si je n'éprouve aucune passion pour elles. Je dois à l'honnêteté de dire qu'il m'est arrivé d'éprouver la présence de Dieu en les contemplant : ainsi ai-je fondu en larmes devant les ossements de saint Pierre, crucifié la tête en bas, que Mgr Boccardo, alors secrétaire général du Vatican, nous avait emmenés voir, ma femme et moi, sous la basilique qui porte son nom, construite par le Bernin.

A la belle saison, quand, à la montée du soir, arrive l'heure blonde et que mon jardin de Mérindol, en Provence, se recouvre de fils d'or, j'ai souvent senti la présence de Dieu en me perchant sur un mamelon pour me fondre dans le monde ou en embrassant mes oliviers, notamment le plus âgé d'entre eux qui a mille ans et toujours beaucoup de choses à me dire.

Je suis tombé à la renverse dans un monastère bouddhiste de Mandalay, en Birmanie, après avoir embrassé la pierre d'un autel sur lequel une armée de bougies basses étiraient leurs flammes. J'ai embrassé aussi,  avec les mêmes effets, des exemplaires anciens du Talmud,  de l'Ethique de Spinoza, du Traité de l'amour du grand maître soufi Ibn Arabi, de Solitude de la pitié, un recueil de nouvelles, écrit à l'os, le meilleur livre de Jean Giono.

Les grands livres sont mes amis et j'embrasse mes amis. J'aime bien les avoir à ma portée et, mes nuits d'insomnie, faire un tour avec eux. Mais ce n'est pas en les tenant entre mes mains, si superbes fussent-ils, que je rencontre Dieu le plus aisément.

Je le rencontre en musardant dans la nature, mené par mes pas, le nez au vent. En prenant de mémorables cuites avec des amis chers, jusqu'à ce moment d'ivresse absolue où l'on a envie d'embrasser tout le monde. En écoutant des concerts, des opéras, en public ou chez moi. En communiant avec l'orgue de l'église Saint-Eustache à Paris, le plus grand de France avec ses huit mille tuyaux, quand il entonne à grand fracas les premières notes d'un morceau de Bach ou de Messiaen.

Autodidacte et enfant de la nature, le poète américain Walt Whitman reconnaît dans Feuilles d'herbes, l'un des monuments littéraires du XIXe siècle, qu'il voit Dieu partout :

Désirer voir Dieu plus nettement que maintenant, et pourquoi ?
N'en vois-je pas des fragments à chacune des vingt-quatre heures, à chacune des secondes,
Ne le vois-je pas sur le visage des hommes et des femmes, ou sur mon visage à moi dans la glace,
Jusque dans la rue où je trouve des lettres de Dieu, signées de Dieu ?

Pour ma part, je ne me suis jamais trouvé face à Dieu en me regardant dans la glace. Ce serait plutôt en observant une pâquerette se pâmer au soleil, un lapin mastiquer son herbe, des fleuves ou des rivières allonger leur corps, l'été, en poussant le temps.

Les religions momifient Dieu quand elles en font le prétendu créateur de l'Univers avant de l'ensevelir sous les rituels. Elles le rapetissent, le cadavérisent.  Au cours de ma vie, j'ai moins souvent senti sa présence en me recueillant dans les lieux de culte qu'en me laissant aller avec l'eau qui coule, calme et molle. Elle est plus propice à un contact que les tourbillons écumants qui fascinent mais empêchent de se fondre dans le courant jusqu'à s'y dissoudre.

Dans ma jeunesse, en Normandie, je me suis souvent rincé l'oeil pendant des heures à contempler sinuer la moire de la Seine, l'Eure, la Risle, l'Iton, l'Andelle.

Remplis de silence jusqu'à ras bord, le fleuve et les rivières emportent tout dans leur velours bleuté, nos pensées, nos chagrins, des bouteilles en plastique, des cadavres gonflés de chiens, de longues traînes de branches feuillues. Pardon d'employer les grands mots, mais il sont les chemins de l'infini.

Un ciel, un fleuve, un concerto, un sourire à la volée : il y a partout et tout le temps des occasions de retrouver Dieu. Mais jamais je ne le cherche ni ne l'appelle. Il vient tout seul, par hasard et sans prévenir. Je sais qu'il n'est jamais loin, même si, parfois, il peut prendre des pauses de plusieurs mois avant de se manifester à nouveau, au coin de la rue.

Franz-Olivier Giesbert

"la dernière fois que j'ai rencontré Dieu
(p 110 à 112)

Gallimard



****

9 commentaires:

  1. Den, j'ai lu deux fois ce texte; FOG souvent m'agace, mais pas là; c'est superbe!
    comme quoi, il ne faut jamais être catégorique. Merci.

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    1. Oh je sais FOG a tendance à agacer, pourquoi ?.... il est vrai, il dit ce qu'il pense, provocateur... ça plait ou ça ne plait pas... à chacun sa vérité... mais moi je l'aime bien, et je ne peux pas vraiment dire pourquoi, j'aime son authenticité, son émerveillement pour chaque chose, chaque individu, sa manière d'être. Peut-être parce que j'aime finalement la différence de ce panthéiste affirmé.. .... j'ai lu une bonne partie de ses oeuvres, son amour pour Spinoza, à la recherche d'UN Dieu, et je peux dire que ce qui était écrit ne correspondait pas forcément à ce que je pensais de lui, ce qui apparaissait du bonhomme à l'état brut. C'est le cas aussi pour ce livre-là ; son dernier (roman) - "dernier été" ne fait pas l'unanimité - je ne l'ai pas encore lu - mais il aime "cogner" , n'être pas sur les rails du "tout le monde" c'est peut-être ce que j'aime AUSSI en lui.... cette manière qu'il a lors d'interviews télévisées, articles rédigés de froisser. On ne le trouve pas toujours là où on l'attend, mais je le crois fort sincère.Sensible. Je ne crois pas qu'il triche. Sûrement plus dans l'empathie qu'il ne souhaite l'exprimer. Sa vie ne fut pas des plus simples ne serait-ce concernant ses origines paternelles. Peut-être traîne-t-il encore derrière lui ses galoches ce poids contesté... lui qui a choisi Dieu pour sa foi universelle, qu'il affirme, complétée par les beautés du monde. Un grand poète je vous dis.

      Merci Anne pour tes mots.
      Doux dimanche à toi.
      Bisous.

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  2. PS:
    Un beau texte pour un dimanche.
    Je l'ai fait suivre, d'ailleurs...

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  3. Merci chère Den pour ce merveilleux texte. C'est un beau dimanche :-)
    Je t'embrasse ♥

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  4. Merci chère Den pour ce beau texte, c'est un beau dimanche :-)
    Belle journée à toi, je t'embrasse ♥

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  5. J'aime beaucoup ce texte qui me rappelle des expériences que j'ai vécues...

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    1. J'ai aimé également comme je l'ai exprimé plus haut et plus loin !
      merci à toi Marie pour tes mots ici ou ailleurs, chez toi..
      Amicalement et un doux dimanche.

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Par Den :
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