vendredi 16 octobre 2020

*A son ombre (1)

 

Couverture : Claude Askolovitch À son ombre Grasset

 

« Et maintenant, vous voulez bien me passer Lara ? »

Sandro Veronesi, Chaos calme

 

« I’ll take you home again, Kathleen »

Thomas Westendorf

 

à Camille, Théo, Octave et Léon.

Et aux superlatifs.

 

 

UN

 

 

- 1 -

Vient demain la fête nationale, quand serai-je révélé ? Je sais ce que je vaux. Je paraderai, quelqu’un se lèvera. Il dira qui je suis et c’en sera fini. Je sortirai de scène défait et soulagé. On plaidera que je fus gentil, de bonnes intentions ; que je fus seulement lâche d’avoir tant accepté, j’imitai des péchés qui ne m’allaient pas ; que je pris ma part de larmes et parfois fis du bien de quelques paroles.

Cela fait dix ans que Valérie est morte ; elle était fière de moi et c’est plus triste encore si elle s’est trompée.

Qu’il est difficile de ne pas duper.

C’est demain la fête nationale. Me voilà, 13 juillet 2019, un homme gris et trop gros en mal de lui-même, dans le train de Bordeaux, correspondance pour Marmande, cela me laisse du temps. La même fièvre me vient à chaque solitude ; quand nul ne me regarde, je peux m’abandonner. Je mesure mes désastres et je nourris ma peur, elle est mon habitude. Je pense à mes femmes dont je ne guéris pas, l’absente qui m’accompagne et celle qui vit et partira. J’appréhende les châtiments mérités et devine les démons qui attendent leur heure. Je sais l’odeur de la perte et la panique de l’homme que l’on dépouille. Je la sens revenir. Je n’en laisse rien paraître. Je repousse la peur en évoquant mes visages aimés. J’avance dans ce sourire et je blague plus fort si je croise un ami, une connaissance, un témoin, un public. Je semble désormais un homme drôle et plaisant. Je suis ce que je montre, ou suis-je ce que je sais ?

On m’attend près de la Garonne dans un village nommé Couthures où ma profession débat. Je suis journaliste et m’intéresse aux autres quand je ne rumine pas. On s’intéresse à moi. C’est une étrangeté. Je vais intervenir dans des amphithéâtres de paille et de toile où sous l’égide du Monde, nous remuons nos scrupules et nos combats. L’époque s’égare dans les mensonges et le bruit mais nous gardons la vérité. Je masque encore la mienne. Avons-nous conscience, en ce temps ahuri, d’être bientôt défaits ?

J’espère le sort des vaincus estimables. Qu’on me laisse disparaître en noble compagnie.

On m’aborde au village. On connaît ici mon visage ou ma voix. Je suis les matins d’une radio aimable et le soir d’une télévision digne ; nous retardons les barbaries. On m’en remercie. J’ai appris à ne plus outrager ces gentillesses de rencontre. Je ne baisse plus les yeux ni ne ris bêtement, ni ne me détourne, cafard de fausse modestie. Je remercie à mon tour, je dis « c’est adorable », et le pense ; adorable mais indu, je ne mérite pas ça. Je salue et je claque des bises et je cherche Kathleen, puisqu’un jour elle ne m’attendra plus.

Qu’elle soit encore là est un bonheur, une peur sans fin.

Je suis un homme vieilli dont une femme est morte et qu’une autre quittera pour solde de tout compte, quand le moment viendra.

Je redoute Kathleen comme je la désire. Je pressens son regard après trois jours d’absence. L’habitude ne masquera plus mes formes sans angle, ma lèvre inférieure tombante, mes frisottis clairsemés, la mollesse du cou qui déborde à peine suis-je assis, qui s’étale si je baisse la tête, et le son aigrelet de ma voix sans volume – comment me supporter ?

J’ai de jolis yeux et elle des goûts étranges. Aimante, Kathleen dit que je suis sa brioche, je fonds alors dans ses bras plus longs que les miens, son corps plus ferme me berce. Elle s’amusera un jour de ne plus désirer ? Elle me mine d’un mot, d’un autre me relève, me reprend, son bassin me commande et son rire me pétrit. Je dors mal sous la couette. Mes chaleurs nocturnes prouvent mon andropause. Elle le répète à l’envi.

Quand je la rencontrai, je la portais sur mes épaules, six étages sans faillir, jusqu’à son appartement sous les toits qui sentait l’étudiante. Elle disait « tu es fort », elle était jeune et je n’étais pas vieux. Je la soulève à peine désormais. Pourrait-elle me porter ? Elle garde des délicatesses qu’elle ignore sans doute ; elle nage lentement et prétend préférer les vélos électriques quand je roule au mollet, me laissant l’illusion de la force virile ; elle abrite mes doutes érectiles sous une libido assoupie. Ces masques vont tomber.

Pourquoi l’ai-je rejointe ?

Trois jours sans moi à rire et travailler chez ses contemporains. Elle va me regarder dans mon incongruité, l’absurde de son couple sera une évidence. Que fais-je avec elle pour m’imposer cela ? « Que fais-je avec lui ? » me dira son rictus. Tu l’as voulu, George Dandin. Elle ne m’a sauvé que pour mieux me détruire.

La voici devant moi, j’aspire au coup de grâce. Il ne vient pas encore. Je m’accroche à Kathleen, aussi léger que possible, et puis m’éloigne pour qu’elle puisse respirer. Elle m’a embrassé, mais vite ; elle travaille, ce n’est pas le moment. Des confrères nous entourent, ses collègues, ses amis, esprits vivaces et corps encore frais, suis-je seulement dans leur paysage ?

Kathleen est journaliste, pas moins que moi sans doute et mieux dorénavant. Elle anime ici des tables rondes sur le sexisme : sujets pour notre temps et nos milieux. Comment élever des garçons qui ne soient pas des brutes ? Nous avons deux fils. Ce sont de gentils mâles. Ils ont quatre et six ans, des maillots de foot, l’aîné a une amoureuse que j’empêche parfois de dormir dans son lit. Octave se laisse aimer et laisse son amie rabrouer Léon qui lui pardonne tout.

Kathleen descend de scène quand elle me retrouve. Un homme l’accompagne, ils débattaient ensemble. Je le trouve beau et ils ont le même âge. Est-il trop mince pour elle ? Chaque jour la rend plus belle et ne m’arrange pas. Il nous offre à boire. Je parle un peu trop fort. Je l’épie. Elle rayonne. Il rit. Je ne l’aime pas. Je le montre si peu, il ne m’a rien fait. Je la déteste, je roulerais à ses pieds. A-t-il de la chance de ne pas être gros.

Nous nous baignons le soir dans la rivière. Nageant, j’ignore mon ventre. Je sors de l’eau démuni. Nous allons dîner, elle et moi, ses collègues. Kathleen veut un hamburger du Sud-Ouest farci d’oignons fondus. Plus loin cuisent des sandwichs au magret. Je vais vers eux. Elle ne me suit pas. Le jeune homme est près d’elle. Je retourne au stand du burger. À table, Kathleen s’éloigne vers une autre conversation. Je ne regrette rien.

Il y a le soir, il y a une nuit, de chaleur et de bruit dans la rue, une fête sous nos fenêtres, un bal où nous ne dansons pas, le sommeil qui fuit, le corps moite de Kathleen interdit de fatigue. Un matin épuisé d’avance nous sépare. Elle anime, je débats, nous faisons tréteaux séparés. Elle va séduire en étant elle-même. Je vais plaire en paroles, que croit-elle ?

Des lecteurs nous rencontrent. Une jeune Allemande explore la France dans une camionnette qu’elle a garée à l’entrée du village ; elle m’interroge avec sérieux sur l’avenir du pays ; je lui demande si elle se lave au fleuve. J’aurai envie cet été d’un corps à l’odeur de rivière. Des enfants me filment. Des adultes m’écoutent. Dans un amphithéâtre, je raconte ma carrière. Je porte un short rouge et une chemise en lin que Kathleen désapprouve à raison ; le bleu me va mieux que ce rose acheté pour faire rire une vendeuse et la fillette sérieuse qui nous regardait. Je verrai ma photo, assis sur l’estrade, les pieds dans le vide : un éléphant cramoisi le micro à la main.

Je tiens ma partie sans proclamer ma fraude. Ne la ressentent-ils pas ? On m’applaudit. J’ai les atours du sage et l’humour vétéran. L’âge m’y autorise et ce qu’est mon travail. J’en parle bien, dit-on. Je raconte des histoires qui arrivent aux autres, que je glane dans la presse, je la lis quand vous dormez encore ; je me lève la nuit pour vous. Je suis heureux dans cette vie étrange. J’aime les nuits blanches et j’aime les journaux, j’aime ceux qui les peuplent : ils m’ont sauvé du vide. J’aime la France et ses peu fréquentés. Je les ai côtoyés au temps du chômage. Je les préfère à ceux qui me ressemblent et que j’ai rattrapés. Mais pour combien de temps ?

Un bonhomme rose, au parcours cabossé. Il y a quatre ans j’étais transparent. Le ruisseau m’attend, nous nous retrouverons.

Je ne conteste rien de ce qui doit venir. J’ai tant démérité. Mon travail me rachète. J’y mets des efforts, des scrupules et des mémoires, mes peines et mes deuils. Les pauvres et les morts sont mes familles, les blessés sont mes frères, et aux vivants tels que moi, je ne passe pas la honte d’être encore.

La honte est mon secret, ma saveur, mon ingrédient précieux. Elle est en moi, me creuse et me nourrit, ce que j’ai de plus vrai.

Je n’écris que de honte d’avoir gaspillé.

 

- 2 -

 

Valérie est seule et sourit sur le marbre. Sa photographie orne notre tombeau. Elle rayonne d’une joie de fillette au cœur de sa fête, des plis imperceptibles au coin des yeux. Le sourire entrouvre sa bouche qu’elle gardait souvent fermée. Valérie vient de souffler ses bougies. Elle avait quarante ans et deux jours, le 12 juin 2005 dans notre maison de campagne ; elle avait quatre ans devant elle encore et quelques jours d’été.

En juillet 2009, au cimetière parisien de Bagneux, j’ai fait ouvrir le caveau de pierre de ma famille pour ma femme âgée de quarante-quatre ans. Nous avons posé Valérie au sommet d’une pile de vieux morts dont je suis issu. « Prenez soin d’elle », leur ai-je demandé.

Elle n’avait connu, de tous ces juifs de l’Est, qu’une petite tante Olga à l’accent parigot, qui avait traversé la guerre sans que les nazis remarquent son corps minuscule décoré d’une étoile. Olga avait assez vécu pour rencontrer ma jeune épouse, avant de partir sans bruit, pas loin de Daumesnil où elle vivotait. J’imaginais Valérie perdue chez mes vieillards, comme si vivante elle n’avait pas suffisamment donné.

Six ans après, un tout petit matin, nous avons exhumé le cercueil de Valérie pour la changer de tombe afin qu’elle soit chez elle. J’ai fait creuser un nouveau caveau, neuf et profond, pour accueillir sa solitude, en attendant d’autres pleurs où je la rejoindrai, et nos enfants s’ils le veulent et qui encore voudra.

C’est ici que Kathleen me visitera, rendu à Valérie. Ce futur que je lui prépare, l’assignant à mon deuil sur la tombe d’une autre, justifierait qu’elle renonce à m’aimer.

Ce n’est que par force que j’ai déménagé Valérie ; l’exhumation était une violence de plus mais je la perdais autrement. La vieille tombe familiale saturait : s’installant à Bagneux pour leur éternité, les Askolovitch n’avaient pas deviné qu’ils seraient si nombreux à mourir à Paris et qu’un trou n’y suffirait pas. Mon oncle allait partir après un beau combat. Il se nommait Adolphe, ce fut sa première blague d’être un juif né en 1936 et de porter ce nom ; nous l’appelions Félix. Il aimait les livres et le théâtre et puis embarrasser son monde d’une plaisanterie. Il avait la voix gouailleuse et traînante. Sa mort toute proche nous encombrait. Il fallait agir avant que son cercueil ne recouvre Valérie et ne m’interdise de la rejoindre un jour. J’ai fait signer des papiers à Camille et Théo. Ils étaient assez grands. Il dépendait d’eux qu’on dérange leur maman.

Un matin de juin 2015, nous avons donc revu cette boîte dans laquelle nous l’avions laissée à l’été 2009, le 28 juillet, simplement enroulée d’un drap blanc qui laissait deviner son corps, et au toucher son crâne, l’arête de son nez, que ma main suivait une dernière fois. À la morgue de la Pitié-Salpêtrière, j’avais caressé Valérie à travers l’étoffe. J’en garde la sensation.

Dans son cercueil, nous avions glissé des photos auprès d’elle : des photos de nous quatre, hilares et beaux lors d’un anniversaire. Camille et Théo, Valérie et Claude. Nous avions posé l’appareil sur la cheminée devant nous ; Valérie avait appuyé sur le déclencheur automatique et elle avait couru rire au milieu de nous.

Quand le cercueil est ressorti de terre, le bois était fendillé. L’espérais-je brisé ? Attendais-je un miracle, Valérie ressuscitée ? La boîte était bien fermée. Je ne l’ai pas revue. Nous avons prié comme au premier enterrement.

Nous sommes heureux désormais de son nouveau repos. Camille y a planté un rosier. Mon père, Roger, n’est pas bien loin, paisible dans sa tombe dont la photo est tendre, soutenue de ce vers qu’il déclamait au cabaret quand il avait vingt ans : « Je suis poète messieurs-dames ! » Papa attend Evelyn, ma mère, comme Valérie m’attend.

Nous nous asseyons sur une tombe voisine à la croix fourbue, pierre sans nom que nul ne vient plus voir, elle est comme une amie. J’embrasse sa photo. Des cailloux s’accumulent que le vent balaiera. J’ai planté des jouets de plastique dans la terre. Je regarde ma femme qui n’est plus que patience. Je parle ou je murmure ou médite de nous et je ne sais ce que je comprends moins, de l’absence ou de ma vie.

Chaque jour depuis dix ans, je dis Valérie, je la chante et je la psalmodie, je l’emprisonne et me serre de pensées, je la souris souvent et je la pleure. Quand les larmes résistent mais pourtant je les sens, je vais seul à Bagneux les trouver, ce n’est pas si loin, sans attendre les jours que me propose le calendrier : notre rencontre, son anniversaire, Kippour, son décès, la fête des mères. Je remplace les fleurs desséchées de ma dernière visite. J’achète pour Valérie des roses, ou bien ces bouquets ronds de jolies fleurs communes qu’elle doit encore aimer. Ce sont nos rendez-vous.

Je me lave les mains en sortant du cimetière et retourne fiévreux dans Paris où Kathleen me reprend, puisque je suis à elle. Je dois tromper quelqu’un mais je ne sais pas qui.

 

 

- 3 -

 

Valérie morte à peine, je dévorais Kathleen et la nuit respirais son sommeil. Valérie morte, je pleurais en moi en cachette et aussi sans pudeur, dans la rue, dans des spasmes et des sanglots. Je hurlais quelquefois. Valérie morte, j’ai regardé Kathleen comme personne avant elle et j’ai cru que sans elle je partirais aussi. Valérie vivante, je la regardais comme jamais personne. Elle me bouleversait. Vingt ans entre les deux. J’ai reçu Valérie en ne doutant de rien. J’ai saisi Kathleen après avoir perdu, j’étais nu désormais.

Qui a deux femmes perd son âme. Qui a deux maisons perd sa raison.

J’habite maintenant et mes maisons passées.

Je me souviens des nuits où Valérie dormait, et Camille et Théo, et j’étais leur gardien. J’écrivais la nuit. Je regardais les enfants dormir, leurs pyjamas se ressemblaient ; nous jouions aux dominos dans leur chambre ; une partie de plus pour tromper maman était notre seul vice. Valérie et moi avions monté leurs lits superposés, une fin de vacances, juste avant leur retour de chez les grands-parents ; nous avions déplié pour Camille des posters de Disney et collé des étoiles au plafond de la chambre. J’étais heureux et je le suis encore. Il suffit à mon bonheur que des enfants reposent sous mon toit.

Après Valérie me sont venus deux garçons. J’ai quatre enfants désormais. Octave et Léon dorment dans des lits parallèles ; la lampe au plafond de leur chambre a la forme d’un poisson. Je leur lis des histoires. J’embrasse le soir leurs corps assoupis.

Les repos s’entremêlent à vingt ans de distance et les douceurs dialoguent. J’avais gardé les livres de Camille et Théo que je lis désormais à Octave et Léon. Ils ont aussi les leurs. Parfois, une phrase d’un vieux bouquin fait résonner en moi la voix de Valérie. Les vacances, c’est fait pour se reposer. Elle aimait bien leur lire La Famille mot à mot, dont un personnage portait un nom juif un peu rare, Corcos : elle connaissait des Corcos et elle s’en amusait. Nul ne sait, quand je rouvre des livres, à quoi je peux penser.

Octave dort près d’une pile de livres et de cartes Pokémon et d’un loup de chiffon ; Camille triturait un lange froissé, le Nin-nin, dont la texture et l’odeur étaient irremplaçables ; Théo tenait un poussin nommé Piou, et tapotait des lèvres le dos de son pouce enrobé d’un coin de pyjama. Dodo Piou Théo comme Stou. Léon a renoncé à ses tétines sur lesquelles on pouvait lire « fan de papa », « fan de maman » mais continue de serrer l’ours Doudou blanc, son ami Doudou rouge et leurs congénères ; un tigre géant nommé Glaton veille au pied de son lit. Léon veut parfois que l’on s’endorme avec lui. J’accompagnais ainsi Théo dans son sommeil.

Je suis celui qui regarde dormir, et qui, réveillés, chatouille ses enfants. Trentenaire puis quinquagénaire, je suis resté un papa du songe, du bruit et des jeux. Mon père m’a tout appris. Roger avait les yeux bleus et le don du conteur, il savait mettre les enfants en transe quand il venait les chercher à l’école. « C’est Pépé, c’est Pépé », chantaient les amis de Camille et Théo, qui désormais sont adultes et un jour feront de moi un pépé.

Octave et Léon n’ont pas connu les farces de Roger. Il est mort avant leur naissance. Je leur dis ce qu’ils ont manqué.

Il aurait bien ri avec nous, pas vrai ?

Papa est, comme Valérie, l’astre d’un monde accompli. Il reste aux garçons, du grand-père inconnu, un culot génétique et le goût de la blague. Léon a dessiné sa famille à l’école. Kathleen et moi, Octave, Camille et Théo. Et au-dessus de nous, flottant dans le ciel, il a ajouté Pépé et puis notre chat, Shtreimel, ainsi nommé en hommage au chapeau de fourrure de Rabbi Jacob. Il ne miaule plus depuis le printemps dernier.

Je ne veille désormais que rarement pour écrire, mais me lève la nuit pour aller travailler quand ma famille dort. Je ne me couche pas assez tôt. Je lis aux garçons des histoires plus tard que raisonnable ou parfois je renonce tant je suis fatigué. Sans le gris de mon teint, le blanc de mes cheveux, quelqu’un pourrait croire que je n’ai pas changé.

Octave et Léon sont bavards et sérieux comme le sont mes enfants. Je dors le nez planté dans le dos de leur mère et me love contre elle pour trouver le sommeil.

Camille et Théo ignoraient dans leur sommeil d’enfants qu’un malheur peut venir. Valérie dormait une jambe sur la mienne. Ses cheveux me chatouillaient le nez quand je l’embrassais. J’étais plus large qu’elle. Je pouvais l’enrober. Aurais-je pu la sauver en l’abritant en moi.

J’ai changé de côté dans le lit. Je dors désormais où Valérie dormait. Kathleen est à mon ancienne place. Cela dit bien des choses. À tout confondre je la perdrai aussi.

Claude Askolovitch

A son ombre

 

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Par Den :
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