jeudi 19 septembre 2024

* *Nous écoutions septembre....

*Nous écoutions septembre....


Billet paru le 5 juin 2016 que j'ai retrouvé ce jour 19 septembre 2024.
ce même mois, le 12 juin 2016 je fêtais mon 1 000ème billet.
 
 



Iris Jaune, Iris Des Garrigues

 
J'ai commencé ce cahier en septembre, comme je le fais depuis plus de trente ans, après les grosses chaleurs de l'été et surtout lorsque ma fille retournait à l'école et que je restais seul dans le silence de notre appartement. J'ai toujours détesté l'école depuis le premier jour, je n'aime que la lumière des champs.

A l'époque nous rentrions à l'école le 1er octobre, et ce mot, octobre, était sombre et froid. Il le demeure. Septembre est un mot très doux, il glisse comme une rivière, dans une plaine encore toute dorée où les poussières des moissons ont disparu.

Mon père prenait ses congés en septembre pour aller chasser et nous passions ce mois dans le petit village de Saint-Maime, au coeur des Basses-Alpes. J'aurais aimé qu'il dure éternellement.


Chasse, Chasseur, Fusil, Maquis

 
Il faisait encore nuit quand il me réveillait. J'attrapais mes vêtements sur le dossier de la chaise et nous filions.
Nous escaladions les ruelles du village qui sentaient la cave, le coulis de tomates et le poulailler.



France, Provence, L'Architecture, Europe


Médiéval, Village, Ruelle

 
Très vite nous atteignions une chapelle recouverte de lauzes et pleine de pigeons, nous contournions ce que l'on appelait le château, qui n'était plus qu'un moignon de tour fortifiée, toutes les pierres de taille ayant servi à construire le village, deux cents mètres plus bas. Nous étions sur la crête d'un éperon rocheux.

A notre gauche, là-bas dessous, la nuit n'était éclairée que par les fleurs blanches des tombes, sous les cyprès du petit cimetière. Devant nous, très loin, du côté du plateau de Valensole, le ciel était vert.
 

Provence, Lavande, Violet, Pourpre

 
Les aubes sont très fraîches en septembre, la brume reste longtemps immobile au fond des vallons et encore plus laiteuse le long des rivières. Il y en avait deux ici, la Laye et le Largue, où j'allais pêcher et me baigner. Les après-midi sont encore torrides, au milieu des collines.

Arbre Mort, Chêne, Garrigue, Buis



France, Provence, Berger, Abri Pierres

 
On entendait sous la brume la cloche d'un troupeau que l'on ne voyait pas. On retrouvait un peu plus loin le chemin des vignes. C'était une suite de petites vignes, pas plus grandes que la main, à flanc de coteau. Chacune avait son petit cabanon en pierres sèches recouvert de trois tuiles recuites par les étés et son grand fût rouillé pour recueillir l'eau de pluie.

Toit, Au Sud De La France

 
Je pensais toujours que le soleil ne sortirait jamais tant le froid piquait mes jambes nues et soudain il éclairait les plus hauts rochers et glissait vers nous sur les raies des vigne étincelantes de rosée. Un peu plus  tard, toute la vallée s'ouvrait sur notre droite et l'on découvrait les sombres allées de marronniers qui dissimulaient l'ancienne petite gare.

Nous suivions un bon moment ce chemin quand mon père commençais à transpirer dans sa veste de treillis, nous nous arrêtions pour déjeuner.
 

Ciste, Fleur, Pourpre, Rose

 
Ces petites vignes aux grappes violettes, aussi dures que les plombs dans la cartouche, donnaient un vin âpre et râpeux, que faisaient semblant d'apprécier les propriétaires de tous ces cabanons. Mon père avait repéré deux ou trois treilles de muscat ou de clairette.  Il appuyait son fusil contre un muret, coupait deux belles grappes noires ou blondes avec son Opinel et on s'installait dans l'herbe, entre deux raies de vignes. C'était pour nous deux le meilleur moment de la matinée.
 

Baies De Vin, Raisins, Baies, Bleu


Raisins, Nature, Vignes, Vin, Fruit



Raisins, Vin, Vigne, Viticulture


Il tirait de son carnier deux tommes de chèvre recouvertes de sarriette,



Fromage De Chèvre, Ciboulette
Fromage De Chèvre, Ciboulette
 
 
un morceau de pain qu'il partageait, et à part peut-être de ramener un beau lièvre de cinq kilos, rien n'égalait cet instant magique.  Une tomme de chèvre, une grappe de muscat et un bout de pain, juste avant l'automne, dans le silence doré des collines, si loin de l'odeur de la craie, de l'encre, de la peur physique d'être interrogé. Mon père ne disait pas un mot. Nous écoutions septembre. Mon père ne m'a jamais dit un mot. Nous marchions en silence, nous mangions en silence et chacun faisait sa vie.




Bancs, Pique-Nique, Table

 
 
Je me souviens de tous vos rêves.
René Frégni




*****
 
 

 

2 commentaires:

  1. Merci de partager ces beaux souvenirs de tes septembres d'enfant

    RépondreSupprimer
  2. Quel plaisir de retrouver la poésie de René Frégni... et nos septembre(s)
    d'enfant...
    merci Marie.
    Je te souhaite un beau week-end à venir.

    RépondreSupprimer

Par Den :
Ecrire un commentaire :
Liens vers ce message :
Créer un lien :