samedi 15 juillet 2017

*L'Homme de Sainte-Victoire (2) ; Première partie : L'enfant des bastides : I -Petit-fils d'une directrice d'école !



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Mon père Maxime, fils d'Aixois lui aussi, est né en haut de la rue Mignet en 1902 avec l'avènement du printemps et moi Jean, dans l'école communale voisine de la rue Chastel où ma grand-mère maternelle Jeanne Chaliman était directrice. A cette époque, cette rue qui avait accueilli mon futur géniteur, conduisait à la Porte Bellegarde désormais disparue, victime des démolitions imposées par l'urbanisme. En ce début du vingtième siècle, l'emplacement de cette porte marquait encore la limite ente la ville et la campagne comme elle l'avait fait depuis le Moyen Age. La campagne aixoise n'était pas envahie de lotissements et les champs commençaient à quelques centaines de mètres à peine du centre ville.

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La rue Mignet n'a guère changé aujourd'hui, près d'un siècle plus tard. Elle fait partie de ces rues étroites et rectilignes que toutes les vieilles villes connaissent. Ses façades sont trouées en leur rez-de-chaussée de boutiques aux devantures peintes de couleurs pastel. Elle s'achève au pied des marches d'un large escalier de pierre d'une quinzaine de degrés qui conduit à une fontaine.

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La grande différence entre le présent et le passé, outre la démolition de la porte monumentale, est la disparition des ânes, des mulets et des chevaux qui venaient boire à cet abreuvoir citadin qui n'est plus fréquenté de nos jours que par les ramiers qui nichent dans les clochers voisins de la Cathédrale Saint-Sauveur ou de l'église de la Madeleine.


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Quant à la rue Chastel, c'est une de ces rues dont on se demande où elle peut bien conduire tant elle hésite sur la direction à prendre. C'est une rue peu fréquentée, presque inutile : La rue Chastel de mon enfance, au contraire de la rue Mignet, ne connaissait pratiquement aucun trafic hippo ou automobile ! les charretiers comme les conducteurs de voitures ne s'aventuraient pas dans cette voie qui se terminait par une ruelle tournant à angle droit : la rue Lice Saint-Louis  où ils risquaient de rester bloqués.

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L'école qui porte le même patronyme que la rue est caractéristique de ces temples laïques du Savoir. Sa façade est aussi austère et vieillotte que celle d'une prison désaffectée, sa cour aussi grande qu'un jardin de curé et ses balcons aussi étroits qu'une corniche destinée à accueillir trois ou quatre pigeons faméliques.

Ma grand-mère Jeanne régnait en maître absolu sur son école. Etre "Madame la Directrice" à cette époque, vous conférait une autorité d'autant plus respectée que les hommes ne pouvaient prétendre vous la disputer. Il faut savoir en effet qu'en ces temps de séparation des sexes, une femme pouvait enseigner ou diriger aussi bien une école de garçons qu'une école de filles, alors que les hommes ne pouvaient sévir, eux, que dans les classes de garçons.

Je dois dire que la profession de ma grand-mère m'a permis, à moi, le petit Jean, de jouir d'une considération rare auprès de mes condisciples : j'étais le seul à pouvoir passer dans le monde interdit de la gent féminime. Je pouvais franchir La Porte ! Celle qui menait à la cour de récréation des filles. Craint d'un côté de par la réputation de ma grand-mère qui rejaillissait sur moi, adulé de l'autre pour les pouvoirs et les savoirs dont on me créditait auprès de ces demoiselles, je dois avouer que j'avais une situation privilégiée en ces temps où il n'était pas question de mixité.

En fait, ce n'était aussi simple et aussi agréable que ce que l'on peut croire. J'avais beaucoup de mal à échapper aux dictées supplémentaires, aux exercices de grammaire et aux devoirs de mathématiques. Moi qui préférais aller jouer sur la chaussée du boulevard Saint-Louis, à deux pas de l'école de la rue Chastel, je souffrais de ces travaux de plume ennuyeux.

Ah ! le boulevard Saint-Louis ! Dans les années trente, lorsque s'achevait l'après-midi, c'était un paradis pour les gamins du quartier. Nous transformions sa chaussée en stade de football, ses platanes en cachettes pour nos parties de  gendarmes et de voleurs. Nous ne nous écartions que pour laisser le passage aux rares, très rares véhicules qui nous annonçaient bruyamment leur arrivée à grands coups de leur avertisseur sonore selon la définition du code la route. Nous, nous parlions de klaxon, comme tout le monde. Cette avenue est de nos jours saturée par une circulation ininterrompue. Ses trottoirs ont été abandonnés aux parcmètres et les gamins ont disparu, rejetés par la périphérie de la cité. Mais certains soirs, lorsque je rentre très tard chez moi et que la ville est endormie, j'entrevois les ombres des enfants du temps passé de ma prime jeunesse courir et rire et, pour un instant, je revis avec eux les joies de la liberté enfantine, cette liberté qui semble délicieusement éternelle, indomptable et aussi vaste que peut l'être l'univers.

Ma grand-mère Jeanne Chaliman a été le personnnage marquant de mon enfance. Elle était un peu le chef de clan, au caractère affirmé. Cette femme de corpulence tout à fait classique, je l'avais affublée d'un surnom affectueux : "Gro". Je ne l'ai jamais appelée  autrement que par ce patronyme formé de ces trois lettres. L'explication en est simple : ma mère et ma grand-mère avaient le même prénom ; "Jeanne". J'avais toujours entendu mon père s'adresser à sa femme par ces deux mots tendres : "ma petite"?. Par opposition, ma grand-mère était pour moi : "La grande" ce qui dans mon langage enfantin fut transcrit par "Gro".

Et le temps qui passa n'y changea rien, Jeanne Chaliman était devenue "Gro" pour notre famille, du plus vieux membre au dernier né, une bonne fois pour toute, au point que nous en vînmes à oublier le pourquoi de cette bizarre appellation affectueuse.  

L'Homme de Sainte-Victoire

Bernard Malgouyres
Jean Magnan

Les vents contraires 

(1997)

Caméra, Vieux, Antique, Photographie


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2 commentaires:

  1. Merci pour ce beau partage! Bise, bon samedi dans la joie!

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  2. Merci Maria-Lina... tu peux en lire l'avant-propos dans mon billet de vendredi...
    Douce journée à toi.

    Et merci encor' de me suivre fidèlement.

    Bisou.

    Den

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Par Den :
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