Avant-propos
Je suis né le 21 février 1928 dans une région bénie des dieux à une époque où le temps était encore le temps.
Ma ville, que je n'ai jamais quittée et que j'ai vue grandir tout au long de mon existence, berce mes souvenirs à l'ombre d'une montagne si célèbre, qu'elle en est devenue mythique. Cette ville dont le nom rappelle la fraîcheur de l'eau de ses fontaines se nomme Aix-en-Provence. La montagne, les gens du Pays d'Aix l'appellent "Saint-Victoire". C'est à cela que l'on peut les reconnaître. Les étrangers, eux disent : "LA " Sainte-Victoire. Les deux lettres de cet article font toute la différence.
Mon enfance fut celle d'un fils unique, entre mon père Maxime, employé des chemins de fer, et ma mère Jeanne institutrice qui préférait la lecture à l'art culinaire. Sur le couple, planait l'autorité de "Gro", ma grand-mère maternelle, une femme de caractère, directrice d'école, venue de sa Champagne avec l'idée que les Provençaux étaient trop gorgés de soleil pour être vraiment sérieux. Elle avait épousé Clovis, un gendarme, peut-être parce que cette fonction militaire était un symbole de cette autorité qu'elle chérissait. Malheureusement, Clovis aimait plus le rire que le commandement.
Maxime et Jeanne m'ont prénommé Jean comme le Baptiste que l'on fête au mois de juin, à l'orée de l'été, quand la lumière commence à décroître.
Mon enfance s'est déroulée lentement entre Aix-en-Provence, où nous vivions d'octobre à juin, et la Jésunette et Sainte-Agnès, les bastidons de mes grands-parents maternels et paternels où nous allions parfois le dimanche et où nous nous installions toujours à la belle saison. Ces deux propriétés modestes, si elles ont enchanté bien souvent mon enfance, ont été aussi les témoins de la solitude qui était ma compagne la plus fidèle : avoir ni frère ni soeur pesait sur mes épaules comme un fardeau. Elles m'ont vu attendre l'arrivée de mes cousins et de leurs enfants, perché sur la fourche d'un amandier ou d'un olivier, elles m'ont vu jouer avec ces éphémères jeunes visiteurs. Elles m'ont entendu pleurer ou rire.
"Enfant des bastides" entouré de trois générations de femmes qui refusaient de me voir grandir, j'avais une longue chevelure blonde et frisée que deux barrettes n'arrivaient pas à discipliner, je ressemblais plus à une fille qu'à ce petit homme des bastidons que j'étais, amoureux de la terre et du fruit de ses entrailles.
Aujourd'hui, ce temps est loin, bien loin. Pourtant ce petit Jean que je fus si longtemps, lorsque mes yeux se brouillent, je le revois et il revit. Il est là, devant moi comme un autre moi-même, un enfant des bastides dont chaque seconde de vie revient à la lumière du fond de ma mémoire.
L'Homme de Sainte-Victoire
Bernard Malgouyres
Jean Magnan
Les vents contraires
(1997)
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Je continue de contempler encoeur et toujours,
l'or soufflé doux qui court sur la page et l'image.
où la lumière brille et inonde les paysages éclairés
où resplendit l'enfance aux lèvres enrosées.
Ma montagne continue de veiller sur les villages qui l'entourent
et raconte son histoire au vent fripon qui l'écoute....
où grouillent papillons et abeilles de miel ciré.
Je l'aime cette montagne bien accordée,
ses racines profondes dans le terroir d'herbes parfois assoiffées ,
de loin, de près,
son empreinte sur ma peau de brunette tatouée
son beau visage odoriférant
son teint d'aquarelle chevillée qui glisse par la fenêtre délicieuse de mes souvenirs...
Son sOleil ventru...
Je ne rêve pas, mais me nourris haut et loin de son ciel perché et son essence étalée.
Elle est bien là, fidèle dans les bras de ce mât-teint estival
grande, toujours, hissée sur la pointe élancée de son massif de nacre sauvage
satiné blanc-gris-rosé-bleuté,
dans l'instant tiède qui s'évapore et se fond dans sa pinède de brindilles
sa source soyeuse jusqu'à deux-mains
aux détours de ses chemins escarpés.
Den
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Quel moment doux de parler de la ville où on a vécu, en rappelant les souvenirs très marquants de l’enfance, même si l’homme de saint-Victoire, Jean avait été l’unique enfant, sa bastide qui l’avait conquis, mûri, nourri de miel, il ne l’avait jamais oubliée. Ce bel extrait est assaisonné par tes si jolis mots comme tu sais les confectionner et qui lui donnent un ton mélodieux doux et rêveur. Merci Den pour ce plaisir de te lire.
RépondreSupprimerMille bisous sur le bord d’un bastidon de ta belle Provence.
Jean n'a pas pu oublier sa ville de naissance, puisqu'il ne l'a jamais quittée ! ce livre écrit à deux mains est une chronique qui parle du temps jadis, finalement pas si éloigné du nôtre, ... il dépasse le cadre anecdotique pour s'élever en un chant d'amour éternel pour les êtres qui nous ont précédés et dont nous nous devons d'honorer la mémoire, avec en première partie, "l'enfant des bastides" qui chemine en deuxième partie sur "mes sentiers"
RépondreSupprimerMerci à toi cher bizak pour tes passages que j'apprécie toujours dans mes allées .
Mille bisous émus après cette journée de grande et belle commémoration.
Den