dimanche 23 septembre 2012

*Des points de suspension...

Riches en suppositions, en interrogations, ils marquent l'interruption de la phrase, l'indécision, l'hésitation, le respect des convenances, les réticences, l'inachèvement....
 ...

sollicitation de l'imaginaire.

...

C'est le flou quasiment intégral de l'histoire.

Pour l'instant, devrai-je dire.

On oublie des instants....

On y reviendra. Ou pas.

On s'en souviendra, peut-être un jour, et on rajoutera alors d'autres paragraphes.
Je laisse des espaces sur la page, pour occuper le temps.

-=-=-=-

On se remémore des noms, pas les uns après les autres, pas toujours dans l'ordre chronologique, mais ça ne fait rien, on mettra de l'ordre plus tard.

Pour l'instant on amasse un maximum de notes, des instants, des noms, on emmagasine le plus de détails possibles, par crainte de manquer de temps, justement.

Et elle parle, elle parle, Camille, rajoutant du sens à son histoire.

"A Aleysson, je me souviens encore aujourd'hui du goût des tartines de beurre... le pain de seigle ; quand on tuait le cochon... le boudin, le jambon. Les rires mêlés aux pleurs : ça c'était chez les R."..

"Plus tard, quand on a déménagé à Tence, ce n'était plus pareil. C'était la ville".

"Avec.... et leurs jumelles, les fêtes au Mont Gerbier des Joncs, toutes les années, là où la Loire prend sa source... J'en garde un bon souvenir, à humer le bon air, là-haut..."


"Des noms reviennent...  je dois avoir à l'époque seize, dix-sept ans : eux non plus n'ont pas d'enfant, comme .......
...  c'est un peu plus tard... j'ai dix-sept, dix-huit ans, je me rappelle un crémier..

La mémoire garde en elle, au plus profond englouti, après réflexion, telle chose qu'elle fixe à jamais, et laisse échapper  au loin, telle autre qu'elle gomme, probablement parce qu'elle ne souhaite pas l'intégrer..

Elle ordonne en connaissance de cause dans de petits casiers, et trie avec discernement et sagesse, par ordre d'importance. Elle perd l'inutile souvenir de ce qu'elle a condamné à l'oubli, et ce depuis bien longtemps. Ce dont elle ne souhaite pas se souvenir.

Elle cède.

Peu importe, je veux moi conserver pour les miens, ce dont maman se remémore, seulement cela.
Je lui laisse en abandon, le choix de ses souvenirs, le monde dans lequel elle a grandi -reflet de sa vie-, afin que ceux-ci ne sombrent, oubliés dans les ténèbres de son histoire.

Et en secret, sans lui dire, je ne peux m'empêcher de m'étonner de l'abondance condensée dans cette parcelle intime -étroit espace-  aux tiroirs ouverts, quelques fermés à double tour.

Ainsi, je l'accompagne dans sa recherche, devenue contemporaine privilégiée de sa vie, tentant de rédiger et de donner forme à tout ce dont elle se souvient. Uniquement.

Je m'élance hors de la page, essayant une fois encore de comprendre et de rattraper par la main, et au dernier moment, l'enfant et la jeune fille qu'elle fut. Je reviens sur la page, relis mon travail d'hier, creux, je le corrige, le réécris.
Là, c'est mieux. Je recommence la lecture depuis le début dans un silence quasi-monacal.

Une petite fille, d'à peine trois ans et demi, comme moi sur la photo, au même âge, pas plus, accompagnée de sa première mère nourricière, celle de qui elle va bientôt se séparer, s'arrête, joue près d'un parapet, s'accroupit et se glisse facilement entre l'ouverture en bois flotté, elle lance le jouet qu'elle tient confusément entre ses doigts menus et ronds, le regardant tomber dans l'eau.. Camille. Oh !.. Elle pleure, pleine d'un chagrin d'enfant qu'elle ne peut contenir. Pressée d'avancer, Mme A.. la somme de ne pas s'attarder à regarder le jouet emporté par les flots, supprimant ainsi cette vision malheureuse. Elle s'accroche à la jupe de son accompagnatrice, la petite, pleine de larmes et de cris qui arrachent le coeur.

Le ciel pommelé est chargé de nuages prêts à se transformer en une pluie bienfaisante. Plus haut.

Allez, Camille. Il est temps de rentrer.
Tant pis pour le jouet disparu. Les eaux ridées l'ont emporté.

Den



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2 commentaires:

  1. Quel plaisir de vous découvrir aussi, je vous ferai l'honneur de mes ... que j'aime tant !

    Je vais vous lire encore et reviendrai ...

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  2. Véronica sur tes chemins...quelle chance de nous retrouver ici...chez toi...:-))
    Tes lignes si émouvantes parlent à ma mémoire...J' ai rangé ces derniers temps des photos de famille , l' âge me donnant le privilège de remettre à chacun son lot de souvenirs d' enfant...Maman n' est plus là...et revoir les photos d'elle , plus jeune que moi aujourd' hui ,m' émeut tellement...On ressort toujours bouleversé de ces voyages...mais combien ils sont importants :-))
    Tes mots sont magnifiques..
    De tout coeur ...bisous

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Par Den :
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