"Le carrousel, en pin sculpté et laqué, est une crèche ronde à trois étages, joyau de mes plus anciens et plus tenaces souvenirs de Noël. Il a été fabriqué en Chine, et tous les ans notre père se réjouissait de voir les bergers dans le costume sombre de paysans chinois,
les anges aux cheveux noirs avec la même coupe au carré que les Chinoises
et tout le monde, le petit Jésus compris, avec d'élégants yeux bridés.
les anges aux cheveux noirs avec la même coupe au carré que les Chinoises
et tout le monde, le petit Jésus compris, avec d'élégants yeux bridés.
"J'espère que de notre côté, on leur envoie des Bouddhas blonds", disait-il avec un plaisir ironique. Rien ne risque plus de briser le chauvinisme religieux qu'une économie de marché mondialisée.
Eva désigne la table où attend le carrousel.
- Prête ? demande-t-elle.
Je hoche la tête en m'efforçant de ne pas compter les minutes d'éclairage dont nous disposons avec ce qui reste de ces bougies, en m'efforçant de ne pas penser au moment où nous en aurons peut-être un besoin plus vital que ce soir.
Eva enfonce une brindille de petit bois dans le charbon,
et quand elle s'enflamme, elle la sort du feu et la porte au carrousel. Avec l'extrémité de sa brindille, elle touche une par une les bouts de chandelle qui font le tour de l'étage du bas. Une par une, les mèches s'embrasent jusqu'à ce que six flammes ondulent dans l'air immobile.
et quand elle s'enflamme, elle la sort du feu et la porte au carrousel. Avec l'extrémité de sa brindille, elle touche une par une les bouts de chandelle qui font le tour de l'étage du bas. Une par une, les mèches s'embrasent jusqu'à ce que six flammes ondulent dans l'air immobile.
J'en ai le souffle coupé. C'est la première fois que nous voyons autant de lumière le soir depuis que la lampe de pétrole a rendu l'âme en crachotant au printemps dernier. Cela change nos voix, donne à nos mots plus de rondeur et de douceur
et de plénitude, avec une pointe de crainte révérencielle. Pures et sans fumée, les flammes oscillent et bondissent comme des danseurs
autour de leurs mèches noires et raides, et tout dans la pièce paraît chaud et tendre.
Mes yeux s'emplissent de larmes, et je continue de fixer ces langues brillantes, ces pétales de feu.
et de plénitude, avec une pointe de crainte révérencielle. Pures et sans fumée, les flammes oscillent et bondissent comme des danseurs
autour de leurs mèches noires et raides, et tout dans la pièce paraît chaud et tendre.
Mes yeux s'emplissent de larmes, et je continue de fixer ces langues brillantes, ces pétales de feu.
La cire fond, luit, et à mesure que la chaleur des flammes des bougies monte, les lames en bois au-dessus des anges
captent le courant d'air chaud, et le carrousel entier se met en mouvement.
captent le courant d'air chaud, et le carrousel entier se met en mouvement.
Silencieusement, posément, les anges et les bergers et les moutons, les Rois Mages et leurs chameaux,
chacun tourne autour d'une Marie, d'un Joseph et d'un enfant Jésus immobiles.
chacun tourne autour d'une Marie, d'un Joseph et d'un enfant Jésus immobiles.
Nous regardons, muettes, tandis que tous nos Noëls resurgissent et nous sommes submergées par un sentiment si fort que l'accepter est horrible, le refuser impossible.
- Tu te souviens quand tu as demandé si Jésus était un garçon ou une fille ? dis-je à Eva.
C'est une vieille blague de famille, qu'on ressortait à tous les Noëls comme les décorations pour le sapin.
Elle sourit et joue le jeu.
- Maman avait dit que Jésus était un garçon, mais que c'était juste un accident. Elle avait dit, "il aurait très bien pu être une fille".
- Et alors Papa lui a demandé si dans ce cas la Vierge Marie aurait pu être un garçon.
Nous hochons chacune la tête, nous sourions. Nous essayons chacune de nous attaquer à la difficile tâche de se remémorer le plaisir du passé sans lui accorder d'importance dans le présent.
L'une des bougies vacille. La flamme crachote, se dresse à la recherche d'oxygène puis s'affaisse sur elle-même. Le carrousel ralentit. Nous regardons en silence, fascinées par les ombres qui tournoient au plafond, par le frémissement des cinq dernières flammes, par la lente combustion et rotation des souvenirs.
- Je pense qu'elle se trompait, dit Eva quand la seconde flamme s'affaiblit et finit par s'éteindre.
- Quoi ?
- Jésus n'aurait pas pu être fille.
- Pourquoi pas ?
- Les choses d'avant se seraient passées autrement.
- Comment ? je demande, impatiente de débattre d'une idée avec ma soeur.
- Elle hausse les épaules, légèrement indifférente, légèrement agacée, toute son éloquence contenue dans ce geste et le mouvement de son corps.
Je renonce à analyser.
- Jesetta ? Jesusphina ? dis-je avec esprit.
Mais ma boutade ressemble tellement à une des plaisanteries de notre père qu'elle tombe à plat.
Une autre bougie meurt et le carrousel s'arrête. Dans la lumière déclinante des trois dernières flammes, les bergers s'agenouillent tranquillement parmi les moutons. Les rois mages tiennent avec raideur leurs présents dans leurs bras en bois.
Les bougies faiblissent en jetant un dernier éclat.
L'ultime mèche tombe. La flamme s'évanouit. Noël est terminé.
Les bougies faiblissent en jetant un dernier éclat.
L'ultime mèche tombe. La flamme s'évanouit. Noël est terminé.
L'obscurité reprend possession de nous".
Dans la forêt
Jean Hegland
Gallmeister
Gallmeister
(pp.17-18-19)
Plein de belles illustrations Den je me croyais revenue à Noël !
RépondreSupprimerHeureuse de savoir que Missy n'est pas perdue, elle n'a pas le sens de l'orientation alors !
Bisous du jour
Merci Marine pour tes mots.... oui un pas en arrière d'une presque moitié d'année, et des images qui rappellent la période des offrandes, choisies d'une manière subjective,.... offertes gracieusement sur le web....
SupprimerQuant à Missy elle continue de vivre sa vie, se rapproche de moi en élisant domicile sur le toit de la cabane des petits voisins, m'appelle, répond... mais fuit quand j'arrive avec ma caisse pour la transporter .... et mes croquettes.... se nourrit-elle suffisamment, et son lait-eau du petit mât-teint ? toutes ces interrogations qui me gâchent mes jours, depuis le dimanche de Pâques où elle a sauté du balcon de 3 mètres pour aller jouer avec le lapin angora des voisins en rez de jardin... d'autant plus soucieuse qu'aujourd'hui les pluies sont torrentielles. On ne peut jamais être tranquille !
elle n'est plus perdue, paraît alerte, mais comme elle n'a connu le trajet jusqu'à ma maison qu'à travers son panier de transport.. j'imagine son problème, et le mien de se voir.... et de ne pas pouvoir se joindre ou se rejoindre... je préfère relativiser la chose, mais ça m'ennuie... allez, espérons.....
bisou Marine.
Den