Résumé :
Mais cet éclairage resterait imparfait si Christian Bobin n’avait pas accepté d’ouvrir ses carnets, prolongeant le texte de sa voix, pour que se dessine le sens d’une vie.
texte de Dominique Pagnier, auteur notamment de Cénotaphe de Newton, (Gallimard, 2 017)
ouvrage conçu et préfacé par Lydie Dattaz dont la Blonde. Les icônes barbares de Pierre Soulages paru en 2014 (Gallimard)
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Après
le succès de "L'homme-joie", Christian Bobin publie "Un bruit de
balançoire" (éd. L'Iconoclaste). Un recueil de lettres adressées à sa
mère, à "Frère nuage", à une inconnue, ou enco...
"Je pense que nous pouvons être des miracles les uns par rapport aux autres, et je pense qu'un moine ce n'est pas extraordinaire, un saint ce n'est pas extraordinaire. C'est la vie qui est extraordinaire"
L'ÉTAT D'ENFANCE OU L'ART DE N'ÊTRE RIEN
Ces textes de Christian Bobin, il faut s'en imprégner petit à petit. Après
les avoir lus on ne regarde plus de la même façon un nuage ou des
"gouttes de pluie sur la vitre", celles qui "ont un bombement argenté et
une bordure laiteuse". C'est qu'avec "Un bruit de balançoire", il nous
initie. À "cette chose impondérable qu'est la vérité de notre présence".
Il nous ouvre la voie de l'intime et du vrai. Il y a quelque chose de
radical chez lui - ce mot "rien" qui revient souvent - et en même temps
d'une infinie douceur. Il écrit: "Je n'ai rien fait de ma vie, rien,
juste bâti un nid d'hirondelle sous la poutre du langage."
"Vous
ouvrez la fenêtre, un jour, parfois, vous voyez du linge qui flotte.
Vous ouvrez la fenêtre et puis vous voyez votre vie qui passe. Elle
n'est plus en vous elle est en dehors de vous. Et vous acceptez qu'elle
passe et vous ne trouvez rien de plus beau tout d'un coup. Vous ne lui
lui reconnaissez rien de plus beau que ce passage. Ce rien, c'est la
pensée peut-être la plus pure qu'on puisse avoir sur la vie. Elle est
difficile à préciser."
Les textes de Christian Bobin n'ont rien de mièvre, au contraire, ils parlent de la densité des choses et des êtres.Dans
un chapitre de son livre "Un bruit de balançoire", il écrit à un "Cher
penseur". Une réponse à quelqu'un qui aurait reproché au poète Jean
Grosjean (1912-2006) une simplicité de langage. Bobin de répondre:
"Cette simplicité est la source des éclairs."Il conclut par: "Le poème
s'écrit avec rien - et c'est le contraire de Flaubert avec son bourgeois
désir d'écrire sur rien."
L'ENFANT ET LE LIVRE
D'où vient que la quête de l'esprit d'enfance aille si bien avec la lecture? La
terrasse où Christian Bobin reçoit Thierry Lyonnet est à côté d'un
jardin en friche, et près de lui l'orée d'une forêt elle-même située
dans un couloir aérien. Et si le bruit d'un avion vient déranger
l'échange, en fait il n'en est rien, car ce vrombissement de l'appareil
au décollage vient à point nommé illustrer le propos du poète. Le bruit
d'un "fer à repasser sur un linge bleu".
"Je
vois la totalité de la vie comme un livre, je la ressens, chaque
journée est une page entière enluminée. La plupart du temps je préfère
me taire, regarder passionnément comme un affamé."
Le poète confie: "Je vois les correspondances entre les choses." Dans son livre, à sa mère, il demande: "Comment as-tu modelé mon cerveau de façon à ce qu'un jour une phrase m'affole?"
APPRENDRE À ÊTRE, AVEC SOI ET LES AUTRES
Poète de l'émerveillement, Christian Bobin n'élude en rien la souffrance. Et
sa lettre aux "Jeunes gens de Lodz" est empreinte de gravité. Il y a
pourtant une indicible espérance dans ses propos, constante. "Même
quand nous sombrons, il y a quelque chose ou quelqu'un qui nous
maintient la tête, le menton, hors de l'eau, il y a une main ferme dans
cette vie. Et ne rien faire c'est avoir confiance en cette main, du
secours vient, tout le temps. Surtout dans les moments les plus durs."
"Je
pense que nous pouvons être des miracles les uns par rapport aux
autres, et je pense qu'un moine ce n'est pas extraordinaire, un saint ce
n'est pas extraordinaire. C'est la vie qui est extraordinaire et si
nous nous mettons dans son flux nous pourrions obtenir des choses...
Silencieusement, sans morale, juste avec une empathie brûlante de
l'autre, une compréhension de l'incompréhensible."
Poète du XXIè siècle, Bobin
s'interroge par exemple sur la fabrication en série des bols (dans le
chapitre "Mon pauvre bol") ou sur la disparition programmée de
l'écriture manuscrite. Dans notre société de surconsommation et où le
temps s'accélère, son propos - et c'est le rôle du poète - est de faire
voir l'indispensable. Il nous propose un autre temps, un autre regard,
la contemplation, la richesse de la rencontre, la quête du mystère. "Écrire pour moi c'est appeler dans le noir."
Bonjour Den, j'ai beaucoup lu Bobin, tous quasiment, mais au fur et à mesure que passe le temps, pour moi, il ressasse, tourne en rond, se répète, s'appauvrit. J'ai remarqué que lorsqu'on le cite, on ne sait plus de quel livre ça vient...tant il se ressemble.
RépondreSupprimerLes 2 ou 3 derniers m'ont du coup, déçue. Comme si sa quête n'avançait pas. On avance tous dans le noir, mais pour continuer à avancer, il faut une amorce de réponse. Il est comme cloîtré, pour ne pas dire muré...
Ceci dit si le fond me touche moins, j'aime son style, sa simplicité cependant tissée de métaphores.
Christian Bobin écrit tout le temps, il a comme une hémorragie d'écriture, dit-il. Il ne prend pas de notes, ou très peu, mais regarde beaucoup, l'ordinaire, un visage, un paysage... et cette chose simple, minuscle au départ prendra de l'ampleur sur sa page et ainsi il soigne et guérit par ses mots en les lavant, les rinçant les purifiant. Et ce sentiment de la vie qu'il possède, ce point d'émerveillement permet à l'âme de voir et de donner ... "L'humain est un soleil que l'on peut aller chercher dessous les décombres, dessous la fatigue, dessous les pertes" ...et si parfois on a l'impression d'un déjà lu, déjà écrit, Christian Bobin continuer d'avancer sur son propre chemin et dispatcher toujours son amour de la vie dans un monde qui nous échappe de plus en plus.
RépondreSupprimerMême si expliquer n'éclaire pas toujours !
merci Anne pour tes mots ...
bisou.