Eloge de l’ennui
« Rien n’est plus insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos, sans passions, sans affaires, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide… ».
(Découverte de l’ennui)
Lire ces lignes de Pascal te confortent encore plus vivement dans ton sentiment d’ennui profond.
Dans ce gouffre, dans cette distance insupportable avec les autres, avec toi même. Dans cet abysse dont il est si difficile de discerner la fin. Dans ce puzzle dont les pièces peinent à s’assembler.
Tu le ressens, tu le vis. L’ennui. Il t’épuise et t’obsède. Il trahit ton ambition et gangrène ta pensée. Ton flot habituel d’idées, ton dynamisme, ta vivacité… tout s’altère.
Il te pousse néanmoins à le comprendre, lui, l’Ennui. Tu découvres alors que la Haine coule dans ses racines latines. Inodiare, s’ennuyer. Odium, la haine. Tu t’ennuis. Donc tu te hais ? Ou bien te hais-tu de t’ennuyer ? Une chose est sûre, tu hais ton ennui.
Tu hais cette obscurité qui ronge ton cœur.
Tu hais cette mélancolie vertigineuse à laquelle tu t’abandonnes pourtant.
Tu hais ce théâtre nécrosant ta peine.
Cet ennui qui traduit odieusement la substitution de ta passivité à ton activité. Tu as le temps, et pourtant tu ne l’as pas. Tu le perds. Il se dérobe à toute vitesse. Frustration et déception s’emparent désormais de toi.
Quand est-ce que cet hymne à la lâcheté et à la paresse s’essoufflera-t-il ? (Naissance de la révolte)
Le patrimoine intellectuel, ce temple de la pensée, cette bâtisse imprenable, est pourtant immuable t’avait-on dit. Ton ennui ou quelqu’autre ennemi peuvent-ils t’arracher à cela ?
Face à la solitude qui blanchit tes nuits et noircit tes jours, ta révolte naît. Un cri d’ennui vaut mieux qu’un ennui profond dont la longueur t’accable. Ce cri, c’est le symbole de ta pugnacité et de ton indignation. Tu n’es donc plus si passif…
(Une mécanique paradoxale)
Si ta lutte contre l’ennui est le fruit de celui-ci, alors t’ennuyer n’est plus vraiment un ennui.
La mécanique de l’Ennui te semble soudainement très paradoxale. C’est un vide qui comble pourtant tes heures, même les plus matinales. C’est la quintessence d’un état de mollesse et d’insurrection.
(Eveil de l’espoir)
Etat donc, qui te place face à toi-même. Qui t’offre le temps de découvrir l’Etranger, aussi absurde soit-il, qui sommeille en toi. Qui te questionne sur le regard parfois indifférent et insensible que tu portes sur le monde.
Peut-être est-ce le temps de l’espoir, de la redécouverte des soirs, du noir, des choses que tu ne vois pas ou peu, des personnes auxquelles tu ne penses plus ou parles peu. Peut-être est-ce l’embryon d’un retour à la folie, à la passion, aux larmes.
(Injonctions à toi-même)
Prends ta plume et noircis ta page.
Enchante l’espace de tes mots… bleus.
Reprends ton souffle et espère.
Fabrique des souvenirs et des idées.
Fais qu’après cette tempête accourent les jours de fête.
(Bénéfices de l’ennui)
Alors que les branquignols subissent cet ennui, toi, tu le choisis. De sorte à ne pas tomber dans le piège de la médiocrité. De sorte à ne pas laisser la citoyenneté céder face à l’individualité.
A l’heure où ton cri, ton cri d’ennui peut sauver des vies, la poésie et la folie, plus modestement, contribuent au moins à les égayer. En pensant que les mots combattent les maux, tu n’invites rien. T’en persuader t’aide néanmoins à avancer.
Tu restes troublé, pris dans la tourmente de la modernité qui cristallise les violences et les peines. Pris dans l’effervescence d’un monde agité et balafré. Un monde qui te soumet désormais au calme. Peut-être pour que, sortant de ton repos, tu l’affrontes, plus responsable, tolérant et passionné.
(La nécessité de l’ivresse)
Ne renonce pas à l’idéal que tu souhaites bâtir, ton spleen présent éveille un espoir futur. Cherche cette ivresse, ce remède au temps qui fuit et s’écoule. Hier, le temps était rapide. Aujourd’hui, il te semble plus lent. Quoique. Ne t’ennuie pas de ton bonheur. Cherche-le sans relâche si tu l’égares.
Agis, oui, certainement. Réfléchis, évidemment.
Vis, obstinément.
C'est un texte saisissant et très profond. Il est de toi ?
RépondreSupprimerAdmiration !
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Un texte superbement écrit en effet, attachant et troublant.
RépondreSupprimernon il n'est pas de moi il fait partie de ces "lettre d'intérieur" qui apparaissaient, apparaissent encore sur France Inter dans une émission d'Augustin Trapenard, merveilleux conteur, lecteur, et dont j'ai apprécié le choix judicieux, jour après jour, sur des sujets différents : au départ sur le confinement, le déconfinement et autres qui nous touchent... C'est la raison pour laquelle, par hasard au départ, j'ai opté pour ce choix - facile on peut dire - mais plein d'empathie, de profondeur, de légèreté ou d'émotion !merci à toi ma chère Célestine... Merci pour tes visites fidèles chez moi... Moi j'ai un peu de retard pour mes commentaires chez toi !
bisous.