*Ma lettre de confinement
Dès Aujourd’hui
Comme
la plupart des journées d’avril que nous traversons, les rayons du
soleil s’immiscent dans le logement dont je connais désormais les
moindres recoins, après de longues semaines de confinement. Je ne peux
en profiter que derrière la vitre, ce que j’ai déjà la chance d’avoir.
Me voilà alors isolé à Dublin, où j’exerçais l’activité d’associé
chercheur à l’Université de Dublin, Trinity College – loin de mes
parents, de ma famille confinés en France dans la tendre ville de ma
jeunesse.
Comme chaque français – et quelle que soit sa situation –
je pourrais soupirer ou me lamenter. Ces réactions sont légitimes : la
période que nous traversons est difficile et révèle bien plus de nos
faiblesses que nous le pensons. Attention toutefois dans cette
légitimité à ne pas se perdre dans des revendications individualistes,
en ignorant qu’aujourd’hui près de trois millions de français vivent
dans des conditions de logement difficiles. Parfois entassés dans
l’insalubrité et confrontés à des tensions et violences accentuées. Il y
a donc ceux pour qui les conditions de confinement franchissent les
frontières de l’acceptable, mais il y a aussi ceux qui sont sur le front
pour apporter à chacun d’entre nous les ressources vitales:
l’incroyable personnel médical dans les hôpitaux, les livreurs, les
agriculteurs, toutes les professions tenues par le courage de personnes
sur lesquelles repose désormais la société entière.
Je pense, malgré
tout, que l’heure n’est pas seulement à l’attente, à l’espoir d’un
futur meilleur, ou encore à l’imagination d’un monde changé. Au
contraire je crois que l’heure du changement s’impose à nous dès
aujourd’hui. Un changement sur nous-mêmes. Un changement de vision pour
notre société, notre monde et les pratiques que nous y exerçons. Ces
mots sont l’essence de ce que nous entreprenons au quotidien : savoir
qui l’on est, ce que l’on fait et où l’on va. Cette réflexion ne doit
pas seulement se faire à l’échelle de l’individu, de chacun d’entre
nous, elle doit se réaliser en commun.
Les conséquences de cette
épidémie sont désastreuses, vous le savez, et peut-être l’avez-vous
vous-même endurée – je ne vous apprends rien. Nous devons tout de même
voir ce qu’il y a de positif : nous apprenons aujourd’hui à découvrir
nos faiblesses, certains de nos traits de personnalité, nos excès, nos
craintes. Mais le plus important reste que nous apprenons à nous les
approprier, à nous renforcer et à vivre avec ce qui nous semble être des
faiblesses. Nous en ressortons plus fort que jamais. Cette phrase de
Nelson Mandela résonne alors peut être dans l’esprit de certains : « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ». C’est vrai. Nous tirons toujours de belles leçons de ce que nous traversons de plus difficile.
Désormais
nous ne pouvons plus nous échapper de certaines réalités, les
diversions ne sont plus dans nos options. Une rencontre spontanée avec
des amis pour oublier la pénibilité d’un travail n’est plus possible.
Mais dans la contrainte nous réalisons la réelle force qui est en nous.
Celle de nous unir pour combattre la propagation d’un virus coriace,
celle de prendre sur nous, celle de mettre de côté nos frustrations
personnelles pour une ambition bien plus grande.
Qui suis-je, du
haut de mes vingt ans, pour vous dire à vous que vous êtes à la hauteur
de cette ambition? Qui suis-je pour vous partager cet optimisme ? Il me
semble que chacun d’entre nous pourrais tenir ces mots et avoir ces
réflexions. Il appartient à chacun d’entre nous, dès aujourd’hui,
d’ouvrir son esprit, de prendre du recul, de réfléchir. Qui que vous
soyez, vous avez la légitimité, le droit le plus entier d’apporter votre
réflexion à la société. Vous êtes l’espoir, non pas de demain, mais
bien d’aujourd’hui.
Nous découvrons soudainement les erreurs de
notre modèle de société. Les métiers essentiels à notre survie ont-ils
été assez valorisés avec les investissements nécessaires ? Avons-nous
été, et sommes-nous à la hauteur ? Beaucoup de questions se posent. Dans
le milieu de la recherche auquel j’appartiens, j’espère que tous les
efforts, et non plus une partie, seront concentrés sur les
problématiques sanitaires, médicales et sociales qui émanent de cette
crise et seront mises en avant. Que les réponses de la science et de
l’innovation technologique seront des réponses à des problèmes réels.
J’ai l’intime conviction que nous pouvons redessiner nos ambitions, dans
le domaine de l’ingénierie biomécanique. Nous devons nous concentrer
sur les besoins d’amélioration des équipements hospitaliers.
En ces
temps de solitude et de platitude, nombreux sont ceux qui s’essayent à
de nouvelles pratiques, de nouveaux rituels, une nouvelle vie
quotidienne en somme. La découverte de nouvelles activités est
précisément une autre belle perspective que nous a permise cette
distanciation sociale : nous apprenons à apprivoiser et à découvrir ce
qui est au plus près. Nous reprenons nos activités artistiques longtemps
délaissées par une vie au rythme effréné. Nous explorons les vastes
possibilités des technologies de communication. Combien d’entre nous
avions utilisé l’application Zoom avant cela ? Enfin je terminerai
ainsi: gardez à l’esprit que lorsque tout ceci – cette pandémie – sera
terminée, tout sera devenu incroyable. Chaque détail dont nous aurons
été privés nous procurera un bonheur difficilement descriptible. Une
simple sensation d’effleurement d’un être cher sera exaltante. Et cela,
parce nous apprécions toujours plus, ce que nous avons, voyons et vivons
rarement. Nous vivons désormais dans les souvenirs du passé le
meilleur, mais le futur le sera encore.
À ceux qui sont en
difficultés : tenez bon ! La société vous viendra en aide, elle en a
aujourd’hui le devoir. Elle ne peut plus fermer les yeux sur vos
difficultés. Elle ne peut plus tourner le dos à vos revendications. Nous
avons trop souvent pris l’habitude de repousser le changement au
lendemain d’une crise, et de balayer ce besoin d’introspection lorsque
nous la surmontions. Ne commettons pas l’erreur d’oublier encore, de
laisser passer l’opportunité de faire grandir un désir de changement
pour notre société, pour les plus faibles d’entre nous et les plus
exposés aux dangers. N’oublions pas de valoriser les activités et
professionnels piliers de notre pays. N’attendons pas demain comme nous
l’avons toujours fait. Je crois la France capable de ne pas laisser de
place à la procrastination, et d’agir maintenant face à cette crise.
Demain sera meilleur, mais aujourd’hui en est la première étape.
Yann
Du haut de ses Vingt ans? De qui est cette lettre?
RépondreSupprimerbisous, et merci Den! Tu vois, je suis toujours au RV, commentaire ou pas!
Yan, un anonyme qui exprime en mot la profondeur de l'instant !
RépondreSupprimer"Demain sera meilleur, mais aujourd’hui en est la première étape".
Merci Anne pour ta lecture qui continue l'interrogation et espère.
Je t'embrasse.