Quelques extraits de Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon :
"Il neige depuis une semaine. Près de la fenêtre je regarde la nuit et j’écoute le froid. Ici il fait du bruit. Un bruit particulier, déplaisant, donnant à croire que le bâtiment, pris dans un étau de glace, émet une plainte angoissante comme s’il souffrait et craquait sous l’effet de la rétraction. À cette heure, la prison est endormie. Au bout d’un certain temps, quand on s’est accoutumé à son métabolisme, on peut l’entendre respirer dans le noir comme un gros animal, tousser parfois, et même déglutir. La prison nous avale, nous digère et, recroquevillés dans son ventre, tapis dans les plis numérotés de ses boyaux, entre deux spasmes gastriques, nous dormons et vivons comme nous le pouvons".
"Les premières années, j’avais eu énormément de difficultés à accepter l’idée de devoir vivre avec mes morts. D’écouter la voix de mon père sans broncher comme quand j’étais enfant, que nous habitions à Toulouse et que ma mère nous aimait. (…) Winona disait souvent qu’il n’y avait rien de plus normal que d’accepter ce dialogue avec les défunts qui vivaient désormais dans un autre univers".
"L’idée de vivre dans une ville ouatée d’amiante, poudrée par le poison, guettée par l’abestose, ne me préoccupait pas plus que les autres résidents de Thetford Mines qui naissaient, grandissaient, apprenaient, flirtaient, baisaient, se mariaient, s’assuraient, travaillaient, divorçaient, socialisaient, rebaissaient, vieillissaient, toussaient, et mouraient entre les monts et cratères, les terrils et les fosses".
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Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon
Jean Paul Dubois,
prix Goncourt 2019
éditions de l'Olivier
Saisissant, et moins drôle sans doute que son "vous plaisantez monsieur Tanner" dont je parlais récemment dans les commentaires de mon dernier billet... ;-)
RépondreSupprimerMais pour avoir le prix Goncourt, il faut être grave, sérieux, lourd...
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"C'est du lourd. C'est du gros. Tellement gros toutes ces péripéties dans ce chantier qu'on ne peut se poser la question" ..."Un bon moment léger pour des mésaventures qu'on ne souhaitera à personne. Il y a de quoi devenir fou.." ça c'est "vous plaisantez monsieur Tanner". Le Goncourt "C'est comme le jour de Noël, c'est agréable mais le lendemain rien n'a changé". pas encore lu ce dernier, j'attends mon appréciation !!!
RépondreSupprimerSon inspiration, Jean-Paul Dubois la puise dans ce "combustible" qu'est la vie. Le personnage central de Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, est un ami gardien d'immeuble à Montréal. "Je l'ai appelé et lui ai dit : Serge tu as le Goncourt. Vous auriez entendu son cri de joie !".
Et je crois que j'aimerais....
MERCI CELESTE.
BISOUS