"Je suis qui je suis.
Hasard inconcevable
comme tout hasard.
D'autres ancêtres
auraient su être miens,
je me serais envolée
d'un tout autre nid,
d'un tout autre tronc d'arbre
serais-je sortie, en écaille.
La garde-robe de la nature
est riche en costumes divers.
Araignée, goéland, souris.
Ils vont à merveille, sans retouches,
et seront portés docilement
jusqu'à usure complète.
De même, je n'avais rien choisi,
mais je ne me plains pas.
J'aurais pu devenir quelqu'un
de bien - particulier.
Quelqu'un de la fourmilière, du banc,
de l'essaim bourdonnant,
ou d'un bout de paysage agité par le vent.
Quelqu'un de moins heureux
élevé pour la fourrure,
pour la table de fêtes,
quelque chose qui nage sous verre.
Un arbre captif de la terre
voyant le feu approcher.
Un brin d'herbe, foulé aux pieds
par le cours d'évènements insondables.
Née sous la mauvaise étoile
qui pour d'autres reste bonne.
Et si, chez les autres, je n'éveillais que peur ?
ou rien que dégoût ?
ou rien que pitié ?
Et si j'étais née
dans une tribu mal choisie,
et que tous les chemins me fussent interdits ?
Pour l'instant, le sort a été
plutôt bienveillant avec moi.
Il aurait pu m'interdire
le souvenir des instants heureux.
Il aurait pu m'enlever
le goût des comparaisons.
J'aurais pu être moi - mais sans cet étonnement,
et cela voudrait dire
une autre".
Wislawa Szymborska
Je ne sais quelles gens
traduit du polonais par Piotr Kaminski
***
Un très beau texte, en correspondance avec mon thème de la chance...
RépondreSupprimerHasard inconcevable : c'est tellement vrai...
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
J'ai beaucoup aimé également.
SupprimerMerci à toi Célestine.
Douce soirée et bonne semaine.
Merci chère Den pour la découverte d'un bon auteur, j'aime infiniment son texte.
RépondreSupprimerGros bisous ♥
...à lire -si tu le peux- le billet du 14 sur cette grande poétesse polonaise, un autre texte... avec mon commentaire à Robert et Marine, qui tente d'expliquer un peu mieux ses mots et son écriture, que l'on peut respirer, comme rébarbatifs, mais qui me parlent moi intensément.
SupprimerMerci à toi ma chère Denise.
Gros bisous aussi.