vendredi 2 juillet 2021

...* La fuite du temps....



..."Enfant, je m'interrompais brusquement dans mes jeux à la vue des nuages qui filaient.
Ils symbolisaient pour moi la fuite du temps. 
Je savais qu'ils ne reviendraient pas, du moins ceux que je regardais à cet instant.



Aussi, comme pour les arbres, les maisons, je faisais le serment de me souvenir.







Oui, je me souviendrais de l'enchantement et de la terreur que me procurait
ce que je prenais pour des voiles,


des grands pans de manteaux, cachant lé visage de créatures affligées,
j'en étais certaine.
Etait-ce cela le temps ? et le temps vous poussait sûrement vers un gouffre. 



Le ciel était trop immense. 
Comment choisir une étoile ?
Je pressentais que toutes ces interrogations domineraient ma vie.
Il me semblait que les réponses gisaient en moi.
Sous des tonnes de sable. Je ne comprenais rien à ce temps endormi.
Je sentais que quelqu'un  voulait me parler pour me transmettre, me transfuser, me transfigurer.
Quelle était cette présence enveloppante qui ne m'a jamais quittée,
mais dont je ne pouvais rien dire à personne ?
Un jour, à neuf ans, par une fenêtre ouverte, j'entendis une musique inconnue.
C'était le Requiem de Mozart.


Le passage du Lacrymosa. Je le sais aujourd'hui.
Mes larmes coulèrent.
J'eus la certitude que j'étais, moi aussi, une de ces créatures marchant dans ses voiles,
comme au ralenti, vers les limbes.



Je sentis la présence qui grandissait en moi et me tenait la tête hors du Temps".

Françoise Lefèvre
Le petit prince cannibale

 

6 commentaires:

  1. Un beau texte. Je ne connais pas du tout cet auteur. Merci. Bon week end.

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    1. Françoise Lefèvre a eu son temps de gloire dans les années 70-80 comme d'autres auteurs femmes Marie Cardinal, Michèle Perrein que je découvrais ces années-là, époque où se révélait une "nouvelle" écriture dite féminine pas forcément féministe... écrivaines aimées toutes car elles ressentaient ce que nous les femmes nous ressentions, mais elles l'exprimaient autrement avec des mots qui nous touchaient. Une nouvelle écriture donc...
      Quant à Françoise Lefevre elle est une découverte de l'éditeur Jean-Jacques Pauvert qui pressent en elle une talentueuse écriture ... ouvreuse, sans argent, abandonnée, elle écrit "la première habitude" en 1974 qui rencontre un franc succès qui se vend à plus de 100 000 exemplaires ; d'autres romans parlant de sa vie se succèdent notamment en 2008 "le petit prince cannibale qui parle de son fils Hugo Horiot, dont elle a évoqué l'autisme dans son livre, et qui a publié en 2013 un récit de sa différence (Syndrome d'Asperger) : L'empereur, c'est moi, aux éditions de l'Iconoclaste.
      Oubliée, elle est âgée de 78 ans et vit en Bourgogne.
      Merci Marie pour ton commentaire.
      Peut-être rechercheras-tu ces auteures, leurs romans (!) et tu ne seras pas déçue !
      doux week-end également.

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  2. J'ai lu ses livres et j'ai beaucoup aimé cet auteure. Une citation que j'ai gardé en mémoire: "On voudrait avoir le courage de ces oiseaux en hiver"

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    1. Heureuse que tu l'apprécies Françoise Lefevre. Il est vrai qu'à sa découverte j'avais été un peu scotchée par ses mots, par sa vie si particulière, et sa nouvelle façon d'écrire. Les années 70 avaient réellement marqué une transformation irréversible du rapport des femmes à la littérature. Une immense émotion ressentie. Comme je l'expliquais à Marie du Bonheur du Jour elle appartenait comme les autres auteures citées plus haut... Marie Cardinale, Michèle Perrein, et tant d'autres....à un nouveau courant, d’autres femmes qui pensaient comme toutes les femmes, et cela paraissait évident de se joindre à elles en les lisant, en lisant la chose écrite bien que l'on pense, à l'époque qu'écrire pour une femme était subversif et qu'elle entrait comme par effraction dans un monde qui ne lui était pas réservé !
      merci à toi Fifi.
      Doux week-end...

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  3. J'ai cru que c'était toi qui avais écrit ce texte. Tellement il te correspond...
    Tu as raison, il y a eu une transformation radicale de l'écriture féminine dans les années 70.
    Un ferment qui a encore des effets maintenant.
    je t'embrasse douce Den
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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    1. Tu as raison Céleste. Il est vrai que lorsque j'ai lu ces mots, j'ai pensé les avoir écrits. Enfin j'aurais aimé les écrire... tant je les ressentais profondément....
      Merci à toi ma chère d'Âme de l'Etoile Amie.
      Douce semaine.
      Je t'embrasse aussi.

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Par Den :
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