mardi 20 juillet 2021

*Le monde des chemins et celui des routes



"Depuis huit jours, j'avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins..."
écrit Rimbaud



"Chemin :  bande de terre sur laquelle on marche à pied ; 
la route se distingue du chemin non seulement parce qu'on la parcourt en voiture, 
mais en ce qu'elle est une simple ligne reliant un point à un autre.




La route n'a par elle-même aucun sens ; seuls en ont un les deux points qu'elle relie.



Le chemin est un hommage à l'espace.
Chaque tronçon du chemin est en lui-même doté d'un sens et nous invite à la halte.

La route est une triomphale dévalorisation de l'espace, qui aujourd'hui n'est  plus rien d'autre qu'une entrave aux mouvements de l'homme, une perte de temps.
Avant même de disparaître du paysage, les chemins ont disparu de l'âme humaine :
l'homme n'a plus le désir de cheminer et d'en tirer une jouissance.

Sa vie non plus, il ne la voit pas comme un chemin, mais comme une route : comme une ligne menant d'un point à un autre, du grade de capitaine au grade de général, du statut d'épouse au statut de veuve.

Le temps de vivre se réduit à un simple obstacle qu'il faut surmonter à une vitesse toujours normale.
Le chemin et la route impliquent aussi deux notions de la beauté...

Quand Paul déclare qu'il y a un beau paysage à tel endroit, cela veut dire : si tu arrêtes là ta voiture, tu verras un beau château du XVIIème siècle flanqué d'un parc ; ou bien : il y a là un lac, et des cygnes nageant sur sa surface miroitante qui se perd dans le lointain.

Dans le monde des routes, un beau paysage signifie : un  îlot de beauté, relié par une longue ligne à d'autres îlots de beauté.

Dans le monde des chemins, la beauté est continue et toujours changeante ; à chaque pas, elle nous dit :
"arrête-toi".

Le monde des chemins était le monde du père.

Le monde des routes était le monde du mari.

Et l'histoire d'Agnès s'achève en boucle : du monde des chemins au monde des routes, et maintenant à nouveau au point de départ. Car Agnès s'installe en Suisse. Sa décision est désormais prise, et c'est pourquoi depuis deux semaines elle se sent si continûment, si follement amoureuse".

Kundera
L'immortalité
(5e partie : le hasard)

*****

 

2 commentaires:

  1. Je ne me souvenais pas de ce passage de Kundera... J'aime les chemins.

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    1. ...à relire, peut-être ! je préfère les chemins, les sentiers, aux routes avec toujours le même plaisir de la découverte !
      on les emprunte bien évidemment, pas pour les mêmes raisons. Chacun, chacune a sa fonction proposant des beautés différentes, qui pour la route se perdent dans le lointain égaré en une longue ligne.

      Pourtant chacun promet une nouvelle histoire d'un point à un autre. Un point c'est tout pour la route qui ne chemine plus!

      Merci Marie.

      Douce journée.

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Par Den :
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