jeudi 14 mai 2020

*L'urgence culturelle

mardi 5 mai 2020
par Augustin Trapenard

France Inter

Lettre d'Intérieur

"Monsieur le Président, il est temps de déclarer l’état d’urgence culturelle" - Isabelle Adjani

 

 

Isabelle Adjani est comédienne. Dans cette lettre, elle demande au Président de la République de s'engager en faveur d'une politique culturelle ambitieuse, où la liberté de créer ne sera pas remise en question par le principe de distanciation sociale. 






Isabelle Adjani au festival du film de Marrakech en 2016
Isabelle Adjani au festival du film de Marrakech en 2016 © Getty / Stephane Cardinale
Paris, le 4 mai 2020

« Vous occuperez tout le terrain au profit de la seule vérité poétique constamment aux prises, elle, avec l’imposture et indéfiniment révolutionnaire, à vous. ”

Monsieur le Président,

Aujourd’hui, je vous écris ces quelques  mots de René Char qui semblent s’adresser  à nous les artistes, les  auteurs... et à tous ceux, toutes catégories confondues qui œuvrent à la culture, à l’art, à la création dans ses inépuisables formes d’expression et de représentation.
Infinie source d’oxygène.

Ce qui s’appelle vital.

Ces  mots pourraient-ils vous inspirer ? Car nous, qui faisons respirer cet oxygène-là, c’est à dire la culture, allons bientôt expirer si vous ne tombez pas le masque pour nous donner les moyens de vivre et pour beaucoup, de survivre, avant que l’ouvrage ne reprenne.

Nous savons, vous savez, que nous, vulnérables  mais indestructibles artisans de la culture, sommes un gage majeur de démocratie dans un pays, que notre existence sécrète un antidote puissant à tout ce qui peut être liberticide, et que le courage de vous dire que la reprise autour du cinéma, du théâtre, de la danse, de la musique, des musées, doit être pour demain, et pas pour après-demain, nous l’avons.

La création, nous la voulons vivante pour que les gens restent vivants : elle ne peut rester otage de solutions à court terme, comme sur les réseaux sociaux, quelles que soient les ressources dévouées de ceux d’entre nous qui tentent de lutter contre son asphyxie.

Ayons l’audace d’imaginer – car faire preuve d’imagination, ça, nous savons le faire – que nous avons notre propre Ministère, un Ministère qui se nomme Ministère de la Culture et qu’on y débat de l’exception culturelle française.

Alors, voilà notre supplique :

Monsieur le Président,

Mobilisez-vous sans exception aucune, en faveur de toutes les personnes qui œuvrent pour l’art et ce que contient et représente la culture pendant tout le temps qu’il faudra.

Oui, il va falloir prolonger les droits des intermittents du spectacle ; oui, il va falloir ouvrir de nouveaux droits pour les contrats courts ne bénéficiant pas du régime de l’intermittence ; oui, il va falloir empêcher la fermeture définitive des espaces culturels (quelle que soit leur taille et leur vocation) ; oui, il va falloir exonérer de charges celles et ceux qui dépendent des URSSAF des artistes et des auteurs…

Oui, Monsieur le Président, nous vous attendons à la hauteur de la fierté avec laquelle vous brandissez, comme tous les autres présidents de la Ve République avant vous, la culture française comme le plus bel étendard de notre pays.

Alors Monsieur le Président, il est temps de déclarer l’état d’urgence culturelle, une urgence sans condition, une urgence sans restriction, une urgence où la liberté de créer ne sera pas remise en question parce que la culture est incompatible avec la distanciation sociale, parce que l’art est un état où la liberté est une nécessité, l’art est un état où la liberté fait loi.

L’état d’urgence culturelle : c’est défendre un patrimoine vivant qui appartient à tout le monde en France.

Aidez nous  à sauver ce bien démocratique commun et inestimable qu’est notre culture.

Isabelle Adjani

6 commentaires:

  1. Coucou Den. Comme souvent, et malheureusement, la culture est mise de côté quand il faut trouver des sous pour la soutenir. Et cela même en période "normale". Alors que penser de ce qui se passe maintenant? Un immense gâchis sur toute la ligne... mais pas que pour la culture, pour les artistes, pour les intermittents du spectacle. Mais bien pour l'ensemble de la société... malheureusement. Mais il y a des lueurs d'espoir et des artistes qui trouvent des moyens d'expression, malgré tout. Bises alpines.

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  2. Euh, la démocratie vue et revue par les bobos…. La culture coûte cher, les livres aussi, les petits artistes subventionnés parce que amis de …
    Tant de gens s'en désintéressent. A moins que pour eux, la culture ce soit des émissions nulles, des livres très/ trop faciles à lire et à la mode.
    Beaucoup d'acteurs se disent politiquement engagés, et, du coup sont "in"; d'autres un peu censurés parce que, non politiquement corrects….Vaste débat!
    J'aime la culture, mais la vraie! On ne l'entend pas tous de la même façon sous le même vocable…….Avis qui n'engage que moi!

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  3. Trop de petites structures (éditeurs indépendants ou alternatifs, librairies, salle de spectacles associatives et d'essais, la listes n'est hélas pas exhaustive;) vont mourir pour laisser la place à une culture officielle et commerciale. La petite création, pour moi souvent la plus riche, sombrera dans le même naufrage. Dans l’indifférence générale. Adieu alors les auteurs abordables, les musiciens originaux, les poètes... Adieu les spectacles abordables pour le public modeste. Ne vivra plus que le clinquant, les strass, bref tout ce qui peut rapporter. Corona virus ou pas, tout cela était programmé depuis que l'art est devenu un produit comme un autre et qu'on trouve des livres entre un paquet de lessive et une botte de carotte. Notez bien que je n'ai rien contre les carottes ou la lessive. Mais comment peut vivre la culture dans un monde qui a perdu son humanité?

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    1. Que rajouter de plus les Âmi(es) à vos commentaires concernant ce billet... qui pourrait parmi nous être opposé à cette culture que nous aimons, la vraie, mais pas seulement la culture, le monde médical, Dédé, tu as raison.... échouage complet jusqu'au bout pour l'ensemble de notre société !

      Anne, quant aux bobos, bourgeois-bohème, franchement je ne sais pas trop ce que ça veut dire... encore que si leurs membres ont de la valeur, ça peut changer de la tradition, encore le faut-il ? quant aux autres points je ne peux qu'être d'accord avec toi, la vraie culture (tout type confondu), celle que l'on aime, ne trouve pas toujours preneur et coûte cher ! les subventions aux amis des amis, il paraît, ça marche ! les émissions nulles par des animateurs de bas étage, mais qui attirent par la part d'audience, la part de marché.... ! et tant de choses que l'on nous cache, que l'on ignore ! c'est dramatique. Que faire Anne ? acheter les livres qui nous attirent, aller vers les expositions qui nous inspirent, aux spectacles qui nous correspondent ; mais ce n'est pas pour l'instant. Attendons.

      Quant à toi letienne tu as fort bien résumé cet état d'urgence culturelle au fond du gouffre qui risque de disparaître rapidement. Les poètes, les créateurs, toutes les beautés du monde qui nous permettent de nous évader de la vraie vie complètement déshumanisée, tu as raison. Souhaitant que l'acquis et les lettres subsistent, et que l'esprit à quatre sous ne soit triomphant !

      Reste à chacun, chacune d'entre nous de perpétuer ces chemins que nous aimons et de tenter de faire vivre libre ce qui est vital.

      Merci à vous trois.

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  4. J'ai lu ta réponse, Den et approuvé que tu nous répondes aussi longuement. Les bobos, ce sont ceux qui jouent les écolos, parigots ou autres, d'une certaine aisance matérielle, d'un conformisme intellectuel qui se veulent anti- conformistes...….Je viens de lire un livre coup de poing, Impatience de l'absolu de Jacqueline Kelen, sorte de sœur d'âme sauf qu'elle est bien plus forte que moi ! Petite sœur Antigone… Pas conformiste du tout! Ce livre restera sur ma table de chevet ! Je l'ai offert 4 fois, j'ai du mérite, car on ne e trouve plus…..(l date de 2012)

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  5. Je plaisantais, Anne, je le savais fort bien...je suis allée lire quelques pages de l'auteure dont tu parles ... Jacquelin Kelen.... toujours assoiffée.... une belle vie c'est une vie de plénitude, j'ai tout connu, le bonheur et les mensonges.... une belle vie est une vie avec ses épreuves... dont on se relève.. une confiance éperdue dans le tout possible !
    faut aller au fond de notre solitude et il reste tout, l'amour reste entier.... c'est l'image de la montgolfière. Le silence, la solitude, les secrets. En paix avec soi. Un, entier, sans manque ! plus je vais dans la solitude plus je vais vers les autres. Libre.

    Des mots d'elle. Une quête. De la vaillance. La beauté. le goût de l'amitié, de la sincérité.

    Intéressant. Donne envie de la lire ! un chemin de la verticalité !
    Un beau message !

    merci à toi pour cette découverte, Anne.

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Par Den :
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